La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/1988 | FRANCE | N°44514

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 28 septembre 1988, 44514


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. André X..., demeurant ..., au Vésinet (78110), et le mémoire complémentaire, enregistré le 29 novembre 1982, présenté pour Mlle Simone X..., demeurant ... (78110) Le Vésinet, par laquelle Mlle X... déclare reprendre l'instance engagée par M. X..., aujourd'hui décédé, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 mai 1982 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté les demandes de M

. X... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu ains...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. André X..., demeurant ..., au Vésinet (78110), et le mémoire complémentaire, enregistré le 29 novembre 1982, présenté pour Mlle Simone X..., demeurant ... (78110) Le Vésinet, par laquelle Mlle X... déclare reprendre l'instance engagée par M. X..., aujourd'hui décédé, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 mai 1982 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté les demandes de M. X... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des années 1970 et 1971 dans les rôles de la commune du Vésinet ;
2°) accorde la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi du 27 décembre 1974 ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Descoings, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. André X...,
- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne les impositions :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 170 du code général des impôts : "Est taxé d'office à l'impôt sur le revenu tout contribuable qui n'a pas souscrit, dans le délai légal, la déclaration de son revenu global prévue à l'article 170" ; qu'en vertu des dispositions de l'article 45 de l'annexe III au même code, pris en application du 1 de l'article 173 du même code, la déclaration de revenus prévue à l'article 170 doit être signée par son auteur ; qu'il résulte de ces dispositions que le contribuable qui n'a pas déposé dans le délai une déclaration dûment signée peut être taxé d'office à l'impôt sur le revenu ; qu'il résulte de l'instruction que M. X... a omis de signer la déclaration de revenus qu'il était tenu de souscrire au titre de l'année 1970 ; que, dès lors, l'administration était en droit de le taxer d'office au titre de cette année ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X... n'a pas souscrit la déclaration de son revenu global de l'année 1971 et n'a produit, après l'expiration du délai de déclaration, qu'un document sommaire dépourvu de tout élément chiffré ; que, si M. X... soutient qu'il a été dans l'impossibilité de souscrire sa déclaration dans le délai légal en raison de la saisie, dans le cadre d'une procédure pénale suivie à son encontre, des documents qui lui étaient nécessaires, il résulte de l'instruction qu'il a obtenu, le 7 septembre 1972, la copie de ces documents maisn'a souscrit, dans un délai raisonnable à compter de la date de la remise de ces copies, aucune déclaration ; que, compte tenu de son abstention, l'administration était en droit de le taxer d'office à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1971 ;

Considérant, enfin, que, dès lors que M. X... a été régulièrement taxé d'office, les irrégularités qui auraient, selon lui, entaché la vérification de la comptabilité de son cabinet de conseiller juridique et fiscal, à laquelle l'administration aurait procédé, sont sans influence sur les impositions ; qu'il en est de même des irrégularités qui affecteraient la notification des bases et éléments de calcul retenus par l'administration, notification que celle-ci lui a adressée, dès lors qu'elle n'était pas tenue, s'agissant d'impositions mises en recouvrement en 1975, avant l'entrée en vigueur de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977, de respecter cette formalité en cas de taxation d'office ;
Sur le bien-fondé de l'imposition établie au titre de l'année 1970 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1966 du code général des impôts, en vigueur à la date de l'établissement de l'imposition litigieuse : "1. Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ... des impôts ... peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'en application de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1974, la prescription prévue par l'article 1966 du code général des impôts pour l'impôt sur le revenu dû au titre de 1970 n'a été acquise qu'au 31 janvier 1975 ; qu'aux termes de l'article 1975 du code général des impôts : "Les prescriptions sont interrompues par des notifications de redressements" ; qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A du même code, applicable en l'espèce : "2. L'administration fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement ... 4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables : ... b) dans le cas de taxation, notification ou évaluation d'office des bases d'imposition" ;

Considérant qu'il ressort des dispositions précitées que la notification de redressement adressée à M. X... le 17 janvier 1975, et reçue par lui le 20 janvier 1975, qui mentionnait l'impôt concerné, l'année d'imposition et les bases retenues pour l'imposition d'office, n'avait pas à être motivée et a interrompu le délai de prescription de l'imposition établie au titre de l'année 1970 ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui exerçait la profession de conseiller juridique et fiscal, relevait à ce titre, pour l'année 1970, du régime de l'évaluation administrative pour la détermination des bénéfices non commerciaux qu'il retirait de l'exercice de cette profession ; que le bénéfice de ladite année ayant été fixé par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans les conditions prévues à l'article 102 du code général des impôts, dans la rédaction applicable en l'espèce, il appartient au requérant, en vertu des dispositions du même article, pour obtenir par la voie contentieuse la décharge ou la réduction de l'imposition, "d'apporter tous éléments comptables et autres de nature à permettre d'apprécier le montant du bénéfice réalisé" ; qu'en se bornant à affirmer que le bénéfice retenu par la commission est excessif, le requérant ne satisfait pas à cette exigence ;
Considérant, en troisième lieu, que l'administration a évalué d'office, à défaut de déclaration, les résultats de la société civile "Impôts et Taxes locales", dont M. X... et son épouse étaient membres, et inclus dans les revenus imposables du requérant la part de ces résultats correspondant à leurs droits dans cette société ; que, si le requérant soutient que l'administration aurait omis de tenir compte de charges qui avaient été supportées par cette société, il n'apporte pas la preuve de la réalité de ces charges ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui détenait 50 % des parts de la société civile immobilière "Alpes-Méditerranée", a appréhendé intégralement le prix de la cession par cette société, le 1er avril 1970, d'un terrain que cette société avait acquis depuis moins de cinq ans ; qu'en application des dispositions, alors en vigueur, de l'article 35 A du code général des impôts, la plus-value dégagée par cette cession a été imposée entre les mains de M. X... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que l'administration établit que, contrairement à ce que soutient M. X..., la plus-value litigieuse a effectivement été réalisée par la société "Alpes-Méditerranée" et non par une tierce société ; que, si M. X... soutient que la somme dont s'agit aurait constitué la contrepartie, d'une part, de frais de mise en valeur du terrain vendu, d'autre part, d'une servitude de vue, il n'apporte aucun commencement de justifications au soutien de ses allégations ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à contester l'inclusion dans les bases d'imposition de la somme correspondante ;
Sur le bien-fondé de l'imposition établie au titre de l'année 1971 :
Considérant, en premier lieu, que le bénéfice non commercial retiré en 1971 par M. X... de l'exercice à titre individuel de sa profession de conseil a été à bon droit arrêté d'office en vertu des dispositions de l'article 104, alors applicable, du code général des impôts, dès lors que l'intéressé n'avait pas souscrit de déclaration ; qu'en se bornant à affirmer que le montant du bénéfice retenu par l'administration est excessif, le requérant ne démontre pas, comme il lui appartient de le faire, l'exagération de ce montant ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a évalué d'office, pour défaut de déclaration, les résultats de la société civile "Impôts et Taxes locales", dont M. X... et son épouse étaient membres et a inclus dans les revenus imposables du requérant la part de ces résultats correspondant à leurs droits dans cette société ; que, si le requérant soutient que l'administration aurait omis de tenir compte de charges supportées par la société, il n'en justifie pas ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X..., après avoir exercé jusqu'en 1970 une activité de conseil, rémunérée par des honoraires, au profit de la société de conseil fiscal "SOCEFI", a conclu avec cette société, le 24 novembre 1970, une convention mettant fin à cette collaboration et prévoyant le versement à son profit, "pour solde de tout compte", d'honoraires correspondant à un pourcentage des sommes versées ou à verser à la société SOCEFI par ceux de ses clients dont les dossiers avaient été sous-traités à M. X... ; que, M. X... a perçu en 1971, en exécution de cette convention, une somme de 485 853 F ; que, dans le dernier état de ses conclusions, M. X... soutient que cette somme avait à la fois la nature d'une indemnité compensant un préjudice né de la rupture du contrat et d'une indemnité de non-concurrence ; que, par suite, elle devait être soumise à l'impôt selon les règles applicables aux plus-values à long terme ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de la convention que la somme dont s'agit avait le caractère d'honoraires ; qu'ainsi c'est à bon droit qu'elle a été incluse à ce titre dans les revenus professionnels du requérant imposés selon les règles fixées au 1 de l'article 93 du code général des impôts ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'est pas contesté que la société civile "ORDICADRE", dont M. X... était membre, se livrait à des opérations de nature commerciale ; qu'elle se trouvait, de ce fait, en application des dispositions du 2 de l'article 206 du code général des impôts, passible de l'impôt sur les sociétés ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé de tenir compte, pour la détermination du revenu imposable du requérant, de la part du déficit de cette société correspondant aux droits de l'intéressé dans cette société ;
Considérant, enfin, que, si M. X... demande que le revenu, imposable à son nom dans la catégorie des revenus fonciers, qui correspond à ses droits dans les résultats de la société civile immobilière Richelieu-Bagatelle soit fixé à 9 281 F, il résulte de l'instruction que l'administration, pour asseoir l'imposition contestée, a retenu ce montant ; que, par suite, les conclusions du requérant sur ce point sont sans objet ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, s'agissant des droits qu'il conteste, a rejeté sa demande ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, c'est à bon droit que les impositions litigieuses ont été établies par voie de taxation d'office ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a appliqué aux impositions litigieuses les majorations prévues en pareil cas par les dispositions de l'article 1733 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions, applicables en l'espèce, des articles 1728 et 1729 du code général des impôts que seuls sont passibles des majorations prévues à l'article 1729, lorsque leur bonne foi ne peut être admise, les redevables qui ont sciemment déclaré ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition inexacts, incomplets ou insuffisants ; que ceux qui se sont abstenus de souscrire une déclaration n'encourent que les intérêts de retard prévus à l'article 1733 ; que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... n'a souscrit aucune déclaration de ses revenus de l'année 1971 ; qu'il est, dès lors, fondé à demander la décharge de la majoration pour absence de bonne foi qui a été appliquée sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, aux droits, correspondant aux bénéfices non commerciaux et des revenus de capitaux mobiliers, établis au titre de l'année 1971 ; qu'il y a lieu de substituer à cette majoration les intérêts de retard prévus aux articles 1728 et 1734, dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 8 juillet 1987, dans la limite de la pénalité primitivement assignée au contribuable ;
Article 1er : Dans la limite du montant des pénalités primitivement assignées à M. X... sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle M. X... a été assujetti au titre de l'année 1971 sera assortie, pour la partie qui avait été assortie d'une majoration pour absence de bonne foi, d'intérêts de retard calculés selon les dispositions des articles 1728 et 1734 du code général des impôts qui étaient en vigueur avant l'intervention de la loi du 8 juillet 1987.
Article 2 : Il est accordé à M. X..., par ses héritiers, décharge de la différence entre le montant des majorations contestées et le montant qui résulte de ce qui est dit à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 mai 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... (les héritiers) et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 44514
Date de la décision : 28/09/1988
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT OU INSUFFISANCE DE DECLARATION -Circonstances ayant mis le contribuable dans l'impossibilité de produire sa déclaration dans le délai - Obligation de souscrire la déclaration dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle cesse cette impossibilité.

19-04-01-02-05-02-01 Un contribuable qui n'a pas souscrit la déclaration de son revenu global soutient qu'il a été dans l'impossibilité de souscrire sa déclaration dans le délai légal en raison de la saisie, dans le cadre d'une procédure pénale suivie à son encontre, des documents qui lui étaient nécessaires. Mais il résulte de l'instruction qu'il a obtenu postérieurement à l'expiration du délai de déclaration, la copie de ces documents et n'a cependant souscrit aucune déclaration dans un délai raisonnable à compter de la date de la remise de ces copies. Compte tenu de cette abstention, l'administration était en droit de le taxer d'office à l'impôt sur le revenu.


Références :

CGI 170, 173 1, 1966 1, 1975, 1649 quinquies A 2, 102, 35 A, 104, 93 1, 206 2, 1733, 1728, 1729, 1733, 1734
CGIAN3 45
Loi 74-1114 du 27 décembre 1974 art. 1
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3
Loi 87-502 du 08 juillet 1987


Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 1988, n° 44514
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Descoings
Rapporteur public ?: M. Chahid-Nouraï

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:44514.19880928
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award