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18/11/1988 | FRANCE | N°11630;11637

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 18 novembre 1988, 11630 et 11637


Vu 1°) sous le n° 11 630 la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 1978, présentée pour M. G..., demeurant ... et Coli à Paris, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 16 décembre 1977 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris l'a condamné à garantir l'Etat à concurrence de 20 % des condamnations mises à la charge de ce dernier en réparation du préjudice subi par M. et Mme Y..., MM. Raymond et Jacques A..., Mmes F... et Z... et C...
E... à l'occasion de travaux d'édification d

u centre hospitalier universitaire Necker ;
2- rejette les conclusions...

Vu 1°) sous le n° 11 630 la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 1978, présentée pour M. G..., demeurant ... et Coli à Paris, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 16 décembre 1977 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris l'a condamné à garantir l'Etat à concurrence de 20 % des condamnations mises à la charge de ce dernier en réparation du préjudice subi par M. et Mme Y..., MM. Raymond et Jacques A..., Mmes F... et Z... et C...
E... à l'occasion de travaux d'édification du centre hospitalier universitaire Necker ;
2- rejette les conclusions présentées pour l'Etat devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu 2°) sous le n° 11 637 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars 1978 et 30 novembre 1978 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ALBARIC, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 16 décembre 1977 en tant que par celui-ci, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à garantir l'Etat à concurrence de 80 % des condamnations mises à la charge de ce dernier en réparation du préjudice subi par M. et Mme Y..., MM. Raymond et Jacques A..., Mmes F... et Z... et C...
E... à l'occasion de travaux d'édification du centre hospitalier universitaire Necker ;
2- rejette les conclusions en garantie présentées par l'Etat devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schneider, Maître des requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de M. G..., de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de M. et Mme Y... et autres, de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de Mlle E... et de Me Barbey, avocat de la SOCIETE ALBARIC,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. G... et de la société ALBARIC sont relatives à un même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé imputable aux travaux d'édification du centre hospitalier universitaire Necker la ruine d'un immeuble situé ... et condamné l'Etat à indemniser les consorts B..., propriétaires dudit immeuble, ainsi que Mme F..., Mme Z... et Mlle Schneider, qui l'occupaient en qualité de sous-locataires, du préjudice résultant pour eux de sa démolition ordonnée à la suite d'un arrêté de péril pris par le préfet de police ; qe M. G... et la société ALBARIC font appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal les a condamnés à garantir l'Etat, à concurrence respectivement de 20 % et 80 % de leur montant total, des condamnations mises à sa charge "en principal, tous intérêts et dépens y compris les frais d'expertise" ;
Sur le principe de la responsabilité de M. G... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 1976, soit postérieurement à l'introduction des demandes présentées par Mmes F... et Z..., le ministre de l'éducation nationale a déclaré "confirmer" ses conclusions tendant à ce que M. G... et la société ALBARIC soient condamnés à le garantir ; que, par suite, M. G... n'est fondé à soutenir ni que l'Etat n'avait pas présenté de conclusions tendant à être garanti par lui des condamnations prononcées au profit de Mmes F... et Z... ni, en tout état de cause, que l'Etat devrait être regardé comme ayant renoncé aux conclusions en garanties qu'il avait présentées dans sa demande introductive d'instance ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la ruine de l'immeuble serait, même pour partie, imputable à la vétusté ou à l'insuffisance des fondations ; que, par suite, M. G..., s'il est recevable à invoquer tout moyen de nature à établir que la condamnation de l'Etat est injustifiée, n'est pas fondé à soutenir que la part de responsabilité mise à la charge de ce dernier est excessive ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. G... a négligé de prévoir, à l'occasion notamment des travaux de terrassement, les précautions rendues nécessaires par l'état des lieux et la proximité de l'immeuble sis ... ; qu'eu égard aux fautes qu'il a ainsi commises dans la surveillance des travaux, sa responsabilité se trouve engagée à l'égard de l'Etat, maître de l'ouvrage ;
Sur le principe de la responsabilité de la société ALBARIC :
En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance des consorts B..., de Mme F... et de Mme Z... :
Considérant que si, par une transaction, en date du 15 septembre 1969, les consorts B..., D...
F... et D...
Z... ont déclaré "se désister de toute instance et action à l'encontre ... de l'éducation nationale" cette transaction, qui concerne seulement les désordres décrits dans les rapports d'expertise de M. X..., en date des 13 janvier 1968 et 21 octobre 1968, auxquels elle se réfère, ne faisait pas obstacle à ce que ses auteurs portent devant le juge les litiges résultant de l'apparition de nouveaux désordres ;
Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la démolition de l'immeuble sis ..., alors même qu'elle a été ordonnée par le tribunal administratif de Paris le 13 mai 1970 à la suite d'un arrêté de péril pris par le préfet de Paris, plusieurs mois après que l'entreprise ait cessé d'intervenir sur le chantier, est la conséquence directe des conditions dans lesquelles avaient été effectués les travaux du centre hospitalier universitaire Necker et que la ruine de cet immeuble n'est, d'autre part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en rien imputable à la vétusté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des experts désignés par le tribunal, que les désordres qui ont provoqué la ruine de l'immeuble sont imputables en partie aux négligences commises à l'occasion des travaux de terrassement par l'entreprise Sorret, sous-traitant de la société ALBARIC, qui a notamment mis en place un dispositif d'étaiement insuffisant ; que les fautes ainsi commises par son sous-traitant engagent la responsabilité de la société ALBARIC à l'égard de l'Etat, maître de l'ouvrage ;
Sur la répartition des responsabilités :
Considérant que si M. G... soutient que l'Etat, qui n'a pas appelé en garantie le bureau d'études BECIB, devrait garder à sa charge la part des condamnations correspondant à la part de responsabilité imputable à ce bureau d'études, il ne résulte pas de l'instruction que ledit bureau ait commis des fautes qui auraient concouru à la réalisation des dommages subis par l'immeuble sis ... ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard à l'importance respective des fautes qui doivent être, ainsi qu'il a été dit plus haut, retenues respectivement à la charge de M. G... et de la société ALBARIC, ladite société est fondée à soutenir qu'en mettant à sa charge l'obligation de garantir l'Etat à concurrence de 80 % des condamnations prononcées contre lui, le jugement attaqué a fait une appréciation excessive de sa part de responsabilité ; qu'il y a lieu de ramener à 50 % de ces condamnations l'obligation de garantie mise à la charge de la société ALBARIC par le jugement attaqué ;
En ce qui concerne le montant du préjudice :
Considérant qu'en accordant à Mmes F... et Z... des indemnités pour perte de bail s'élevant respectivement à 30 000 F et 20 000 F, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ;
Considérant, en revanche, que les consorts B..., s'ils invoquaient les "démarches, pertes de temps et frais divers" que leur aurait occasionnés les désordres survenus à leur immeuble n'établissaient l'existence à ce titre d'aucun préjudice indemnisable justifiant l'octroi de la somme de 30 000 F que le jugement attaqué a condamné l'Etat à leur verser en sus des 282 964 F correspondant à la valeur vénale de l'immeuble et aux frais de démolition ; que la société ALBARIC est, par suite, fondée à soutenir que la condamnation prononcée sur ce point à l'égard de l'Etat est excessive et à demander en conséquence qu'en ce qui concerne les condamnations prononcées contre l'Etat au profit des consorts B... son obligation de garantie soit limitée à 50 % de la somme de 282 964 F et des intérêts y afférents ;
Sur les conclusions des consorts B... :

Considérant que les conclusions des consorts B... tendant à la majoration de la condamnation mise à la charge de l'Etat, qui ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et qui ne présentent le caractère ni d'un appel incident ni d'un appel provoqué par les appels de M. G... et de la société ALBARIC, ne sont pas recevables ;
Article 1er : La part de responsabilité mise à la charge de la société ALBARIC à l'égard de l'Etat, par l'article 7 du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris, en date du 16 décembre 1977, est ramenée de 80 % à 50 %. Cette garantie sera limitée, en ce qui concerne la garantie des condamnations prononcées contre l'Etat au profit des consorts B..., à 50 % de la somme de 282 964 F et des intérêts y afférents.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 16 décembre 1977, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La requête de M. G..., les conclusions des consorts B... ainsi que le surplus des conclusions de la requête de la société ALBARIC sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., Mme Y..., M. Raymond A..., M. Jacques A..., Mme F..., Mme Z..., Mlle Schneider, M. G..., à la société ALBARIC et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse etdes sports.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 11630;11637
Date de la décision : 18/11/1988
Sens de l'arrêt : Réformation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - CHAMP D'APPLICATION - Possibilité pour l'architecte - dans un litige contractuel - d'invoquer la faute commise par le bureau d'études tiers au contrat pour soutenir que le maître de l'ouvrage doit garder à sa charge la part de condamnations correspondant à la part de responsabilité de ce bureau d'études - que le maître de l'ouvrage n'a pas appelé en garantie (1).

39-06-01-02-005, 39-06-01-07-02 Dommages de travaux publics causés, en raison de l'édification du centre hospitalier universitaire Necker, à un immeuble voisin. Le tribunal administratif condamne l'Etat, maître de l'ouvrage, à indemniser les propriétaires de l'immeuble, et condamne l'architecte et l'entrepreneur à garantir l'Etat, à concurrence respectivement de 20 % et de 80 % du montant des condamnations mises à sa charge. Sur appel de l'architecte, le Conseil d'Etat juge qu'eu égard aux fautes qu'il a commises dans la surveillance des travaux, sa responsabilité se trouve engagée à l'égard de l'Etat. De même, sur appel de l'entrepreneur, il juge que les fautes commises par son sous-traitant engagent la responsabilité de l'entrepreneur à l'égard de l'Etat. Au stade de la répartition des responsabilités, l'architecte peut invoquer les fautes qu'aurait commises le bureau d'études pour soutenir que l'Etat, qui n'a pas appelé en garantie le bureau d'études, devrait garder à sa charge la part des condamnations correspondant à la part de responsabilité imputable à ce bureau d'études. En l'espèce toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ledit bureau ait commis des fautes qui auraient encouru à la réalisation des dommages.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PARTAGE DES RESPONSABILITES - Possibilité pour l'architecte - dans un litige contractuel - d'invoquer la faute commise par le bureau d'études tiers au contrat - pour soutenir que le maître de l'ouvrage doit garder à sa charge la part de condamnations correspondant à la part de responsabilité de ce bureau d'études - que le maître de l'ouvrage n'a pas appelé en garantie (1).


Références :

1. Comp. 1983-07-29, Bouget, p.d 349


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 1988, n° 11630;11637
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Schneider
Rapporteur public ?: Mme Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:11630.19881118
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