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24/06/1988 | FRANCE | N°67090

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 24 juin 1988, 67090


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 mars 1985 et 19 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'ECHIROLLES, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 3 mai 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 23 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP "Les quatre architectes", et des sociétés S.M.A.C. ACIEROID, SOR

REL-CHAMOUX, COMTE et S.C.R.E.G. Rhône-Alpes à lui verser diverses ind...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 mars 1985 et 19 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'ECHIROLLES, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 3 mai 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 23 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCP "Les quatre architectes", et des sociétés S.M.A.C. ACIEROID, SORREL-CHAMOUX, COMTE et S.C.R.E.G. Rhône-Alpes à lui verser diverses indemnités en réparation des désordres affectant le groupe scolaire LANGEVIN, et l'a d'autre part condamnée à verser la somme de 1 000 F à la société COMTE pour procédure abusive ;
°2) condamne conjointement et solidairement :
- la SCP "Les Quatre architectes", ainsi que les entreprises CHAMOUX, COMTE et SCREG à verser à la commune d'ECHIROLLES une somme de 650 250,55 F correspondant au coût des travaux de reprise des désordres affectant le caniveau de chauffage reliant le chauffage du groupe scolaire LANGEVIN aux divers éléments du bâtiment scolaire ;
- la SCP "Les Quatre architectes" à verser à la commune une somme de 105 740,03 F correspondant au remboursement du coût des travaux de reprise de l'étanchéité du bâtiment scolaire ;
°3) condamne l'ensemble des intéressés à payer à la commune une somme de 100 000 F en réparation des troubles de jouissance qui ont résulté des désordres constatés, augmentée des intérêt de droit ;
°4) ordonne la capitalisation des intérêts ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code civil et notamment les articles 1792 et 2270 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Garcia, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de la commune d'ECHIROLLES, de Me Odent, avocat de la SMAC ACIEROID, de Me Choucroy, avocat de la société SCREG Rhône-Alpes et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, avocat de la société SORREL-CHAMOUX,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la commune d'ECHIROLLES devant le tribunal administratif de Grenoble :

Considérant que la demande présentée le 6 janvier 1982 au tribunal administratif de Grenoble par la commune d'ECHIROLLES tendait à la condamnation conjointe et solidaire des entrepreneurs et architectes à la suite des désordres affectant l'extension, effectuée par eux, du groupe scolaire "Paul X..." et précisait que ces désordres n'étaient apparus qu'après la réception définitive des travaux prononcée le 24 octobre 1973 ; qu'ainsi, il résultait des termes de ladite demande que la commune ne pouvait plus en l'espèce exercr une action en garantie contractuelle contre les constructeurs qu'elle rendait responsables de ces désordres, dont elle soulignait la gravité ; que cette demande, qui tendait ainsi à mettre en jeu la garantie des intéressés sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil était assortie de moyens de droit et de fait ; que, par suite, la commune d'ECHIROLLES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ladite demande comme irrecevable ; qu'ainsi, ce jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de la commune d'ECHIROLLES ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, que les désordres mineurs ayant affecté l'étanchéité de certains bâtiments, qui n'ont pas entraîné de dommages notables à l'intérieur desdits bâtiments, et dont il n'est pas allégué qu'ils se soient reproduits après les travaux de réfection ponctuelle effectués par l'entreprise SMAC ne sont pas de nature à compromettre la solidité des ouvrages concernés ni à les rendre impropres à leur destination ; que, dès lors, les conclusions de la commune d'ECHIROLLES dirigées contre les architectes et l'entreprise SMAC en vue de l'indemnisation de ces désordres doivent être rejetées ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que les désordres qui ont affecté les canalisations de chauffage ont rendu les ouvrages impropres à leur destination et sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le terrain de la garantie décennale ; qu'il ressort du rapport d'expertise précité qu'ils sont imputables à l'insuffisance de la résistance des dalles en béton posées sur les caniveaux abritant lesdites canalisations et à l'épaisseur insuffisante de la couche de "tout-venant" située entre ces dalles et la surface de roulement posée au-dessus d'elles ; que, dans ces conditions, la commune d'ECHIROLLES est fondée à demander la condamnation conjointe et solidaire de la Société Sorrel-Chamoux, qui a fourni et posé les dalles, de la Société Screg qui a posé la couche de "tout-venant" et le revêtement de circulation ; qu'en revanche, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de l'entreprise COMTE à qui les désordres ne sont pas imputables, ni de la société civile professionnelle "Les Quatre Architectes", dès lors que la conception des ouvrages n'est pas en cause, et qu'aucun défaut de surveillance caractérisé ne peut être relevé à l'encontre du maître d'oeuvre ;
Considérant que si le rapport d'expertise évalue les réparations déjà effectuées et à réaliser à la somme de 650 250,55 F, il y a lieu, compte tenu de la date d'apparition de ces désordres, sept ans après la réception définitive, et des améliorations sensibles que comporte la solution préconisée par rapport au devis initial, de limiter l'indemnité due à ce titre à la commune d'ECHIROLLES à 300 000 F ; que ladite commune est en outre fondée à demander la réparation des troubles de jouissance et des frais occasionnés par l'interruption du réseau de chauffage et la mise en place d'un système de remplacement provisoire ; qu'il sera fait une appréciation correcte de ces chefs de préjudice en lui allouant une indemnité complémentaire de 50 000 F ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement la Société Sorrel-Chamoux et la Société Screg à verser à la commune d'ECHIROLLES une somme de 350 000 F avec intérêts de droit à compter du 6 janvier 1982 ;
Sur les appels provoqués des entreprises Chamoux et Screg :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la charge définitive qui doit être supportée par les deux sociétés en la répartissant entre elles par moitié ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par la commune le 19 juillet 1985 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, il y a lieu de faire droit à ladite demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 janvier 1985 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre les entreprises Chamoux et Screg.
Article 2 : Les entreprises Chamoux et Screg sont condamnées solidairement à verser à la commune d'ECHIROLLES la somme de 350 000 F.
Article 3 : La charge définitive de cette somme sera supportée par moitié par chacune des deux entreprises.
Article 4 : La somme déterminée à l'article 2 portera intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 1982. Les intérêts échus le 19 juillet 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d'ECHIROLLES et des appels provoqués des Sociétés Chamoux et Screg sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune d'ECHIROLLES, à la Société Civile "Les Quatre Architectes", aux Sociétés S.M.A.C., Chamoux, Comte et Screg et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et des sports.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION - Entreprise sous-traitante - Irrecevabilité de l'action du maître de l'ouvrage contre les constructeurs en l'absence de lien contractuel.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE - Canalisations de chauffage.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE.


Références :

Code civil 1153, 1792, 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 1988, n° 67090
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Garcia
Rapporteur public ?: Vigouroux

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 24/06/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 67090
Numéro NOR : CETATEXT000007717281 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-06-24;67090 ?
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