Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 septembre 1986 et 23 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire rectificatif enregistré le 6 février 1987, présentés pour le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS, dont le siège est ..., représenté par son président et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'alinéa 2 de l'article 4 du décret °n 86-442 du 14 mars 1986 et des décisions du ministre délégué chargé de la santé et de la famille en date du 29 juillet 1986 et du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la fonction publique et du plan du 5 août 1986 rejetant le recours gracieux du conseil national de l'Ordre contre l'alinéa 2 de l'article 4 du décret du 14 mars 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal, notamment son article 378 ;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L.366 et L.382 ;
Vu la loi °n 70-1318 portant réforme hospitalière ;
Vu la loi °n 71-525 du 3 juillet 1971 relative aux rapports entre la caisse d'assurance maladie et les praticiens et auxiliaires médicaux ;
Vu la loi °n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi °n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le code de déontologie médicale ;
Vu le décret °n 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lamy, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélémy, avocat du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 du décret attaqué sont purement confirmatives de celles qui figurent à l'article 12 du décret du 14 février 1959 et qui sont devenues définitives ; que les conclusions de la requête qui tendent à leur annulation ne sont pas recevables ;
Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 3 du décret °n 83-1025 du 28 novembre 1983 : "l'autorité compétente est tenue de faire droit à toute demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, soit que le règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte des circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date" ;
Considérant que, par deux lettres du 22 avril 1986 respectivement adressées au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille et au ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et du Plan, le Conseil national de l'ordre a contesté la légalité de l'alinéa 2 de l'article 4 du décret attaqué et en a demandé l'abrogaton ;
Considérant que le ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi chargé de la santé et de la famille, par une lettre du 29 juillet 1986 et le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et du Plan, par une lettre du 5 août 1986, ont refusé d'abroger les dispositions contestées ; que ces décisions ont été déférées au juge de l'excès de pouvoir dans les délais du recours contentieux ; que, dès lors, les conclusions tendant à leur annulation sont recevables ;
Sur la légalité des décisions attaquées et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que le décret du 14 mars 1986 après avoir rappelé en son article 4, alinéa 1er que les médecins agréés appelés à examiner, au titre du décret, des fonctionnaires ou des candidats aux emplois publics dont ils sont les médecins-traitants sont tenus de se récuser, précise, par l'alinéa 2 attaqué du même article, que cette disposition ne s'applique pas aux médecins des établissements hospitaliers publics en ce qui concerne les malades traités par eux dans ces établissements ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 257 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 3 juillet 1971 : "Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi du 3 juillet 1971 ; et qu'aux termes de l'article L.382 du code de la santé publique : "L'ordre des médecins ... assure ... l'indépendance de la profession médicale" ; que le principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins que consacrent ces dispositions et qui implique que nul ne peut être à la fois médecin contrôleur et médecin traitant, a une portée législative ; qu'aucune disposition législative et notamment aucune disposition relative soit du statut général des fonctionnaires soit à l'organisation hospitalière n'a autorisé le gouvernement à y déroger s'agissant des personnes qui sont concernées par le décret attaqué ; qu'ainsi, les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 de ce décret qui édictent une telle dérogation sont illégales ; que le Conseil national de l'ordre des médecins est, dès lors, fondé à demander l'annulation des décisions par lesquelles l'administration a refusé de les rapporter ;
Article 1er : La décision du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille du 29 juillet 1986 et la décision du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et du Plan du 5 août 1986 sont annulées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins, au Premier ministre, au ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et du Plan et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.