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26/10/1988 | FRANCE | N°61542

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 26 octobre 1988, 61542


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 août 1984 et 10 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FORA FRANCE, représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié au siège social..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 14 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi par le jugement du conseil des prud'hommes de Dinan en date du 13 avril 1984, en application de l'article L. 511-1 du code du travail, a déclaré que le silence gard

par le directeur départemental du travail et de l'emploi des Côtes-d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 août 1984 et 10 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FORA FRANCE, représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié au siège social..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 14 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi par le jugement du conseil des prud'hommes de Dinan en date du 13 avril 1984, en application de l'article L. 511-1 du code du travail, a déclaré que le silence gardé par le directeur départemental du travail et de l'emploi des Côtes-du-Nord sur la lettre du 29 novembre 1982 par laquelle la société requérante avait demandé l'autorisation de licencier M. X... pour motif économique n'avait pas fait naître au profit de cette société une décision implicite d'autorisation,
2°- déclare que le silence gardé par le directeur départemental avait fait naître une telle décision,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hubert, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE FORA FRANCE et de Me Delvolve, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 321-9, alinéa 2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, l'autorité administrative dispose d'un délai de sept jours, renouvelable une fois, pour vérifier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement pour cause économique et pour faire connaître soit son accord, soit son refus d'autorisation ; que, selon l'article R. 321-8 du même code, à défaut de réception d'une réponse dans le délai susindiqué, l'autorisation demandée est réputée acquise ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail : "le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme .... est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code. Il en est de même du licenciement des candidats aux fonctions de conseiller prud'homme dès la publication des candidatures et pendant une durée de trois mois" ; qu'en vertu de l'article R. 513-38 du même code, la régularité des listes des candidatures aux élections des prud'hommes peut être contestée dans un délai de trois jours à partir de la publication de ces listes devant le tribunal d'instance, lequel statue sans formalité dans les trois jours, et qu'aux termes de l'article R. 513-108 : "dans les huit jours de l'affichage des résultats (des élections des prud'hommes) ...., tout électeur et toute électrice peuvent contester la régularité des listes, l'éligibilité d'un candidat, l'éligibilité ou l'élection d'un élu et la régularité des opérations électorales devant le tribunal d'instance dans le ressort duquel se trouve situé le siège du conseil des prud'hommes" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la candidature de M. X... aux élections prud'homales du 8 décembre 1982 avait été publiée moins de trois mois avant le 29 novembre 1982, date à laquelle la SOCIETE FORA FRANCE a demandé au directeur départemental du travail et de l'emploi des Côtes-du-Nord l'autorisation de licencier ce salarié pour motif économique, sans faire mention de la candidature de l'intéressé aux élections des prud'hommes ; que M. X... a été élu conseiller prud'homme le 8 décembre 1982, soit avant la date à laquelle la SOCIETE FORA FRANCE est devenue titulaire d'une autorisation implicite de licenciement pour cause économique résultant du silence gardé sur sa demande par l'autorité administrative, laquelle avait renouvelé le délai de sept jours prévu par les dispositions susrappelées de l'article L. 321-9 du code du travail ; qu'il est constant que cette décision implicite est intervenue sans qu'il ait été tenu compte de la qualité de conseiller prud'homme de M. X... ;
Considérant qu'il est également constant que l'employeur n'a contesté devant le tribunal d'instance ni la candidature de M. X... ni l'élection de l'intéressé ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement, pour dénier à ce salarié le bénéfice de la protection spéciale prévue aux articles L. 514-2 et L. 412-18 du code du travail, soutenir que sa candidature et son élection au titre du collège des employeurs du conseil des prud'hommes étaient irrégulières ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus et contrairement à ce qu'a décidé le tribunal administratif de Rennes, le silence gardé par le directeur départemental du travail et de l'emploi sur la demande présentée le 29 novembre 1982 par la SOCIETE FORA FRANCE a fait naître au profit de cette société une décision implicite d'autorisation du licenciement de M. X... pour motif économique, ladite autorisation est intervenue illégalement dès lors que la procédure prévue par l'article L. 412-18 du code du travail n'a pas été suivie ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de déclarer fondée l'exception d'illégalité soulevée devant le conseil des prud'hommes de Dinan et relative à la décision implicite susmentionnée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 14 juin 1984 est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que l'exception d'illégalité soulevée devant le conseil des prud'hommes de Dinan et relative à la décision implicite du directeur départemental du travail et de l'emploi des Côtes-du-Nord autorisant la SOCIETE FORA FRANCE à licencier M. X... pour motif économique, est fondée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FORAFRANCE, à M. X..., au greffier du conseil des prud'hommes de Dinanet au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Sens de l'arrêt : Annulation déclaration d'exception d'illégalité fondée
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - BENEFICE DE LA PROTECTION -Existence de la protection - Conseillers prud'hommes - Candidat aux élections des conseillers prud'hommes - Protection (article L.514-2 du code du travail) - Conséquences - Illégalité d'un licenciement autorisé sans qu'ait été suivie la procédure prévue par l'article L.412-18 du code du travail (1).

66-07-01-01 La candidature de M. B. aux élections prud'homales du 8 décembre 1982 avait été publiée moins de trois mois avant le 23 novembre 1982, date à laquelle la société F. a demandé au directeur départemental du travail et de l'emploi des Côtes-du-Nord l'autorisation de licencier ce salarié pour motif économique, sans faire mention de la candidature de l'intéressé aux élections des prud'hommes. M. B. a été élu conseiller prud'homme le 8 décembre 1982, soit avant la date à laquelle la société F. est devenue titulaire d'une autorisation implicite de licenciement pour cause économique résultant du silence gardé sur sa demande par l'autorité administrative, laquelle avait renouvelé le délai de sept jours prévu par les dispositions de l'article L.321-9 du code du travail. Il est constant que cette décision implicite est intervenue sans qu'il ait été tenu compte de la qualité de conseiller prud'homme de M. B.. Il est également constant que l'employeur n'a contesté devant le tribunal d'instance ni la candidature de M. B., ni l'élection de l'intéressé. Par suite, la société requérante ne peut utilement, pour dénier à ce salarié le bénéfice de la protection spéciale prévue aux articles L.514-2 et L.412-18 du code du travail, soutenir que sa candidature et son élection au titre du collège des employeurs du conseil des prud'hommes étaient irrégulières. Ainsi, la décision implicite d'autorisation de licenciement de M. B. pour motif économique est intervenue illégalement dès lors que la procédure prévue par l'article L.412-18 du code du travail n'a pas été suivie.


Références :

Code du travail L511-1, L321-9, R321-8, L514-2, R513-38, R513-108, L412-18

1.

Cf. 1987-05-13, Société Socorhin, p. 173


Publications
Proposition de citation: CE, 26 oct. 1988, n° 61542
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Hubert
Rapporteur public ?: Mme de Clausade

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 26/10/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 61542
Numéro NOR : CETATEXT000007765731 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-10-26;61542 ?
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