La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/1988 | FRANCE | N°70478

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 15 juin 1988, 70478


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel X..., demeurant 7, place des enfants nantais à Nantes (44000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 23 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la société Cofiroute soit condamnée à lui verser une indemnité de 700 000 F en réparation du préjudice causé aux pépinières qu'il exploite sur le territoire de la commune de Cellier du fait de la construction de l'autoroute A 11 ;r> °2 condamne la société Cofiroute à lui verser la somme de 700 000 F ai...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel X..., demeurant 7, place des enfants nantais à Nantes (44000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 23 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la société Cofiroute soit condamnée à lui verser une indemnité de 700 000 F en réparation du préjudice causé aux pépinières qu'il exploite sur le territoire de la commune de Cellier du fait de la construction de l'autoroute A 11 ;
°2 condamne la société Cofiroute à lui verser la somme de 700 000 F ainsi que les intérêts et à payer les frais d'expertise,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de M. X... et de Me Boulloche, avocat de la société Cofiroute, Compagnie Financière et Industrielle des Autoroutes S.A.,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de convoquer les parties à l'audience au cours de laquelle est prononcé le jugement les concernant ; qu'ainsi la circonstance que M. X... n'a pas été avisé de la date de l'audience publique du tribunal administratif de Nantes au cours de laquelle a été lu le jugement attaqué du 23 mai 1985 est sans influence sur la régularité dudit jugement ;
Au fond :
Considérant que M. X... a demandé réparation à la société Cofiroute de divers dommages qui auraient été causés par la réalisation de l'autoroute A 11 à la pépinière qu'il exploite au lieu-dit "la Maladrerie" sur le territoire de la commune de Cellier ;
En ce qui concerne les conclusions relatives au défaut d'accès de la parcelle cotée F située au nord de l'autoroute A 11 :
Considérant, d'une part, que par jugement en date du 6 janvier 1983 le tribunal administratif de Nantes avait d'une part rejeté au fond les conclusions de M. X... relatives aux défectuosités du chemin d'accès à sa parcelle cotée F, et d'autre part ordonné une expertise avant dire droit sur les autres conclusions du requérant ; que l'autorité de chose jugée qui s'attachait à ladite décision s'opposait à ce que M. X... invoquât à nouveau, à l'appui de ses conclusions en indemnités dirigées contre la société Cofiroute, des prétentions fondées sur la même cause juridique et tirées des difficultés d'accès à la parcelle litigieuse ;

Considérant, d'autre part, que pour faire échec à l'autorité de la chose jugée, le requérant ne peut utilement invoquer l'article R. 192 alinéa 3 du code des tribunaux administratifs qui, dans sa rédaction issue du décret °n 84-818 du 29 août 1984, dispose que "le délai d'appel contre un jugement avant-dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige", dès lors que ce texte n'est pas applicable eu égard à la date à laquelle le jugement du 6 janvier 1983 susindiqué est devenu définitif ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à l'indemnisation des dommages subis par les plantations et la pépinière :
Considérant, en premier lieu, que si le requérant impute à un comblement du fossé longeant l'ancien chemin départemental °n 21 les excès d'eau constatés sur les parcelles cotées A, B Sud et B Nord, il n'est pas établi que le comblement dudit fossé ait été le fait de Cofiroute, et que d'autre part, le requérant n'apporte aucun élément de nature à infirmer les énonciations du jugement attaqué selon lequel cette société n'a pas à sa charge l'entretien de l'ouvrage ;
Considérant, en second lieu, que M. X... soutient que les écoulements d'eau sur les terres de la zone C résulteraient de l'absence ou de la détérioration d'un exutoire sous le chemin de désenclavement longeant ladite zone ; qu'il résulte de l'instruction que ces terres sont restées incluses dans le périmètre du remembrement entrepris à l'occasion de la construction de l'autoroute A 11 et que les travaux de réalisation du chemin de désenclavement de la zone C et de la rampe d'accès audit chemin auxquels le requérant impute l'origine des dommages allégués n'ont pas été réalisés par ou pour le compte de la société Cofiroute ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de cette société à raison du chef de préjudice susmentionné ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du rapport de l'expert géologue commis par les premiers juges que l'excès d'humidité constaté dans la zone D au pied du remblai de l'autoroute était dû à l'absence d'un fossé de drainage le long de celui-ci ; que, dans ces conditions, le préjudice résultant pour M. X... de la perte d'arbres entraînée par l'excès d'humidité et la nécessité de réaliser des travaux de drainage est imputable à la société Cofiroute et présente un caractère anormal et spécial ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé d'indemniser ce chef de préjudice ;
Considérant toutefois que l'état du dossier ne permettant pas de déterminer le montant du préjudice subi par M. X... en zone D il y a lieu de renvoyer le requérant devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur sa demande et de réserver jusqu'au jour du jugement le montant des frais d'expertise laissés à sa charge ;
En ce qui concerne la perte de valeur culturale des terres de la zone E :
Considérant que si les eaux de ruissellement se sont accumulées dans une prairie dont M. X... est locataire du fait du remblai de l'autoroute qui, au nord, fait obstacle à l'écoulement normal des eaux de pluie, cette circonstance serait de nature à justifier une demande d'indemnité du propriétaire ; que M. X... n'établit pas que la perte de valeur culturale de ladite parcelle, à la supposer établie, constituerait pour lui en tant que locataire un préjudice indemnisable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a écarté ses conclusions dirigées contre la société Cofiroute et tendant à l'indemnisation des dommages subis en zone D et que, d'autre part il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions du requérant ;
Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 23 mai 1985 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... relatives à l'indemnisation des dommages subis en zone D.
Article 2 : La société Cofiroute est déclarée responsable des dommages subis en zone D par M. X.... M. X... est renvoyé devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur le montant de l'indemnité qui lui est due à ce titre.
Article 3 : L'article 2 du jugement en date du 23 mai 1985 du tribunal administratif de Nantes est annulé. Les frais d'expertise sont réservés jusqu'à ce qu'il y soit statué par le tribunal administratif.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 70478
Date de la décision : 15/06/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE SPECIAL ET ANORMAL DU PREJUDICE - PREJUDICE PRESENTANT CE CARACTERE - Construction d'une autoroute - Dommages subis par une pépinière - Excès d'humidité et nécessité de réaliser des travaux de drainage.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - TRAVAUX PUBLICS DE VOIRIE - Construction d'une autoroute - Dommages subis par une pépinière - Excès d'humidité et nécessité de réaliser des travaux de drainage.


Références :

Code des tribunaux administratifs R192 al. 3
Décret 84-818 du 29 août 1984


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 1988, n° 70478
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Damien
Rapporteur public ?: Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:70478.19880615
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award