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04/05/1988 | FRANCE | N°60994

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 04 mai 1988, 60994


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 1984 et 20 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yves Z..., agissant en qualité de représentant légal de sa fille mineure Rachel Z..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- annule le jugement du 30 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'entreprise Cattoni, en règlement judiciaire, à verser, d'une part, à M. Z... une somme de 108 232,15 F en réparation du préjudice subi par sa fille du fait de l'accide

nt dont elle a été victime le 29 mai 1978, d'autre part, à la caisse...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 1984 et 20 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yves Z..., agissant en qualité de représentant légal de sa fille mineure Rachel Z..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- annule le jugement du 30 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'entreprise Cattoni, en règlement judiciaire, à verser, d'une part, à M. Z... une somme de 108 232,15 F en réparation du préjudice subi par sa fille du fait de l'accident dont elle a été victime le 29 mai 1978, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (C.P.A.M.) une somme de 23 535,70 F avec les intérêts de droit à compter du 23 novembre 1981 et mis à sa charge les frais d'expertise taxés à la somme de 1 160 F,
°2- condamne l'entreprise Cattoni à verser à M. Z... une somme de 700 000 F majorée des intérêts de droit capitalisés,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pinel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lemaître, Monod, avocat de M. Yves Z... et de Me Choucroy, avocat de la société Entreprise Cattoni (S.A.R.L.) et du syndic au règlement judiciaire de ladite société, Me X...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Z... conteste le montant des réparations que, par jugement du 30 mai 1984, le tribunal administratif de Paris a mis à la charge de l'entreprise Cattoni à la suite de l'accident survenu à sa fille Rachel le 29 mai 1978 ; que, postérieurement audit jugement, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par décision du 20 février 1985, condamné l'entreprise Cattoni à supporter l'entière responsabilité de l'accident ;
Sur la régularité des opérations d'expertise :
Considérant qu'il ressort de l'instruction que postérieurement à l'examen médical auquel il a été procédé contradictoirement le 12 janvier 1983, en présence d'un praticien, désigné par l'entreprise Cattoni, l'expert a disposé d'un document comportant des données relevées lors d'un examen de médecine scolaire effectué le 18 novembre 1977, selon lesquelles l'acuité visuelle de l'oeil gauche de Mlle Z... était dès avant l'accident inférieure à celle de l'oeil droit ; que l'expert a fait état dans son rapport déposé le 25 mars 1983 dudit document sans l'avoir préalablement communiqué au praticien représentant l'entreprise ; qu'ainsi le caractère contradictoire de l'ensemble des opérations d'expertise n'a pas été respecté ; qu'il suit de là que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant toutefois que le rapport de l'expert doit être retenu à titre d'élément d'informations et que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise :

Considérant que le Conseil d'Etat dispose du fait de l'ensemble des données recueillies par l'instruction d'éléments suffisants pour statuer sur la demande ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant qu'il ressort de l'instruction que Mlle Z... a dû être opérée à quatre reprises entre le 29 mai 1978 et le 2 septembre 1980 ; qu'elle demeure atteinte de strabisme divergent permanent la privant d'une vision binoculaire, de ptosis et de symblépharon de la paupière gauche, enfin d'une diminution importante de l'acuité visuelle réduite à trois dixièmes au moment de l'expertise et qui s'est aggravée par la suite pour descendre à 1/10ème ; que l'incapacité permanente dont elle reste atteinte lui ouvre droit à la compensation des troubles de toutes natures qu'elle ressent dans ses conditions d'existence ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de ces troubles en évaluant à deux cent mille francs (200 000 F) le préjudice qui en découle ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme, premièrement, celle de cinquante mille francs (50 000 F) correspondant à la réparation équitable en l'espèce du dommage afférent aux souffrances physiques endurées par Mlle Z..., et, deuxièmement, celle de quarante mille francs (40 000 F) qui constitue une estimation également équitable du préjudice esthétique ; qu'ainsi le préjudice total subi par Y... TANGUY dont la réparation incombe intégralement, en application de la décision du Conseil d'Etat du 20 février 1985, à l'entreprise Cattoni s'élève à 290 000 F, somme à laquelle s'ajoutent les frais médicaux résultant de l'accident et qui s'élèvent à 23 535,70 F ;
Sur les droits à remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris justifie de débours s'élevant à vingt trois mille cinq centre trente cinq francs soixante dix centimes (23 535,70 F) au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de prothèse oculaire qui sont la conséquence de l'accident du 29 mai 1978 et que la caisse primaire centrale d'assurance maladie de la région parisienne, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, a réglé ; que l'entreprise Cattoni doit être condamnée au versement de cette somme au profit de la caisse primaire, majorée des intérêts légaux à compter du 23 novembre 1981, date à laquelle la caisse primaire centrale d'assurance maladie de la région parisienne avait introduit sa demande devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les droits de M. Z... :
Considérant qu'en application de la décision du Conseil d'Etat du 20 février 1985, l'indemnité due à M. Z... doit être portée à la somme de deux cent quatre vingt dix mille francs (290 000 F) ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1981, date de la demande introductive d'instance devant le tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. Z... le 20 novembre 1984 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêt ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances de l'affaire les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 19 octobre 1982 et s'élevant à la somme de mille cent soixante francs (1 160 F) doivent être laissés à la charge de l'entreprise Cattoni ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 mai 1984 est annulé.
Article 2 : L'entreprise Cattoni est condamnée à verser à M. Z... en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Rachel, une indemnité de deux cent quatre vingt dix mille francs (290000 F). Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 15 juillet 1981.
Article 3 : Les intérêts afférents à l'indemnité que l'entreprise Cattoni a été condamnée à verser à M. Z... et échus le 20 novembre 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'entreprise Cattoni est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de vingt trois mille cinq cent trente cinq francs soixante dix centimes (23 535,70 F) qui portera intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1981.
Article 5 : Les frais d'expertise exposés devant le tribunal administratif de Paris, qui s'élèvent à mille cent soixante francs (1160 F) sont mis à la charge de l'entreprise Cattoni.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... ainsi que les conclusions de l'appel incident de l'entreprise Cattoni sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Z..., à l'entreprise Cattoni, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à la société mutuelle du bâtiment et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 60994
Date de la décision : 04/05/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE L'EXPERTISE - Défaut de communication de documents - Irrégularité de la procédure.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - Entrepreneur - Accident survenu à un enfant.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 1988, n° 60994
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Pinel
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:60994.19880504
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