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19/02/1988 | FRANCE | N°72528

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 19 février 1988, 72528


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 septembre 1985 et 11 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 24 juillet 1985 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a admis que les pluies qui se sont abattues sur la commune de Castagniers les 25 et 26 septembre 1981 avaient le caractère d'un évènement de force majeure et que Mme X... avait commis une faute susceptible d'exonérer totalement le département des Alpes-Ma

ritimes et la commune de leur responsabilité dans les dommages su...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 septembre 1985 et 11 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 24 juillet 1985 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a admis que les pluies qui se sont abattues sur la commune de Castagniers les 25 et 26 septembre 1981 avaient le caractère d'un évènement de force majeure et que Mme X... avait commis une faute susceptible d'exonérer totalement le département des Alpes-Maritimes et la commune de leur responsabilité dans les dommages subis par sa maison à la suite desdites pluies,
2° déclare le département et la commune solidairement responsables de ces dommages et les condamne à lui verser la somme de 389 905 F avec intérêts de droit et capitalisation en réparation du préjudice qu'elle a subi ou, subsidiairement, que la faute de la victime ne saurait exonérer le département et la commune de plus d'un quart de leur responsabilité,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme Claudine X..., de Me Ravanel, avocat du département des Alpes-Maritimes, de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de la commune de Castagniers et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de la compagnie générale des eaux,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité du département des Alpes-Maritimes et de la commune de Castagniers :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, malgré leur importance et leur intensité exceptionnelles, les pluies orageuses qui se sont abattues sur la commune de Castagniers dans la nuit du 25 au 26 septembre 1981 n'ont pas présenté, par rapport à tous les précédents connus dans la région, un caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure ;
Considérant, en second lieu, que les dommages dont Mme X... demande réparation ont été provoqués, d'une part, par un flot de boue dû à l'effondrement d'une partie du chemin départemental 614 située à l'aplomb de l'entrée principale de sa propriété et, d'autre part, par les eaux de ruissellement provenant de ce chemin départemental et d'un ravin aménagé pour l'écoulement des eaux pluviales et qui ont pénétré par l'entrée charretière ; qu'il ressort des pièces du dossier que la pénétration de ces eaux de ruissellement a été favorisée par l'absence de caniveaux le long d'un chemin communal rejoignant en ce point le chemin départemental, par la dimension insuffisante des caniveaux situés au carrefour du hemin départemental et du chemin communal ainsi que par la mise en place, sous ce carrefour, de buses destinées à canaliser les eaux collectées dans le ravin et dont le diamètre est plus fort en amont qu'en aval ; que ces circonstances sont de nature à engager la responsabilité du département des Alpes-Maritimes et de la commune de Castagniers à l'égard de Mme X..., tiers par rapport aux ouvrages publics en cause ;
Considérant, enfin, que, si Mme X... n'a commis aucune faute susceptible d'exonérer de sa responsabilité le département et la commune en ce qui concerne le premier sinistre, en revanche, en construisant ou laissant subsister en aval de l'entrée charretière un mur qui s'opposait à l'écoulement naturel des eaux vers l'aval, la requérante a commis une faute de nature à exonérer le département et la commune de 50 % de leur responsabilité en ce qui concerne le deuxième sinistre ; qu'ainsi et au total, le département des Alpes-Maritimes et la commune de Castagniers sont conjointement responsables de 75 % des conséquences dommageables des deux sinistres subis par la propriété de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Nice a exonéré le département des Alpes-Maritimes et la commune de Castagniers de toute responsabilité ;
Sur le préjudice :
Considérant que, si Mme X... soutient que le montant des réparations nécessaires s'élève à la somme de 389 905 F, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise que les travaux de déblaiement, de réfection intérieure et extérieur de la villa et de réfection de la partie jardin, seuls indemnisables, sont évalués à la somme de 59 548,88 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité susindiqué et du coefficient de vétusté applicable à la villa, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 40 000 F la somme que le département des Alpes-Maritimes et la commune de Castagniers sont condamnés à verser à Mme X... ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme de 40 000 F à compter du 19 mai 1983, date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 décembre 1985 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise s'élevant à 10 200 F à la charge du département des Alpes-Maritimes et de la commune de Castagniers ;
Sur l'appel provoqué du département des Alpes-Maritimes :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mise en place, par la compagnie générale des Eaux, de compteurs d'eau sur le talus soutenant le chemin départemental 614 n'a pas été la cause de l'effondrement d'une partie de ce chemin dans la nuit du 25 au 26 septembre 1981 ; que, dès lors, le département des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que la compagnie générale des Eaux devait le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
Article 1er : Le jugement du 24 juillet 1985 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Le département des Alpes-Maritimes et la commune de Castagniers sont condamnés conjointement à verser à Mme X... la somme de 40 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1983. Les intérêts échus le 11 décembre 1985 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise s'élevant à la somme de 10 200F seront supportés conjointement par le département des Alpes-Maritimes et la commune de Castagniers.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X... et l'appel provoqué du département des Alpes-Maritimes sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au département des Alpes-Maritimes, à la commune de Castagniers, à la Compagnie générale des eaux et au ministre de l'intérieur.


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