Vu le recours du ministre de l'intérieur enregistré le 16 novembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) prononce le sursis à exécution et annule le jugement du 22 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de M. X... la décision du 18 février 1987 prononçant son éloignement du territoire ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 et notamment son article 25 modifié par la loi du 9 septembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Groshens, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lemaitre, Monod, avocat de M. Nourredine X...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de 10 ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité l'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction au sens de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiées au Journal officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, quelle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que les condamnations pénales retenues à l'encontre de M. X... étaient antérieures à l'intervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 février 1987 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant, toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant qu'il est constant que l'arrêté du 18 février 1987 a été signé par M. Y..., directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, qui, par arrêté du 7 mai 1986, a reçu délégation de signature pour signer tous actes, arrêtés et décisions concernant la mise en oeuvre de la police administrative et le contentieux général ; qu'ainsi le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
Considérant qu'il est constant que M. X... s'est rendu coupable de vols, tentatives d'extorsion de fonds avec violence, et tentative de vol commise avec effraction et a été condamné définitivement par la juridiction pénale pour ces faits à des peines dont le total excède six mois d'emprisonnement sans sursis, qu'ainsi il pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ;
Considérant que l'avis de la commission spéciale des expulsions ne lie pas l'autorité qui prononce l'expulsion ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, que la présence de M. X... sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 1987 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.