Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 12 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 29 janvier 1983 par laquelle le Conseil National de l'Ordre des Médecins a, d'une part, annulé la décision du 28 octobre 1982 du Conseil Départemental du Nord refusant au Dr Denis X... la qualification de médecin spécialiste en chirurgie plastique reconstructrice, d'autre part, reconnu au Dr X... cette qualification,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les directives 75/362/CEE et 75/363/CEE du 16 juin 1975 du Conseil des Communautés Européennes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'arrêté du 4 septembre 1970 du ministre de la santé publique et de la sécurité sociale portant approbation du règlement relatif à la qualification des médecins ;
Vu les arrêtés des 16 février 1977 et 18 juin 1981 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat du CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES, de Me Spinosi, avocat du Docteur Denis X... et de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de l'Ordre National des Médecins,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que, par décision du 29 janvier 1983, le Conseil national de l'ordre des médecins a reconnu au docteur X..., titulaire de l'agrégation de médecin spécialiste en chirurgie plastique délivrée par le ministre de la santé de Belgique, la qualité de médecin spécialiste qualifié en chirurgie plastique et reconstructrice, que le Conseil départemental du Nord lui avait refusée ; que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES, à qui le docteur X... a demandé son inscription au tableau en cette même qualité, la lui a, à son tour, refusée par une décision du 23 mars 1983 et défère au Conseil d'Etat la décision du 29 janvier 1983 du Conseil national ;
Considérant, d'une part, que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au Conseil d'Etat la décision susanalysée du Conseil national ; que, contrairement à ce que soutient le Conseil national, l'existence de cet intérêt ne dépend pas de l'issue du recours administratif que le docteur X... a pu, le cas échéant, former, en application de l'article L. 415 du code de la santé publique, contre la décision du 23 mars 1983 du conseil départemental ;
Considérant, d'autre part, que la décision du Conseil national n'a été portée à la connaissance du CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES que le 18 mars 1983 ; que la equête, enregistrée le 16 mai 1983 n'est pas tardive ;
Sur la légalité de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant que la directive 75/362/CEE du Conseil des Communautés Européennes en date du 16 juin 1975 visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin a, en ses articles 4 et 6, prescrit à chaque Etat membre de reconnaître les diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste délivrés aux ressortissants des Etats membres par d'autres Etats membres "en leur donnant le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres qu'il délivre" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.366 du code de la santé publique : "un code de déontologie, propre à chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme, préparé par le Conseil national de l'ordre intéressé et soumis au Conseil d'Etat, est édicté sous la forme d'un règlement d'administration publique" ; qu'aux termes de l'article 67 du décret du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale, qui s'est substitué à l'article 12 du décret du 28 novembre 1955, "les seules indications qu'un médecin est autorisé à mentionner sur ses feuilles d'ordonnance (...) sont : (...) °4) la qualification qui lui aura été reconnue dans les conditions déterminées par l'ordre national des médecins avec l'approbation du ministre chargé de la santé" ; que ces dispositions, auxquelles il n'est pas dérogé par la loi du 31 décembre 1976 modifiant certaines dispositions du code de la santé publique relatives à l'exercice des professions médicales, attribuent compétence au Conseil national de l'ordre pour édicter, avec l'approbation du ministre de la santé, les règles relatives à la qualification des médecins ; que les conditions de titres et de diplômes auxquelles est subordonnée la reconnaissance en France d'une qualification médicale qui peut être, selon les disciplines et le mode d'exercice choisi, soit la qualité de médecin spécialiste qualifié soit celle de médecin compétent qualifié, ont été fixées, conformément aux dispositions susrappelées, par le règlement relatif à la qualification établi par le Conseil national de l'ordre des médecins et approuvé par l'arrêté ministériel du 4 septembre 1970 modifié ; que seules des décisions prises dans les mêmes formes par les mêmes autorités pouvaient insérer dans ce règlement les dispositions permettant d'atteindre les objectifs fixés par les articles 4 et 6 de la directive susanalysée du Conseil des Communautés Européennes ;
Considérant que la "liste des diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste délivrés aux ressortissants des Etats membres de la Communauté Economique Européenne par ces Etats membres et ayant en France, conformément aux obligations communautaires, le même effet que les diplômes, certificats ou autres titres français de médecin spécialiste", a été fixée par un arrêté du 16 février 1977 du ministre de la santé et du ministre de l'éducation nationale, auquel s'est substitué un arrêté du 18 juin 1981 pris par les mêmes autorités ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, seul le Conseil national de l'ordre aurait été compétent pour arrêter, avec l'approbation du ministre de la santé, une telle liste ; que par suite les arrêtés des 16 février 1977 et 18 juin 1981 ont été pris par des autorités incompétentes ;
Considérant que, pour reconnaître au docteur X..., par la décision attaquée, la qualité de médecin spécialiste qualifié en chirurgie plastique et reconstructrice, le Conseil national de l'ordre des médecins s'est exclusivement fondé sur l'arrêté du 16 février 1977 ; que, par suite, l'illégalité dont cet arrêté est entaché en raison de l'incompétence de ses auteurs prive de base légale la décision attaquée qui doit, dès lors, être annulée ;
Article 1er : La décision du Conseil national de l'ordre des médecins en date du 29 janvier 1983 est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MEDECINS DES ALPES-MARITIMES, au Conseilnational de l'ordre des médecins, au docteur X... et au ministre délégué auprès du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, chargé de la santé.