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23/12/1988 | FRANCE | N°75716

France | France, Conseil d'État, 10/ 1 ssr, 23 décembre 1988, 75716


Vu la requête, enregistrée le 12 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme ROGER, épouse X..., demeurant ... (Aude), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 407 922,36 F avec intérêts à compter du 17 septembre 1984 en réparation du préjudice résultant de la vente d'un fonds de commerce suite à la décision illégale du préfet de l'Aude du 7 avril 1978 refusa

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Vu la requête, enregistrée le 12 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme ROGER, épouse X..., demeurant ... (Aude), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 407 922,36 F avec intérêts à compter du 17 septembre 1984 en réparation du préjudice résultant de la vente d'un fonds de commerce suite à la décision illégale du préfet de l'Aude du 7 avril 1978 refusant de lui délivrer une carte de qualification professionnelle pour l'exploitation d'un second salon de coiffure à Trèbes,
2°) condamne l'Etat à lui payer 407 922,36 F avec intérêts à compter du 17 septembre 1984 et capitalisation,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 ;
Vu le décret n° 75-342 du 9 mai 1975 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Montgolfier, Auditeur,
- les observations de Me Blanc, avocat de Mme Colette Y..., épouse X...

- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 7 avril 1978, le préfet de l'Aude a refusé de délivrer à Mme ROGER épouse X..., qui exploitait un salon de coiffure sis ... à Trèbes, la carte de qualification professionnelle qu'elle avait demandée en application du décret du 9 mai 1975 pris pour l'application de la loi du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur, afin de créer un second salon de coiffure à Trèbes, rue des Jonquilles ; que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, le 19 janvier 1981, le recours pour excès de pouvoir formé par Mme Z... contre la décision du préfet ; que les époux X... ont vendu le 4 août 1981 le fonds de commerce du salon de coiffure qu'ils avaient créé rue des Jonquilles ; que, par une décision du 18 février 1983, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé le jugement du tribunal administratif du 19 janvier 1981 et la décision prise par le préfet de l'Aude le 7 avril 1978 ; que Mme Z... interjette appel du jugement du 16 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une indemnité de 407 922,26 F, en réparation des préjudices que lui aurait causés l'illégalité de la décision préfectorale du 7 avril 1978 ;
Considérant que si la requérante n'établit pas avoir subi un préjudice pour la période pendant laquelle elle a exploité le salon de coiffure créé rue des Jonquilles, il résulte de l'instruction et de l'ensemble des circonstances ci-dessus relatées que, même si la décision préfectorale n'a été suivie d'aucune poursuite pénale ou d'aucune mise en demeure autre que celle d'engager un gérant technique à plein temps pour le second établissement exploité par Mme Z..., il existe, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, un lien de causalité directe entre la décision illégalement prise par le préfet de l'Aude et l'abandon par Mme Z... du projet qu'elle avait formé d'exploiter à Trèbes un second salon de coiffure ; qu'ainsi la requérante est fondée à obtenir réparation du préjudice que lui a causé le refus qui lui a été illégalement opposé ;

Considérant que Mme Z... ne saurait prétendre être indemnisée des dépenses qu'elle a engagées pour la création du fonds de commerce créé rue des Jonquilles et qui ont été prises en compte lors de la vente de ce fonds le 4 août 1981, ni du préjudice, purement éventuel, correspondant à une perte de clientèle et à la perte des bénéfices escomptés de l'exploitation d'un second établissement ; qu'en revanche l'illégalité du refus qui lui a été opposé par le préfet de l'Aude le 7 avril 1978 a été de nature à provoquer dans ses conditions d'existence des troubles dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant, dans les circonstances de l'espèce, à 20 000 F ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de condamner l'Etat à verser à Mme Z... une indemnité de 20 000 F ;
Considérant que la requérante est en droit de prétendre aux intérêts de ladite somme à compter de la réception par le préfet de l'Aude de la demande d'indemnité qu'elle lui a adressée le 17 septembre 1984 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 février 1986 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, par suite, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 16 décembre 1985 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme Z... une somme de 20 000 F. Cette somme portera intérêts à compter du jour de la réception par le préfet de l'Aude de la demande d'indemnité que Mme Z... lui a adressée le 17 septembre 1984. Les intérêts échus le 12 février 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Z... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Z... et au ministre délégué auprès du ministre de l'industrieet de l'aménagement du territoire, chargé du commerce et de l'artisanat.


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