Vu la requête, enregistrée le 31 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A...
X..., agissant au nom des héritiers de M. Mohammed X..., demeurant 12, rue A, Cité des Eucalyptus à Bejaia (Algérie), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 15 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que le ministre de l'intérieur et de la décentralisation soit condamné d'une part à leur verser les sommes et intérêts de droit, revenant, durant la période du 1er janvier 1963 au 15 février 1976, à M. Z... dit Y... CHENNINE, décédé le 15 février 1976, dont ils sont les héritiers, d'autre part à servir à la veuve une pension de réversion - à partir du 1er mars 1976 et à lui allouer une indemnité provisionnelle de 1 500 F par trimestre à compter du jour du dépôt de la requête, en attendant le règlement définitif du litige ;
°2) condamne le ministre de l'intérieur à verser lesdites sommes et intérêts ainsi que la pension de réversion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi °n 52-432 du 28 avril 1952 ;
Vu les articles 18 et 19 de la déclaration gouvernementale sur la coopération économique et financière publiée au Journal Officiel du 20 mars 1962, ensemble la loi °n 62-421 du 13 avril 1962 ; le Protocole judiciaire signé le 28 août 1962 entre le Gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien et publié par décret du Président de la République du 29 août 1962 ; les lettres du ministre des affaires étrangères relatives à l'interprétation du Protocole judiciaire en date des 13 février 1963 et 30 juillet 1963 ; la loi du 28 octobre 1946 ; le décret du 8 février 1957 ; la loi du 28 juillet 1962 et le décret du 13 juillet 1963 ; la décision °n 55-A-33 adoptée par l'Assemblée algérienne le 10 juin 1955 et homologuée par décret du 30 juillet 1955 ; l'arrêté du gouverneur général de l'Algérie du 5 août 1955, ensemble les arrêtés du ministre résidant en Algérie des 12 juillet 1956 et 12 juin 1957 ; les arrêtés du ministre de l'Algérie des 14 mars 1958 et 3 mai 1958 ; la loi du 31 juillet 1963 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat des consorts X...,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les droits à pension de réversion de Mme Veuve X... :
Considérant que M. Mohammed X..., décédé le 15 février 1976, a servi comme garde-champêtre de la commune mixte de la Soumman (Algérie) du 6 mai 1927 au 4 décembre 1955, date à laquelle il a été victime d'un attentat et a cessé ses fonctions ;
Considérant que, d'une part, M. X... n'a jamais fait l'objet d'une affiliation à la caisse générale des retraites d'Algérie et n'était dès lors titulaire d'aucun droit à une pension versée par cet organise ; que, d'autre part, ayant cessé ses fonctions avant le 19 mars 1962, il ne pouvait bénéficier de l'affiliation à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales prévue par l'ordonnance du 9 juin 1962 en faveur de certains personnels titulaires des communes d'Algérie en fonctions le 19 mars 1962 ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'était à la date de son décès titulaire d'aucun droit à pension et que, dès lors, Mme Veuve X... ne saurait en tout état de cause prétendre à une pension de réversion ;
Sur les demandes aux fins d'indemnisation :
Considérant qu'il résulte de l'interprétation donnée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion du pourvoi °n 12303 dans deux lettres en date des 13 février 1963 et 30 juillet 1963, tant de la déclaration de principe du 19 mars 1962 publiée au Journal Officiel du 20 mars 1962, relative à la coopération économique et financière que du protocole judiciaire conclu le 28 août 1962 entre le gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien et publié par décret du 29 août 1962, que l'ensemble des droits et des obligations contractées par la France au titre de l'Algérie ont été transférés à l'Etat algérien à la date de son accession à l'indépendance et qu'ainsi les actes qui, quels qu'en soient les auteurs, avaient été pris par des autorités françaises dans l'exercice des compétences aujourd'hui dévolues aux autorités algériennes, doivent être regardés comme s'étant, à la date de l'indépendance, insérés dans l'ordre juridique du nouvel Etat ; qu'en matière d'excès de pouvoir, les recours qui sont dirigés contre ces actes intéressent l'Etat algérien et ne relèvent plus, dès lors, des tribunaux français ; qu'en ce qui concerne les litiges de plein contentieux relatifs notamment aux demandes de paiement de sommes auxquelles ouvriraient droit les lois et règlements par application desquels sont intervenus des actes de la nature ci-dessus définie, l'ensemble des obligations qui pesaient sur la France au titre de l'Algérie ont été transférés à l'Algérie au jour de son indépendance ; qu'ainsi les recours ayant trait aux litiges de cette seconde catégorie doivent être regardés comme intéressant l'Etat algérien ; que dès lors lesdits recours ont cessé de relever de la compétence des tribunaux français ;
Considérant que les consorts X... demandent que l'Etat français soit condamné, d'une part, à les indemniser du préjudice résultant pour eux de la faute qu'il aurait commise en n'affiliant pas d'office M. Mohamed X... à la caisse générale des retraites d'Algérie, et d'autre part à leur verser une somme correspondant au montant des arrérages, pour la période comprise entre le 1er janvier 1963 et la date du décès de M. X..., de la rente qui lui avait été attribuée à la suite de l'attentat dont il a été victime ;
Considérant, d'une part, que la faute qu'aurait commise l'Etat en n'affiliant pas M. X... à la caisse générale des retraites d'Algérie se rattache à l'exercice du pouvoir de tutelle sur les communes d'Algérie ; d'autre part, que la rente dont le versement à M. X... a été interrompu le 31 décembre 1962 avait été attribuée à l'intéressé en vertu d'une décision en date du 10 juin 1955 de l'assemblée algérienne homologuée par décret du 30 juillet 1955 et complétée par des arrêtés des 14 mars et 5 mai 1958 du ministre de l'Algérie, en réparation de dommages subis "à l'occasion des évènements qui sévissaient sur ce territoire" et se trouvait imputée sur le budget de l'Algérie ; qu'ainsi les demandes susanalysées sont relatives à des obligations transférées au jour de l'indépendance à l'Etat algérien ; qu'elles intéressent par suite ledit Etat ; que dès lors le juge administratif français n'est pas compétent pour en connaître ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes ;
Article 1er : La requête des consorts X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à aux consorts X..., au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation et au ministre de l'intérieur.