Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin 1985 et 21 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société civile des NEO-POLDERS, dont le siège social est à Créances (Manche), représentée par son gérant en exercice M. X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 7 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 47 105 000 F avec intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de la décision du 1er avril 1980 du directeur départemental de l'équipement de la Manche lui refusant l'autorisation d'exécuter de nouveaux travaux de mise hors d'eau de terrains maritimes situés dans le havre de Lessay ;
°2) condamne l'Etat à lui verser la somme de 47 105 000 F, avec les intérêts à compter du 1er décembre 1980, et la capitalisation de ces intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Capron, avocat de la Société civile des NEO-POLDERS,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un contrat d'endigage passé avec l'Etat le 12 novembre 1952, la Société civile des NEO-POLDERS s'est engagée à effectuer des travaux d'endigage portant sur 427 hectares de terrains maritimes situés dans le havre de Lessay ; que, après l'exécution d'une première tranche de travaux, la société concessionnaire a, conformément aux stipulations du contrat, demandé au directeur départemental de l'équipement de la Manche l'autorisation d'effectuer les travaux sur les 331 hectares qui restaient à mettre hors d'eau ; que l'autorisation de poursuivre les travaux restants lui a été refusée le 1er avril 1980 par une décision du directeur départemental de l'équipement confirmée implicitement, sur recours hiérarchique, par le ministre de l'environnement et du cadre de vie ; que la société demande à être indemnisée du préjudice subi du fait de cette décision qui rend impossible l'exécution du contrat d'endigage ;
Considérant que si certains des travaux d'intérêt général que la société devait effectuer dans le cadre du contrat d'endigage sur des terrains destinés à lui revenir après qu'il auraient été soustraits dans leur totalité à l'action des eaux ne pouvaient être regardés comme exécutés pour le compte d'une personne publique, les travaux d'édification des digues, lesquelles devaient après leur édification appartenir au domaine public, étaient exécutés pour le compte de l'Etat ; que le contrat unique afférent à ces deux séries d'opérations a dans son ensemble le caractère d'un marché de travaux publics ; que, dès lors, la requête présentée par cette société devant le tribunal administratif en vu d'être indemnisée du préjudice subi du fait de la décision du ministre de l'environnement et du cadre de vie lui refusant implicitement de poursuivre les travaux d'endigage prévus par la concession, était recevable alors même qu'elle n'était pas dirigée contre une décision ; qu'ainsi la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme irrecevable ; qu'il y a lieu de renvoyer la Société civile des NEO-POLDERS devant le tribunal administratif de Caen pour qu'il soit statué sur le bien-fondé de ladite demande ;
Article 1er : Le jugement en date du 7 mai 1985 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La Société civile des NEO-POLDERS est renvoyée devant le tribunal administratif de Caen pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société civile des NEO-POLDERS, et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.