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23/12/1988 | FRANCE | N°90014

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 23 décembre 1988, 90014


Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 31 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 13 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de la ville de Romans-sur-Isère (Drôme), la décision du 26 novembre 1986, par laquelle le Préfet de la Drôme a procédé à l'inscription d'office au budget 1986 de la ville d'une somme de 1 200 000 F correspondant à une dette de ladite ville à l'égard de la société Fralch,
2° rejette la demande présent

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Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 31 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 13 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de la ville de Romans-sur-Isère (Drôme), la décision du 26 novembre 1986, par laquelle le Préfet de la Drôme a procédé à l'inscription d'office au budget 1986 de la ville d'une somme de 1 200 000 F correspondant à une dette de ladite ville à l'égard de la société Fralch,
2° rejette la demande présentée par la ville de Romans-sur-Isère devant le tribunal administratif de Romans,
3° décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué,
Vu les autres pièces du dossier dont il ressort que le pourvoi du ministre de l'intérieur a été communiqué au syndic de la société Fralch qui n'a pas produit de mémoire en défense ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des communes ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Guinard, avocat de commune de Romans-sur-Isère,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté du 31 octobre 1985, la Cour d'appel de Grenoble a confirmé l'ordonnance du 15 juillet 1985 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Valence a condamné la ville de Romans-sur-Isère à verser à titre provisionnel à la société Fralch la somme de 1 200 000 F ; que, par la décision attaquée, en date du 26 novembre, prise dans le cadre de la procédure prévue aux articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982, le commissaire de la République du département de la Drôme a inscrit d'office au budget de la ville de Romans-sur-Isère une somme de 1 200 000 F correspondant au montant de cette dette ;
Considérant qu'aux termes de l'article 98-I de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 : "Les dispositions des articles 11, 12, 52, 53 et 83 de la présente loi ne sont pas applicables à l'inscription et au mandatement des dépenses obligatoires résultant, pour une collectivité territoriale, un établissement public régional, leurs groupements et leurs établissements publics, d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée. Ces opérations demeurent régies par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980" ;
Considérant que l'article 500 du nouveau code de procédure civile dispose qu'"a force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution" ; qu'ainsi, quel que soit le caractère provisionnel de la condamnation qu'elle prononce, l'ordonnance du 15 juillet 1985 du juge de la mise en état du tribunal de gande instance de Valence, qui, confirmée par l'arrêt du 31 octobre 1985 de la cour d'appel de Grenoble, n'est plus susceptible d'un recours suspensif d'exécution, est passée en force de chose jugée ; que, dans ces conditions, il résulte des termes susrappelés de l'article 98-I de la loi du 2 mars 1982 que, pour assurer le paiement de la somme que la ville de Romans-sur-Isère avait été condamnée par cette ordonnance à verser à la société Fralch, le commissaire de la République du département de la Drôme ne pouvait pas mettre en oeuvre, comme il l'a fait, la procédure prévue par les articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982, et devait se fonder sur la loi du 16 juillet 1980 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er, II de la loi du 16 juillet 1980 : "Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. - En cas d'insuffisance de crédits, l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, l'autorité de tutelle y pourvoit et procéde, s'il y a lieu, au mandatement d'office" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le mandatement doit être précédé de l'inscription d'office des sommes correspondantes au budget, il ne peut être procédé à cette inscription sans qu'une mise en demeure ait été préalablement adressée par l'autorité de tutelle à la collectivité ou à l'établissement ; qu'il est constant que, contrairement à ce qu'exige l'article 1er, II de la loi du 16 juillet 1980, le commissaire de la République du département de la Drôme n'a, avant de prendre sa décision du 26 novembre 1986 inscrivant d'office la somme de 1 200 000 F au budget de la ville de Romans-sur-Isère, adressé aucune mise en demeure à cette collectivité ; que l'inobservation de cette formalité fait obstacle à ce que le juge administratif substitue comme base légale de la décision du 26 novembre 1986 l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 aux articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982 ; que, dès lors, ces articles ne pouvant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, fournir une base légale à la décision attaquée, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 26 novembre 1986 du commissaire de la République du département de la Drôme ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR et à la ville de Romans-sur-Isère.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 90014
Date de la décision : 23/12/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contrôle de légalité

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - Dépenses obligatoires résultant pour une commune d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée - Loi du 16 juillet 1980 applicable - Article 98-I de la loi du 2 mars 1982 non applicable.

01-08-03, 16-04-01-015-04, 37-05 L'article 500 du nouveau code de procédure civile dispose qu' "a force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution". Ainsi, quel que soit le caractère provisionnel de la condamnation qu'elle prononce, l'ordonnance du 15 juillet 1985 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Valence condamnant la ville de Romans-sur-Isère à verser à titre provisionnel à la société F. la somme de 1 200 000 F, qui, confirmée par l'arrêt du 31 octobre 1985 de la cour d'appel de Grenoble, n'est plus susceptible d'un recours suspensif d'exécution, est passée en force de chose jugée. Dans ces conditions, il résulte des termes de l'article 98-I de la loi du 2 mars 1982 que, pour assurer le paiement de la somme que la ville de Romans-sur-Isère avait été condamnée par cette ordonnance à verser à la société F., le commissaire de la République du département de la Drôme ne pouvait pas mettre en oeuvre, comme il l'a fait, la procédure prévue par les articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982, et devait se fonder sur la loi du 16 juillet 1980.

COMMUNE - FINANCES - BIENS - CONTRATS ET MARCHES - FINANCES COMMUNALES - DEPENSES - DEPENSES OBLIGATOIRES - Dépense obligatoire résultant pour une commune d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée - Loi du 16 juillet 1980 applicable - Article 98-I de la loi du 2 mars 1982 non applicable.

54-07-01-05 Il résulte des dispositions de l'article 1er, II de la loi du 16 juillet 1980 que, lorsque le mandatement doit être précédé de l'inscription d'office des sommes correspondantes au budget, il ne peut être procédé à cette inscription sans qu'une mise en demeure ait été préalablement adressée par l'autorité de tutelle à la collectivité ou à l'établissement. Il est constant que, contrairement à ce qu'exige l'article 1er, II de la loi du 16 juillet 1980, le commissaire de la République du département de la Drôme n'a, avant de prendre sa décision du 26 novembre 1986 inscrivant d'office la somme de 1 200 000 F au budget de la ville de Romans-sur-Isère, adressé aucune mise en demeure à cette collectivité. L'inobservation de cette formalité fait obstacle à ce que le juge administratif substitue comme base légale de la décision du 26 novembre 1986 l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 aux articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982. Dès lors, ces articles ne pouvant fournir une base légale à la décision attaquée, confirmation de l'annulation de la décision du 26 novembre 1986 du commissaire de la République du département de la Drôme.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXECUTION DES JUGEMENTS - Exécution d'un jugement judiciaire - Jugement condamnant une commune à verser une provision à une entreprise - Jugement passé en force de chose jugée - Application de la loi du 16 juillet 1980 et non de l'article 98-I de la loi du 2 mars 1982.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - SUBSTITUTION DE BASE LEGALE - Impossibilité de procéder à une substitution de base légale - Mandatement des sommes dues par une commune en application d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée - Préfet s'étant fondé sur les dispositions de l'article 98-I de la loi du 2 mars 1982 - non applicables dans un tel cas - Loi du 16 juillet 1980 applicable - Substitution de base légale impossible - ce dernier texte prévoyant une formalité de mise en demeure.


Références :

Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 1 II
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 11, art. 12, art. 98 I
Nouveau code de procédure civile 500


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 1988, n° 90014
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Pochard
Rapporteur public ?: Mme Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:90014.19881223
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