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06/07/1988 | FRANCE | N°62340

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 06 juillet 1988, 62340


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 septembre 1984 et 7 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MATERNITE REGIONALE PINARD, établissement public dont le siège est ... (54042), agissant poursuites et diligences de son directeur en exercice, domicilié en cet qualité au siège social, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 12 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser aux époux X... une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice

causé à leur fils Pierre-Olivier du fait des traitements qu'il a reçu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 septembre 1984 et 7 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MATERNITE REGIONALE PINARD, établissement public dont le siège est ... (54042), agissant poursuites et diligences de son directeur en exercice, domicilié en cet qualité au siège social, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 12 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser aux époux X... une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice causé à leur fils Pierre-Olivier du fait des traitements qu'il a reçus à la MATERNITE,
°2) rejette la demande présentée par les époux X... devant le tribunal administratif de Nancy,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Auditeur,
- les observations de Me Célice, avocat de la MATERNITE REGIONALE PINARD et de Me Choucroy, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il n'est contesté ni que l'état, notamment respiratoire, de l'enfant Pierre-Olivier X..., admis à la MATERNITE REGIONALE PINARD à Nancy dès sa naissance, le 7 mars 1976, à moins de six mois de terme, justifiait le traitement par suroxygénation qui lui a été administré jusqu'au 26 avril ni que la conduite de ce traitement ait été menée suivant les données médicales de l'époque ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise figurant au dossier de première instance qu'eu égard au risque important et connu de complications ophtalmiques graves que comporte un tel traitement, une surveillance de l'état des yeux doit être exercée, après comme pendant la phase d'oxygénation, et que cette surveillance doit être hebdomadaire lorsqu'une anomalie oculaire est décelée ; qu'au cas d'espèce, l'examen de fond d'oeil pratiqué le 26 mai 1976 sur l'enfant, quelques jours avant sa sortie de la maternité régionale, avait révélé une telle anomalie ; qu'en ne prescrivant aucune surveillance de cette nature après la sortie de l'enfant de l'établissement et, au surplus, en s'abstenant, le 29 juin 1976, de pratiquer un examen ophtalmologique lorsque l'enfant a été revu en consultation par cet établissement, le personnel médical de la MATERNITE REGIONALE PINARD a commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de cet établissement ;
Considérant que la rétinopathie des prématurés, au stade IV, le plus grave, de son évolution, n'a été décelée chez cet enfant que le 26 septembre 1976 par l'hôpital central de Nancy lors de la visite médicale qu'il a subie ; que si les experts indiquent, dans leurs rapports, que cette affection a été contractée lors de la suroxygénation qui a suivi la naissance et que l'atteinte irréversible des yeux était, dès ce moment, acquise, il résulte du rapport des mêmes experts qu'aussitôt après le 26 septembre 1976, un traitement comportant plusieurs interventions chirurgicales, a été entrepris et que ce traitement a abouti à un faible résultat positif sur un oeil ; que le retard de quatre mois dans l'énoncé du diagnostic et, par conséquent, dans le début du traitement, qui est imputable à la carence de la maternité régionale, a compromis les chances de l'enfant de sauvegarder au moins une partie de ses facultés visuelles ; que, tenant compte de la gravité de l'atteinte déjà portée par le traitement de suroxygénation aux yeux du nouveau-né lorsqu'il a été possible de cesser ce traitement, une part, qui doit être évaluée au quart, du préjudice définitif qu'il subit du fait de la cécité pratiquement totale dont il est atteint, doit être regardée comme imputable à la faute lourde retenue à la charge du service hospitalier ;

Considérant qu'en évaluant à 300 000 F le préjudice ainsi imputable à cette faute, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice indemnisable ; que la MATERNITE REGIONALE PINARD, d'une part et les époux X..., par la voie du recours incident, d'autre part, ne sont pas fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : La requête de la MATERNITE REGIONALE PINARD et le recours incident des époux X... sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la MATERNITE REGIONALE PINARD, aux époux X..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Longuy et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 62340
Date de la décision : 06/07/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - RETARDS - Traitement par suroxygénation d'un prématuré ayant entraîné une rétinopathie - Retard de quatre mois dans l'énoncé du diagnostic et donc - dans le début du traitement - imputable à la carence de la maternité et ayant compromis les chances de l'enfant de sauvegarder au moins une partie de ses facultés visuelles.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE LOURDE - ACTES MEDICAUX D'INVESTIGATION - Traitement par suroxygénation d'un prématuré - Absence de prescription concernant la surveillance de l'état des yeux et d'examen ophtalmologique lorsque l'enfant a été revu en consultation par l'établissement.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 1988, n° 62340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Medvedowsky
Rapporteur public ?: Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:62340.19880706
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