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20/07/1988 | FRANCE | N°74893

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 20 juillet 1988, 74893


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 janvier 1986 et 20 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Félix Z..., demeurant à Rivière Saint-Louis, 115 Pente Nicole, La Réunion (97421), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 16 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a condamné M. Z... à verser à l'hôpital local de Saint-Louis la somme de 298 826,34 F avec intérêts de droits, en réparation de désordres affectant le bâtiment de médec

ine générale et a mis à sa charge les frais d'expertise,
°2) le décharge ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 janvier 1986 et 20 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Félix Z..., demeurant à Rivière Saint-Louis, 115 Pente Nicole, La Réunion (97421), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement en date du 16 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a condamné M. Z... à verser à l'hôpital local de Saint-Louis la somme de 298 826,34 F avec intérêts de droits, en réparation de désordres affectant le bâtiment de médecine générale et a mis à sa charge les frais d'expertise,
°2) le décharge des condamnations prononcées à son encontre ; à titre subsidiaire ordonne une expertise afin de déterminer la part de responsabilité du maître de l'ouvrage et de l'architecte dans les dommages constatés, fasse droit à ses conclusions d'appel en garantie de l'architecte et diminue l'indemnité due compte tenu de la plus value réalisée lors de la réparation et de la vétusté du bâtiment ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rossi, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Félix Z... et de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Jean Y... et de M. Pierre X...,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que s'il résulte de l'instruction que le requérant a, par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 1981, demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion d'ordonner une expertise complémentaire en présence des architectes et des sous-traitants, en vue notamment de chiffrer le montant des travaux nécessaires à la remise en état du bâtiment litigieux, les premiers juges n'étaient pas tenus d'ordonner cette seconde expertise ; qu'en réponse à la communication de ce mémoire, l'hôpital local de Saint-Louis a déposé, le 6 janvier 1982, un mémoire en réplique précisant, notamment, l'évaluation des dommages dont réparation était demandée ; que ce dernier mémoire a été communiqué à M. Z... le 18 janvier 1982, sans que l'intéressé présente d'observations nouvelles ; que, dès lors, les premiers juges ont pu statuer sur le litige le 16 octobre 1985 sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant, d'autre part, que l'hôpital de Saint-Louis n'a pas présenté devant le tribunal administratif de conclusions tendant à la condamnation des architectes ; que le mémoire en défense de M. Z... se bornait, comme il vient d'être dit, à demander un complément d'expertise en leur présence et ne contenait pas de conclusions en garantie dirigées contre eux ; que, les pemiers juges n'étaient, dès lors pas tenus de les mettre en cause ; que M. Z... n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel, qu'ils soient mis en cause devant le Conseil d'Etat ;
Considérant, enfin, qu'il est constant que l'hôpital de Saint-Louis n'a pas demandé au tribunal administratif la condamnation de M. Z... au versement d'intérêts moratoires ; que, s'il avait conclu à l'allocation d'une somme en capital correspondant au montant total des intérêts de l'emprunt qu'il avait contracté pour assurer la charge financière des travaux de réparation du bâtiment litigieux, les premiers juges, qui ont rejeté cette demande, ne pouvaient, en l'absence de conclusions en ce sens, lui allouer des intérêts moratoires au taux légal ; que M. Z... est, dès lors, fondé à demander sur ce point l'annulation du jugement attaqué ;
Au fond :
Sur la responsabilité :

Considérant que l'entrepreneur dont la responsabilité est mise en jeu en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil n'est pas fondé à se prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage de l'imputabilité à l'architecte ou à un autre constructeur co-contractant du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres en litige et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis en référé, que les fuites survenues dans le bâtiment de médecine générale de l'hôpital de Saint-Louis sont imputables, au moins en partie, à la réalisation des travaux confiés à l'entreprise Z... ; que, dès lors, et à supposer même que ces désordres soient, pour partie, imputables à la conception de la construction, M. Z... ne peut s'en prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage pour demander à être déchargé des condamnations mises à sa charge par le jugement attaqué ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que les désordres aient été provoqués ou aggravés par un entretien insuffisant du bâtiment ni par les installations annexes qui lui ont été adjointes après sa construction ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'expert désigné par le tribunal n'a pas chiffré le coût des travaux de remise en état ; que l'hôpital a fait procéder après le dépôt du rapport d'expertise à une réfection totale de la toiture, réalisée selon les nouvelles normes en vigueur, ainsi qu'à une réfection complète de l'installation électrique de l'étage, afin de remettre le bâtiment dans des conditions normales d'utilisation ; que, selon les pièces justificatives déposées devant le tribunal, ces travaux se sont élevés à la somme de 498 043,90 F ;

Considérant que si le moyen tiré de ce que la procédure d'entente directe suivie par l'hôpital pour la réparation des dommages ne serait pas conforme au code des marchés publics, est en lui-même inopérant, M. Z... fait état d'éléments de comparaison de nature à établir que les prix acceptés étaient excessifs ; que ces éléments ne sont pas contestés par l'hôpital ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que la réfection totale de la toiture et de l'installation électrique conformément aux nouvelles normes en vigueur apporte une plus-value au bâtiment ; que, compte tenu de cette plus-value et de la vétusté de celui-ci résultant du temps écoulé depuis la réception définitive des travaux, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en ramenant à 200 000 F l'indemnité due par M. Z... à l'hôpital local de Saint-Louis ;

Article 1er : L'article 2 dudit jugement est annulé en tant qu'il accorde des intérêts au taux légal sur la somme due à l'hôpital local de Saint-Louis par l'entreprise Z....
Article 2 : L'indemnité que l'entreprise Z... a été condamnée par le jugement en date du 16 octobre 1985 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion à verser à l'hôpital local de Saint-Louis est ramenée à 200 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 16 octobre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Félix Z..., à l'hôpital local de Saint-Louis de la Réunion, à MM. Hébrardet X... et au secrétaire d'Etat auprès du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, chargé de la famille.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS N'ETANT PAS DE NATURE A EXONERER L'ENTREPRENEUR - Imputabilité des litiges à un autre constructeur.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - ABATTEMENT POUR VETUSTE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - PLUS-VALUES APPORTEES AUX OUVRAGES PAR LA REPARATION DES DESORDRES.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS.


Références :

Code civil 1792 et 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 20 jui. 1988, n° 74893
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Rossi
Rapporteur public ?: Faugère

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 20/07/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 74893
Numéro NOR : CETATEXT000007726246 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-07-20;74893 ?
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