Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 février 1985 et 6 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Servane X..., demeurant "les Eridolles", Le Bois-Plage-en-Ré (17580), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre une délibération du 8 octobre 1982 par laquelle le conseil d'administration de la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime lui a refusé le bénéfice des droits attachés à l'exercice permanent d'activités commerciales dans l'Ile-de-Ré,
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hubert, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat de Mme X... et de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de la régie départementale des passages d'eau de la Charente Maritime,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il n'est pas établi que Mme X... ait reçu notification avant le 2 novembre 1982 de la délibération en date du 8 octobre 1982 du conseil d'administration de la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime rejetant sa demande tendant à obtenir le bénéfice du tarif réduit réservé aux personnes résidant en permanence dans l'Ile de Ré ; qu'en admettant même que la lettre que Mme X... a adressée le 2 novembre 1982 au directeur de la régie ait constitué un recours gracieux contre la délibération susmentionnée et que la nouvelle délibération du conseil d'administration du 9 décembre 1982 ait constitué un rejet dudit recours gracieux, cette seconde délibération ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme s'étant rétroactivement substituée à celle du 8 octobre 1982 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime, Mme X... était recevable à saisir le tribunal administratif de Poitiers, par sa requête enregistrée le 27 décembre 1982 au greffe de ce tribunal, de conclusions tendant seulement à l'annulation de la délibération susmentionnée du 8 octobre 1982 ;
Sur la légalité de la délibération du 8 octobre 1982 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 des statuts de la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime, qui est dotée de la personnalité morale : "Le conseil d'administration ... détermine les catégories de personnes auxquelles le directeur peut accorder, soit la gratuité du parcour, soit des réductions sur les tarifs des voyageurs ..." ; qu'il résulte des termes mêmes de ce texte que l'autorité compétente pour se prononcer sur les demandes individuelles tendant à obtenir le bénéfice d'un tarif réduit est, non le conseil d'administration, mais le directeur de la régie ; qu'ainsi, le conseil d'administration n'était pas compétent pour rejeter, comme il l'a fait par sa délibération du 8 octobre 1982, la demande de Mme X... ; qu'il suit de là que Mme X... est fondée à soutenir que cette délibération est illégale et que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté à tort, par le jugement attaqué, sa demande tendant à l'annulation de ladite délibération ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 5 décembre 1984, ensemble la délibération du 8 octobre 1982 du conseil d'administration de la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime rejetant la demande de Mme X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à la régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime et au ministre de l'intérieur.