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09/11/1988 | FRANCE | N°79674

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 09 novembre 1988, 79674


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 juin 1986 et 23 octobre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOSSEE (Indre-et-Loire), représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement, en date du 20 mars 1986, par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamnée à payer à la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes (S.E.M.C.) les sommes de 208 475,78 F et de 20 755 F, avec les intérêts au taux légal,
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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 juin 1986 et 23 octobre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOSSEE (Indre-et-Loire), représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement, en date du 20 mars 1986, par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamnée à payer à la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes (S.E.M.C.) les sommes de 208 475,78 F et de 20 755 F, avec les intérêts au taux légal,
2°) rejette la demande de la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes tendant à la condamnation de la commune,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Costa, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la COMMUNE DE BOSSEE et de Me Ancel, avocat de la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes (S.E.M.C.),
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE BOSSEE, la demande présentée par la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes (S.E.M.C.) devant le tribunal administratif d'Orléans contenait l'exposé sommaire des faits et moyens exigé par l'article R. 77 du code des tribunaux administratifs ;
Considérant, d'autre part, que si le signataire de cette demande n'a pas justifié d'un mandat lui donnant pouvoir d'agir au nom de la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes, le mémoire complémentaire et les autres productions présentées pour cette société devant les premiers juges ont été signés par un avocat ; qu'il n'est pas allégué que celui-ci n'aurait pas eu mandat pour représenter la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes ; que la demande de cette dernière s'est ainsi trouvée régularisée par le ministère d'avocat ;
Sur la responsabilité de la COMMUNE DE BOSSEE :
Considérant que la COMMUNE DE BOSSEE et la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes ont passé le 24 octobre 1983 une convention par laquelle celle-là confiait à celle-ci la réalisation d'un programme de construction, sur son territoire, portant sur sept logements locatifs et sur trois logements destinés à l'accession à la propriété ; que l'article 1er, in fine, de cette convention stipulait que "toute modification du plan de financement susceptible d'entraîner un accroissement des charges de collectivités locales devra recevoir l'approbation du conseil municipal" ; qu'en vertu d'une délibération du conseil municipal en date du 3 novembre 1983, la commune a accordé sa garantie à la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes pour un emprunt de 1 835 300 F que cette société se proposait de contracter auprès de la caisse de prêts aux organismes d'habitations à loyers modérés, filiale de la caisse des dépôts et consignations, en vue du financement de ce programme de construction ; qu'enfin, par une autre délibération, en date du 5 décembre 1984, le conseil municipal a décidé d'annuler purement et simplement la convention précitée, et de confier la réalisation du programme à un autre organisme, l'office public d'aménagement et de construction d'Indre-et-Loire ;

Considérant, d'une part, que la COMMUNE DE BOSSEE soutient qu'elle aurait été conduite à résilier sa convention avec la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes par une lettre de la caisse des dépôts et consignations indiquant que la commune ne pouvait garantir l'emprunt sollicité qu'à concurrence de 14 % de son montant, et que cette information aurait constitué un cas de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; que, toutefois, le montant de l'emprunt était inchangé, et la circonstance que la garantie à laquelle la commune s'était engagée se trouvait fortement réduite n'équivalait nullement à une modification du plan du financement du programme entraînant un accroissement des charges pour les collectivités locales ; que, dans ces conditions, la délibération du conseil municipal de Bossée en date du 5 décembre 1984 a constitué une résiliation unilatérale irrégulière de la convention par la commune, qui ne résulte pas d'un cas de force majeure ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes n'a commis aucun retard dans l'élaboration et le début de réalisation du programme de construction de nature à atténuer la responsabilité encourue par la COMMUNE DE BOSSEE ; que le retard allégué dans la transmission de la convention et de ses avenants à l'autorité préfectorale n'est, en tout état de cause, pas imputable à cette société ;
Sur le montant du préjudice subi par la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les honoraires payés par la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes aux architectes et dont le jugement attaqué lui a accordé le remboursement aient excédé le montant qui était dû en vertu des stipulations conventionnelles ; que ledit jugement n'a pas, comme le soutient la commune, indemnisé le manque-à-gagner subi par la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes, mais a alloué à celle-ci, pour un montant non contesté, les honoraires qui lui étaient dus ; que, toutefois, la responsabilité de la commune doit être atténuée pour tenir compte de l'imprudence de la société intimée, qui a engagé précipitamment les travaux et le recours aux architectes ; qu'il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l'espèce en ramenant la condamnation de 229 250,78 F à la somme de 100 000 F, tous intérêts compris au jour de la présente décision ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes a demandé le 29 avril 1987 la capitalisation des intérêts afférents auxdites indemnités ; qu'à cette date, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Article ler : Les indemnités, s'élevant à 229 250,78 F, que la COMMUNE DE BOSSEE a été condamnée à verser à la S.E.M.C. par le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 20 mars 1986, est ramenée à 100 000 F, tous intérêts compris à la date de la présente décision.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans, en date du 20 mars 1986, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE BOSSEE et la demande de la S.E.M.C. sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BOSSEE (Indre-et-Loire), à la société d'économie mixte de construction de la région de Loches-Descartes et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 79674
Date de la décision : 09/11/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE - Droit à indemnité du concessionnaire - Résiliation aux torts de de l'administration - Condition contractuelle de résiliation non réalisée.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAUTE DE LA VICTIME - Imprudence du cocontractant de l'administration - Exonération partielle.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs R77


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 1988, n° 79674
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Costa
Rapporteur public ?: E. Guillaume

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:79674.19881109
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