La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/1988 | FRANCE | N°58700

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 17 février 1988, 58700


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril 1984 et 22 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Maurice X..., demeurant Pontanevaux à Chapelle de Guinchay (71570), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 14 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;
°2) le décharge des impositions et pénalités

contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impô...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril 1984 et 22 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Maurice X..., demeurant Pontanevaux à Chapelle de Guinchay (71570), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 14 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;
°2) le décharge des impositions et pénalités contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu le III de l'article 81 de la loi °n 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi °n 87-1060 du 30 décembre 1987 portant loi de finances pour 1988 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Maurice X...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 31 janvier 1985, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux de Saône-et-Loire a accordé à M. X... un dégrèvement, en droits et pénalités, de 6 953 F au titre de l'année 1976 et de 8 340 F au titre de l'année 1977 ; qu'à concurrence de ces sommes, la requête est devenue sans objet ;
Sur la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts applicable aux impositions contestées : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration vérifie les déclarations de revenu global prévues à l'article 170. Elle peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux que font l'objet de sa déclaration ..." ; qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 179 dudit code, également applicable, est taxé d'office, sous réserve des dispositions particulières relatives notamment au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes de justification de l'administration ;
Considérant qu'il ressort de ces dispositions que l'administration n'est en droit d'adresser une demande de justification à un contribuable qui a compris dans la déclaration de son revenu global un bénéfice industriel ou commercial et de le taxer d'office s'il s'abstient de répondre ou de produire les justifications demandées que si cette procédure ne porte pas atteinte aux règles propres à la détermination des bénéfices de cette catégorie ; qu, dans le cas où le bénéfice industriel ou commercial est fixé selon le régime du forfait, l'administration ne peut adresser au contribuable une demande de justifications, sur le fondement de l'article 176, précité que si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle il est forfaitairement imposé ; que des indices sérieux sont notamment réunis lorsque l'administration est en mesure d'établir que les différents comptes, bancaires et autres, de l'intéressé ont enregistré des rentrées de fonds excédant notablement les recettes réelles qui ont pu normalement résulter de l'activité forfaitairement imposée ;

Considérant que la circonstance que la charge de la preuve incombe au contribuable taxé d'office pour défaut de réponse ou défaut de production de justification ne dispense pas l'administration d'établir qu'elle était en droit d'avoir recours à la procédure prévue à l'article 176 ;
Considérant que l'administration, à la suite de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. X..., boulanger, a fait apparaître, en établissant une balance annuelle entre les disponibilités dégagées et les disponibilités employées, un solde de disponibilité d'origine inexpliquée s'élevant, respectivement, à 177 331 F et à 87 677 F pour les années 1976 et 1977 alors que les bénéfices commerciaux étaient forfaitairement fixés à 50 000 F pour 1976 et à 63 000 F pour 1977 ; que ces éléments d'appréciation constituaient, en l'espèce, un indice sérieux autorisant le vérificateur à demander au contribuable l'origine des sommes qui pouvaient expliquer le solde des disponibilités employées par rapport aux disponibilités dégagées ;
Considérant, d'une part, que les dispositions dudit article 176 concernent le revenu global et non la détermination de revenus catégoriels ; que, de ce fait, la situation du redevable devant être appréciée dans son ensemble, il n'est pas interdit à l'administration, contrairement à ce que soutient M. X..., d'établir une seule balance par année pour démontrer que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il déclare ;

Considérant, d'autre part, que, si M. X... a produit sur certains points des justifications que l'administration a admises, pour un total de 44 711,04 F en 1976 et de 9 541,30 F en 1977, il résulte de l'instruction que le requérant, pour le surplus, a fait état dans sa réponse de prêts consentis par des tiers, en ne fournissant à l'appui de ses dires qu'une attestation sans date certaine, et d'économies réalisées antérieurement, sans autre précision ; que sa réponse, sur ces points, par sa généralité et son caractère invérifiable, équivalait à un défaut de réponse et permettait à l'administration de recourir à la procédure de taxation d'office des revenus d'origine inexpliqué ; qu'en revanche, le requérant faisait état, justifications à l'appui, de la réalisation de bons de caisse au cours de l'année 1976 ; que si, sur ce point, sa réponse ne pouvait valoir justification, dès lors qu'il n'établissait pas qu'il détenait ces bons antérieurement à 1976, cette précision ne lui avait pas été demandée ; que ses explications ne pouvaient, en l'état, être regardées comme équivalant à un refus de répondre mais appelaient, le cas échéant, une nouvelle demande de justification ; qu'ainsi, en comprenant la somme correspondante, soit 10 237,50 F, dans la taxation d'office, l'administration a fait une fausse applications des dispositions sus-rappelées ;
Considérant que l'administration n'était pas tenue, contrairement à ce que soutient le requérant, d'établir à quelle catégorie particulière de bénéfices ou de revenus ressortissent les sommes correspondant à cette taxation ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977 n'ont pas pour effet de rendre obligatoire le visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal sur la notification des bases ou éléments de calcul d'un redressement dans le cas où cette notification est intervenue à l'occasion d'une procédure de taxation d'office ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions n'est, dès lors, pas fondé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que, devant le tribunal administratif, M. X... s'est borné à contester la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé des pénalités ; que c'est seulement dans sa requête d'appel qu'il a également contesté le bien-fondé de l'imposition ; que, dès lors, cette partie des conclusions de la requête, n'ayant pas été soumise aux premiers juges, constitue une demande nouvelle qui n'est pas recevable ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'en se bornant à faire valoir que "les soldes créditeurs de la balance de disponibilités caractérisent une dissimulation importante de revenus imposables pour l'année 1977", l'administration n'établit pas l'absence de bonne foi du contribuable ; que, dès lors, les intérêts de retard prévus aux articles 1727 et 1728 du code général des impôts doivent être substitués, dans la limite du montant de la majoration restant en litige, à la pénalité de 50 % prévue par l'article 1729 de ce code ; que M. X... est fondé à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. X... à concurrence des sommes de 6 953 F et de 8 340F dont le dégrèvement a été accordé au titre respectivement des années 1976 et 1977.
Article 2 : Dans la mesure où il n'en a pas été tenu compte pour accorder le dégrèvement mentionné à l'article 1er ci-dessus, M. X... est déchargé de la partie des cotisations à l'impôt sur le revenu établies au titre des années 1976 et 1977 qui correspond à la taxation d'office de la somme de 10 237,50 F qu'il avait indiqué comme provenant de la cession de bons de caisse.
Article 3 : Dans la limite du montant des pénalités appliquées, les intérêts de retard sont substitués à la pénalité pour absence de bonne foi dont les droits restant en litige ont été assortis au titre de l'année 1976.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART. 176 ET 179 DU CGI, REPRIS AUX ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) -Conditions de mise en oeuvre - Notion d'indices sérieux permettant la mise en oeuvre de l'article 176 - Forfaitaire.

19-04-01-02-05-02-02 L'administration, à la suite d'une VASFE, a fait apparaître pour un contribuable, en établissant une balance annuelle entre les disponibilités dégagées et les disponibilités employées, un solde de disponibilité d'origine inexpliquée s'élevant respectivement à 177331 F et à 87677 F pour les années 1976 et 1977, alors que les bénéfices commerciaux étaient forfaitairement fixés à 50000 F pour 1976 et à 63000 pour 1977. Ces éléments d'appréciation constituaient, en l'espèce, un indice sérieux autorisant le vérificateur à demander au contribuable l'origine des sommes qui pouvaient expliquer le solde des disponibilités employées par rapport aux disponibilités dégagées.


Références :

CGI 176, 179 al. 2, 1727, 1728, 1729
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3


Publications
Proposition de citation: CE, 17 fév. 1988, n° 58700
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 17/02/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 58700
Numéro NOR : CETATEXT000007626417 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-02-17;58700 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award