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17/06/1988 | FRANCE | N°47737

France | France, Conseil d'État, 10/ 3 ssr, 17 juin 1988, 47737


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 janvier 1983 et 7 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON, dont le siège est à la mairie de Tauxigny, Reignac-sur-Indre (37310), représenté par sa présidente en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 19 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamné à verser à la Société Nationale des Chemins de fer Français la somme

de 621 970 F, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1980, ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 janvier 1983 et 7 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON, dont le siège est à la mairie de Tauxigny, Reignac-sur-Indre (37310), représenté par sa présidente en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 19 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamné à verser à la Société Nationale des Chemins de fer Français la somme de 621 970 F, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1980, du chef des dommages causés au pont-rail d'Esvres par les travaux de curage et de rectification du cours de l'Echandon effectués par le syndicat ;
°2) rejette la demande présentée par la Société Nationale des Chemins de fer Français devant le tribunal administratif d' Orléans ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON et de Me Odent, avocat de la Société Nationale des Chemins de fer Français,
- les conclusions de Mme Lenoir, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'aucun représentant du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON n'a été invité à participer à la réunion organisée par l'expert sur les lieux du sinistre le 25 juillet 1978 ; que les constatations opérées lors de cette réunion ont eu une influence sur les conclusions de l'expert ; que, par suite, le caractère contradictoire des opérations d'expertise n'a pas été respecté ;
Considérant, en second lieu, que, postérieurement au dépôt de son rapport, l'expert a établi deux notes complémentaires en réponse aux mémoires déposés par le syndicat requérant et qui ont été annexées aux mémoires adressés par la Société Nationale des Chemins de fer Français au tribunal administratif, sans que le tribunal ait ordonné un supplément d'instruction dans les conditions prévues à l'article R. 126 du code des tribunaux administratifs ; que l'expert a ainsi outrepassé la mission qui lui avait été assignée par le juge administratif statuant en référé ; qu'il a également manqué à son devoir d'impartialité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les opérations d'expertise ordonnées en première instance ont été entachées d'irrégularité ; que le jugement du tribunal administratif d' Orléans du 19 octobre 1982 qui a écarté les moyens du syndicat requérant tirés des conditions irrégulières dans lesquelles s'était déroulée l'expertise, doit être annulé, sauf en son article premier qui a mis hors de cause le Syndicat intercommunal d'assainissement du plateau de Sainte-Maure et qui n'est pas contesté en appel par le syndicat ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Société Nationale des Chemins de fer Français devant le tribunal administratif d' Orléans en tant qu'elle est dirigée contre le syndicat requérant ;
Au fond :
Considérant qu'à la suite des orages qui ont éclaté dans la nuit du 7 au 8 juillet 1977, le pont ferroviaire qui franchit le ruisseau de l'Echandon sur le territoire de la commune d'Esvres (Indre-et-Loire) a été emporté par une crue de ce cours d'eau ;
Sur les responsabilités :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux faits en 1972 pour le compte du syndicat requérant dans le lit de l'Echandon aient procuré à la Société Nationale des Chemins de fer Français, propriétaire de l'ouvrage litigieux, des avantages de nature à lui conférer la qualité d'usager desdits travaux ; que la société nationale a donc la qualité de tiers à leur égard ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux en cause, qui ont consisté en un approfondissement du lit de ce ruisseau, la régularisation de sa pente, sa mise à profil sur une longueur de 11 kms et le rescindement de divers méandres en amont du pont de la Société Nationale des Chemins de fer Français, ont eu pour conséquence d'accélérer substantiellement la vitesse des eaux en cas de crue et de priver les fondations du pont de la protection que leur assurait antérieurement, et en dépit de son mauvais entretien, le radier en pierres posé à l'origine au fond du lit ; que ces travaux, qui ont rendu l'ouvrage plus vulnérable à l'érosion et aux crues, sont ainsi à l'origine de son effondrement ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour intenses et soudaines qu'elles aient été, les précipitations qui ont provoqué la crue de l'Echandon n'ont pas présenté, en l'espèce, le caractère d'un événement de force majeure de nature à exonérer le syndicat de sa responsabilité, compte tenu notamment des précédents enregistrés dans la région ;
Considérant, enfin, que la Société Nationale des Chemins de fer Français, qui ne s'est pas préoccupée des conséquences que pouvaient avoir pour son ouvrage les travaux effectués en 1972 par le syndicat requérant et ne s'est pas assuré du bon état des fondations du pont et du radier qui en assurait la protection, a fait preuve d'une négligence qui justifie que soit laissée à sa charge la moitié des conséquences dommageables du sinistre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON doit être déclaré responsable, à concurrence de la moitié des conséquences dommageables de la destruction du pont ferroviaire qui franchit l'Echandon ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préjudice subi par la Société Nationale des Chemins de fer Français, tous chefs confondus, s'élève à la somme non contestée de 829 293,14 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus défini, le syndicat requérant doit être condamné à verser à la société nationale la somme de 414 646,57 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que la Société Nationale des Chemins de fer Français a droit aux intérêts sur ladite somme à compter de l'enregistrement de la demande qu'elle a présentée au tribunal administratif d' Orléans, soit le 25 janvier 1980 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise doivent être mis à la charge du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 19 octobre 1982 est annulé en ses articles 2 à 5.
Article 2 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON est condamné à verser à la Société Nationale des Chemins de fer Français la somme de 414 646,57 F avec les intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 1980.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICATINTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON et le surplus des conclusions de la demande présentée par la Société Nationale des Chemins de fer Français au tribunal administratif d' Orléans sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DE L'ECHANDON , à la Société Nationale des Chemins de fer Français et au ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement.


Synthèse
Formation : 10/ 3 ssr
Numéro d'arrêt : 47737
Date de la décision : 17/06/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE - MISSION DE L'EXPERT - Expert ayant outrepassé sa mission - Notes complémentaires établies postérieurement au dépôt de son rapport - sans que le tribunal administratif ait ordonné un supplément d'instruction.

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE L'EXPERTISE - Absence - Conséquences.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS - Par rapport aux ouvrages.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FAUTE DE LA VICTIME - EXISTENCE D'UNE FAUTE - Négligence.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FORCE MAJEURE - ABSENCE - Pluies.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - Travaux de curage et de rectification d'un cours d'eau - Effondrement d'un pont ferroviaire emporté par une crue.


Références :

Code des tribunaux administratifs R126


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 1988, n° 47737
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fougier
Rapporteur public ?: Mme Lenoir

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:47737.19880617
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