Vu la requête, enregistrée le 19 août 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cornelis X..., demeurant Gevangenis 1, Pompstationsweg 14, 2597 Jw's-Gravenhage (Pays-Bas), et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir et au sursis à exécution du décret du 13 juin 1988 par lequel le Premier ministre a accordé au gouvernement néerlandais l'extension des chefs d'extradition pour laquelle l'intéressé avait été préalablement extradé vers les Pays-Bas,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Juniac, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de M. Cornelis X...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort clairement de l'article 14 de la convention européenne d'extradition qu'un individu déjà extradé par un des Etats contractants au profit d'un autre ne peut être poursuivi ou jugé, dans ce dernier Etat, pour des faits antérieurs à la remise et non visés par la mesure d'extradition, sauf lorsque l'Etat requis y consent, ce qu'il est tenu de faire si l'infraction que constituent ces faits entraîne elle-même l'obligation d'extrader aux termes de la convention ; qu'aucune disposition de ce texte n'exclut l'application de cette règle à des faits déjà connus de l'Etat requérant lors de la première demande ; qu'il suit de là, d'une part, que le décret attaqué a pu légalement étendre l'extradition, déjà accordée aux autorités néerlandaises, de M. X... à des faits commis avant sa remise, à supposer même que sa participation à ces faits ait déjà été connue du pays requérant, et, d'autre part, que les auteurs du décret attaqué ont pu, sans méconnaître les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, ne pas motiver spécialement l'application qu'ils faisaient ainsi de l'article 14 de la convention, dès lors qu'ils mentionnent par ailleurs que les faits répondaient aux exigences de l'article 2, qu'ils étaient punissables en droit français, qu'ils n'avaient pas de caractère politique et que l'extradition n'était pas demandée pour des raisons de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ;
Considérant que, dès lors que le système juridictionnel de l'Etat requérant offre des garanties conformes aux principes généraux du droit de l'extradition, il n'appartient pas aux autorités françaises de se prononcer sur le délai dans lequel les prévenus seront jugés par l'Etat requérant ; que l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui dispose que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... dans un délai raisonnable", s'impose donc en l'espèce aux seules autorités juridictionnelles de l'Etat requérant ; que le moyen tiré de la méconnaissance possible de cette règle est donc inopérant à l'encontre du décret attaqué ;
Considérant que les infractions pour lesquelles l'extension d'extradition de M. X... est demandée ont été commises avec violence, usage d'armes à feu et par plusieurs personnes constituant une bande organisée ; qu'aux termes de l'article 384 du code pénal, le vol commis en bande organisée ou aggravé par le port d'une arme apparente ou cachée sera puni de la réclusion criminelle ; que les infractions commises par M. X... constituent donc des infractions criminelles ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du code de procédure pénale : "En matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, à cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuites. S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte" ; que les infractions pour lesquelles l'extension de l'extradition est demandée ont été commises entre octobre 1977 et 1982 ; que le mandat d'arrêt émis par les autorités néerlandaises à l'appui de leur demande d'extension d'extradition est daté du mois de mai 1987 ; qu'à cette date, les infractions reprochées à M. X... n'étaient pas prescrites au regard du droit français et que, dès lors, ce mandat a pu interrompre le délai de prescription ; qu'il résulte de ce qui précède, que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les autorités françaises ont fondé le décret accordant l'extension d'extradition au gouvernement néerlandais sur des faits prescrits en droit français ;
Article 1er : La requête de M. Cornelis X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Cornelis Y..., au gouvernement néerlandais et au Garde des sceaux, ministre dela justice.