Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Préfet du Cher et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 22 juin 1984 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à verser à Mlle X... une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bouchet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de Mlle Françoise X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives au désistement d'office de l'Etat :
Considérant qu'en précisant, dans son mémoire introductif d'appel que le ministre "complètera son recours en tant que de besoin", le préfet, commissaire de la République a entendu informer le Conseil d'Etat que son recours serait ultérieurement régularisé par le ministre ; que, dans ces conditions, la circonstance que le ministre se soit borné, dans son mémoire, à s'approprier les conclusions du préfet, commissaire de la République, sans présenter de mémoire complémentaire ne saurait entraîner l'application de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées par Mlle X... :
Considérant que selon l'article L.344 du code de la santé publique, en cas de danger imminent attesté par le certificat d'un médecin ou la notoriété publique, les commissaires de police à Paris et les maires dans les autres communes ordonneront, à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires à charge d'en référer dans les 24 heures au préfet qui statuera "sans délai" ; qu'en attendant l'expiration d'un délai de 11 jours pour se prononcer sur l'internement ordonné par l'arrêté du maire de Bourges du 9 janvier 1981, le préfet a commis une faute lourde qui engage la responsabilité de l'Etat ; que, nonobstant la circonstance que Mlle X... soit demeurée dans l'établissement psychiatrique jusqu'au 7 février 1981 en raison d'un placement volontaire dont elle a été l'objet après la main-levée du placement d'office, la faute commise par le préfet a causé à Mlle X... un préjudice dont elle est fondée à demander réparation ;
Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'Etat à verser une indemnité de 10 000 F à l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que la somme allouée par le tribunal administratif doit porter intérêts à compter du 17 mars 1983 jour de la demande ; que la capitalisation es intérêts a été demandée le 7 février 1985 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article ler : Le recours du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale est rejeté.
Article 2 : La somme de 10 000 F à laquelle l'Etat est condamné portera intérêts à compter du 17 mars 1983. Les intérêts échus le 7 février 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes des intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au préfet du Cher, à Mlle X... et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.