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08/07/1988 | FRANCE | N°60731

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 08 juillet 1988, 60731


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 juillet 1984 et 22 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association LE CIRCUIT DE L'AULNE, dont le siège est 5, quai Emile Boley à Chateaulin (29150), représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement en date du 9 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et à la retenue à la source, assortie des pénalités, auxquelle

s elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1978 dans les ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 juillet 1984 et 22 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association LE CIRCUIT DE L'AULNE, dont le siège est 5, quai Emile Boley à Chateaulin (29150), représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement en date du 9 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et à la retenue à la source, assortie des pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1978 dans les rôles de la commune de Chateaulin ;
°2 lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, ensemble le décret du 31 octobre 1961 qui en a assuré la publication ;
Vu la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 ensemble le décret du 11 août 1965 qui en a assuré la publication ;
Vu la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 ensemble le décret du 12 mars 1968 qui en a assuré la publication ;
Vu la convention franco-hollandaise du 16 mars 1973 ensemble le décret du 11 avril 1974 qui en a assuré la publication ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le III de l'article 81 de la loi °n 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi °n 87-1060 du 30 décembre 1987 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Magniny, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de l'association LE CIRCUIT DE L'AULNE,
- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et sur l'amende fiscale prévue à l'article 1768 du code général des impôts :

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que, dans sa requête initiale et dans son mémoire complémentaire devant le Conseil d'Etat, l'association LE CIRCUIT DE L'AULNE s'est bornée à contester le principe de son obligation de procéder au versement de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu et que c'est seulement dans son mémoire en réplique, enregistré le 8 août 1985, c'est-à-dire après l'expiration du délai du recours, qu'elle a contesté, d'une part, la régularité de la procédure d'imposition, d'autre part, l'amende fiscale, prévue à l'article 1768 du code général des impôts, qui lui a été réclamée ; que les moyens qu'elle fait valoir en ce qui concerne la procédure d'imposition, y compris celui qu'elle développe en ce qui concerne la compétence territoriale du vérificateur, ne sont pas d'ordre public ; qu'ils se rattachent à une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les moyens présentés en emps utile ; que la société émet ainsi des prétentions nouvelles qui, tardivement présentées, constituent des conclusions irrecevables ; qu'il en est de même des conclusions relatives à l'amende fiscale qui sont présentées tardivement en appel ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
Considérant que l'association requérante, qui ne conteste pas avoir versé à six coureurs professionnels, résidents d'Etats étrangers, une rémunération pour leur participation aux critériums cyclistes qu'elle a organisés en 1975, 1976 et 1978, soutient qu'elle n'était pas passible de l'impôt sur le revenu, prélevé par voie de retenue à la source, à raison du versement desdites rémunérations, d'une part, en raison des stipulations des conventions fiscales conclues entre la France et chacun des Etats dont ces six coureurs sont résidents, conventions dont elle soutient qu'elle est en droit de se prévaloir, d'autre part, en raison du fait que lesdites rémunérations seraient imposables dans la catégorie des traitements et salaires et non pas dans celle des bénéfices non commerciaux ;
Sur l'application des conventions internationales :
En ce qui concerne les rémunérations versées à M. D. Thurau :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et la R.F.A. : " - 1. Les revenus provenant de l'exercice d'une profession libérale et tous les revenus du travail autres que ceux visés aux articles 13 et 14 ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle, source de ces revenus. 2. Une profession libérale n'est considérée comme s'exerçant dans l'un des Etats contractants que dans le cas où le contribuable utilise pour cette activité une installation permanente dont il dispose de façon régulière. Cette condition n'est toutefois pas applicable lorsqu'il s'agit de manifestations publiques de l'activité indépendante... de professionnels du sport ou du spectacle, de conférenciers ou autres personnes." et qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : " - 1. Sous réserve des dispositions des paragraphes ci-après, les revenus provenant d'un travail dépendant ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus. Sont considérés notamment comme revenus provenant d'un travail dépendant, les appointements, traitements, salaires, gratifications ou autres émoluments, ainsi que tous les avantages analogues payés ou alloués par des personnes autres que celles visées à l'article 14." ;
Considérant qu'il résulte clairement de la combinaison de ces stipulations que les rémunérations retirées par M. D. Thurau, résident de la République Fédérale d'Allemagne, de sa participation aux courses cyclistes organisées en France par l'association requérante sont imposables en France, que l'intéressé ait la qualité de travailleur indépendant ou de travailleur salarié ; qu'ainsi l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les revenus qu'elle a versés à M. D. Thurau ne seraient pas, en vertu de la convention susrappelée, imposables en France ;
En ce qui concerne les rémunérations versées à M. R. de Vlaeminck et à M. W. Godefroot :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique : " 1. - Les revenus ou profits qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'autres activités personnelles et dont le régime n'est pas spécialement fixé par les dispositions de la présente convention ne sont imposables dans l'autre Etat contractant que si, pour l'exercice de son activité, ledit résident y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière. Dans cette éventualité, les revenus ou profits provenant de l'activité exercée dans ce dernier Etat ne sont imposables que dans cet Etat. 2. - Est notamment visée par le paragraphe 1 l'activité des ... professionnels du spectacle ou du sport, des musiciens et autres personnes qui se produisent en public au cours de manifestations organisées par eux-mêmes ou pour leur propre compte." ; qu'en vertu des dispositions de l'article 11 de la même convention : "les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle, source de ces revenus" ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces stipulations que les rémunérations perçues par les sportifs professionnels à l'occasion de manifestations qu'ils n'organisent pas eux-mêmes ni pour leur propre compte, et pour lesquelles ils ne supportent aucune fraction des pertes éventuelles, sont imposables dans l'Etat où se déroulent ces manifestations ;

Considérant qu'il est constant que les courses cyclistes dont s'agit et auxquelles MM. Le Vlaeminck et Godefroot, résidents de Belgique, ont participé en 1975, 1976 et 1978 étaient organisées pour son propre compte par l'association "LE CIRCUIT DE L'AULNE" qui en assumait seule les pertes ; qu'ainsi les rémunérations versées aux deux coureurs devaient être regardées, pour l'application de la convention, comme imposables en France ;
En ce qui concerne les rémunérations versées à M. F. Gimondi et à M. F. Moser :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la convention fiscale conclue le 29 octobre 1958 entre la France et l'Italie : " 1. - Les revenus des professions libérales et, d'une manière générale, tous revenus du travail, autres que ceux dont le régime est spécialement fixé par les dispositions de la présente convention, sont imposables seulement dans l'Etat où s'exerce l'activité personnelle. L'activité personnelle n'est considérée comme s'exerçant dans l'un des deux Etats que dans la mesure où le contribuable y utilise une installation permanente dont il dispose de façon régulière. 2. - Sont considérées comme professions libérales au sens du paragraphe 1 ci-dessus notamment l'activité scientifique, artistique, littéraire, enseignante ou pédagogique, ainsi que celle des médecins, avocats, architectes ou ingénieurs. Toutefois, les règles prévues à l'article 13, 1, sont applicables ... aux sportifs, lorsqu'ils sont engagés par une entreprise ou un organisme quelconque moyennant une rémunération déterminée" ; qu'en vertu de l'article 13 de la même convention : "les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle, source de ces revenus" ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les coureurs Gimondi et Moser, résidents d'Italie, ont perçu, à l'occasion des courses dont s'agit, des rémunérations déterminées, au sens des stipulations précitées ; qu'ainsi, pour l'application des dispositions susmentionnées de la convention, lesdites rémunérations devaient être regardées comme imposables dans le pays d'exercice de l'activité, c'est-à-dire en France ;
En ce qui concerne les rémunérations versées à M. H. Kuiper :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention conclue le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas : "1. ...les revenus que... les sportifs retirent de leurs activités personnelles en cette qualité sont imposables dans l'Etat où ces activités sont exercées" ;
Considérant qu'il résulte clairement des stipulations précitées que les revenus que les sportifs retirent de leurs activités personnelles de sportif sont imposables dans l'Etat où ces activités sont exercées ; qu'ainsi, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les rémunérations qu'elle a versées à M. H. Kuiper, résident des Pays-Bas, à raison de sa participation aux épreuves sportives qu'elle a organisées, n'étaient pas imposables en France ;
Sur la nature des rémunérations versées :
Considérant qu'aux termes de l'article L.762-1 du code du travail : "Tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n'est pas non plus détruite par la preuve que l'artiste conserve la liberté d'expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu'il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle..." ;

Considérant que ces dispositions, eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci, sont applicables aux cyclistes engagés dans des courses du type de celles que l'association LE CIRCUIT DE L'AULNE a organisées ; que la présomption qu'elles édictent n'implique pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'entrepreneur de spectacle et la personne qui se produit ; que, ni les dispositions de l'article 92 du code général des impôts ni aucune autre disposition ne font obstacle à ce que les rémunérations perçues par des coureurs cyclistes soient classées, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires définie par le code général des impôts ; qu'en l'espèce, l'administration ne se prévaut d'aucune circonstance propre à détruire la présomption édictée par la loi ; qu'il suit de là que l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1978 du chef de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu applicable aux bénéfices non commerciaux, prévue par les dispositions de l'article 182 du code général des impôts ; que, toutefois, pour l'année 1978, elle est redevable, comme le soutient le ministre à titre subsidiaire dans sa défense, de la retenue à la source instituée par l'article 12 de la loi du 29 décembre 1976, repris à l'article 182 A du code général des impôts, sur les salaires versés à des résidents étrangers ; que, dans cette mesure, le ministre est fondé à demander le maintien de l'imposition en substituant cette base légale à celle qui avait été primitivement soutenue, ce qui ne prive l'association requérante d'aucune des garanties de procédure d'imposition prévues par la loi ; qu'il y a lieu, sur la base des calculs non contestés fournis par le ministre, de limiter la décharge prononcée au titre de l'année 1978 à un montant de droits et pénalités s'élevant à 30 200 F ;
Article 1er : L'association "LE CIRCUIT DE L'AULNE" est déchargée des droits et pénalités qui lui ont été réclamés en matière de retenue à la source de l'impôt sur le revenu au titre des années 1975, 1976 et 1978, cette décharge étant, toutefois, limitée à 30 200 F pour cette dernière année.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 9 mai 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association "LE CIRCUIT DE L'AULNE" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association "LE CIRCUIT DE L'AULNE" et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 60731
Date de la décision : 08/07/1988
Sens de l'arrêt : Décharge partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGERES - PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES -Distinction avec les revenus d'autre nature - Distinction avec les bénéfices non commerciaux - Application de l'article L.762-1 du code du travail - Cyclistes professionnels (1).

19-04-02-07-01 Les dispositions de l'article L.762-1 du code du travail, eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci, sont applicables aux cyclistes engagés dans des courses où les coureurs professionnels sont rémunérés pour leur participation. La présomption qu'elles édictent n'implique pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur de spectacle et la personne qui se produit. Ni les dispositions de l'article 92 du CGI ni aucune autre disposition ne font obstacle à que que les rémunérations perçues par des coureurs cyclistes soient classées, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires définie par le CGI et, en l'espèce, l'administration ne se prévaut d'aucune circonstance propre à détruire la présomption édictée par la loi. Dès lors les rémunérations versées aux coureurs cyclistes professionnels étrangers n'étaient pas passibles de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu applicable aux bénéfices non commerciaux, prévue par les dispositions de l'article 182 du CGI, mais de celle instituée par l'article 12 de la loi du 29 décembre 1976, repris à l'article 182 A du CGI sur les salaires versés à des résidents étrangers.


Références :

CGI 1768, 92, 182, 182 A
Code du travail L762-1
Convention fiscale du 29 octobre 1958 France / Italie art. 16
Convention fiscale du 21 juillet 1959 France / RFA art. 12, art. 13
Convention fiscale du 10 mars 1964 France / Belgique art. 7
Convention fiscale du 16 mars 1973 France / Pays-Bas art. 17

1.

Cf. 1980-11-28, M. X., n° 17049, p. 450


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 1988, n° 60731
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Magniny
Rapporteur public ?: M. Martin-Laprade

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:60731.19880708
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