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23/12/1988 | FRANCE | N°93122

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 23 décembre 1988, 93122


Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, enregistré le 8 décembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 12 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de M. Cyprien X..., les décisions des 4 décembre 1986 et 26 janvier 1987 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, portant suspension du paiement des arrérages de sa pension de retraite pour la période du 1er janvie

r 1986 au 31 août 1986 ;
2° rejette les demandes présentées par...

Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, enregistré le 8 décembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 12 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de M. Cyprien X..., les décisions des 4 décembre 1986 et 26 janvier 1987 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, portant suspension du paiement des arrérages de sa pension de retraite pour la période du 1er janvier 1986 au 31 août 1986 ;
2° rejette les demandes présentées par M. Cyprien X... devant le tribunal administratif de Limoges,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment son article L.86-1 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ;
Vu l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 ;
Vu la loi n° 83-430 du 31 mai 1983 ;
Vu le décret n° 46-1378 du 8 juin 1946 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 ;
Vu le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 modifié ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Ménéménis, Auditeur,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 2-2° du décret du 30 septembre 1953, modifié par le décret du 28 janvier 1969, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort "des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3ème alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat" ; que l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 prévoit que sont notamment nommés par décret du Président de la République "les ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré conformément au tableau de classement de sortie de l'école polytechnique", au nombre desquels figurent les membres du corps des ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que le présent litige, relatif au paiement des arrérages de la pension de M. X..., ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, relève, en premier et dernier ressort, de la compétence du Conseil d'Etat ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours, le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Limoges s'est à tort prononcé sur ledit litige, doit être annulé ; qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de statuer directement sur les demandes présentées par M. X... devnt le tribunal administratif et tendant à l'annulation des décisions susvisées du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation ;
Sur la demande de M. X... dirigée contre la décision du 26 janvier 1987 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumuls entre pensions de retraite et revenus d'activités, à laquelle l'article 8 de la loi n° 83-430 du 31 mai 1983 portant diverses mesures relatives aux prestations de vieillesse a conféré valeur législative : "Le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement à la date d'application de la présente ordonnance, liquidée au titre du régime général de la sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial et dont l'entrée en jouissance intervient à compter du soixantième anniversaire de l'intéressé ou ultérieurement, est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée, à la cessation définitive de cette activité." ; qu'aux termes de l'article 3 de la même ordonnance : "Le chapitre II du titre III du livre II du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un article L.86-1 ainsi rédigé : Le paiement d'une pension civile ou militaire de retraite concédée à compter de l'âge de soixante ans ou plus, et postérieurement au 31 mars 1983, est subordonné, pour le bénéficiaire, à la cessation définitive de toute activité dans la collectivité publique, au sens de l'article L.84, auprès de laquelle il était affecté en dernier lieu, antérieurement à la date d'entrée en jouissance de sa pension." ;
Considérant que M. X..., fonctionnaire au ministère de l'agriculture, a été placé en position de détachement à compter du 16 janvier 1981, en vue d'exercer les fonctions de secrétaire général de l'Association nationale des centres régionaux de la propriété forestière ; qu'il a été admis, le 1er janvier 1986, à faire valoir ses droits à la retraite dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il a cependant continué à exercer, jusqu'au 31 août 1986, son activité professionnelle auprès de l'Association nationale des centres régionaux de la propriété forestière ; que, par la décision attaquée, en date du 26 janvier 1987, le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a suspendu le paiement des arrérages de la pension de retraite de M. X... correspondant à la période comprise entre le 1er janvier 1986 et le 31 août 1986, en application de l'article 1er précité de l'ordonnance du 30 mars 1982, au motif que "la rupture définitive de tout lien professionnel avec l'employeur" n'était intervenue, dans le cas de M. X..., que le 31 août 1986 ;

Considérant que M. X... soutient que sa situation en tant que bénéficiaire d'une pension civile de retraite de fonctionnaire de l'Etat est exclusivement régie par les dispositions de l'article 3 précité de l'ordonnance du 30 mars 1982 et qu'il avait droit au service de sa pension à partir du 1er janvier 1986, dès lors qu'il avait à cette date cessé toute activité au service de l'Etat et satisfait ainsi à la condition posée par ledit article 3 ;
Considérant, d'une part, que l'article 1er de l'ordonnance du 30 mars 1982 vise notamment le cas d'"une pension de vieillesse ... liquidée au titre d'un régime spécial de retraite au sens de l'article L.3 du code de la sécurité sociale" ; que le régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat constitue un régime spécial de retraite au sens de l'article L.3, devenu l'article L.711-1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le service d'une pension de retraite de fonctionnaire de l'Etat prenant effet postérieurement à la date d'application de l'ordonnance et dont l'entrée en jouissance intervient à compter du soixantième anniversaire ou ultérieurement est subordonné, comme celui des autres pensions visées à l'article 1er, à la rupture définitive par l'intéressé de tout lien avec l'employeur, quel qu'il soit, dont il dépend à la date d'entrée en jouissance de sa pension ;
Considérant, d'autre part, que l'article 3 de l'ordonnance du 30 mars 1982 a eu pour objet d'insérer dans le code des pensions civiles et militaires de retraite une disposition reprenant, dans le cas des agents tributaires de ce code, la règle définie à l'article 1er de l'ordonnance et précisant, pour ceux de ces agents qui ont servi au cours de leur carrière auprès de plusieurs des collectivités publiques visées à l'article L.84 du code, que l'employeur avec lequel ils doivent, pour bénéficier du service de leur pension, rompre définitivement tout lien professionnel, est constitué par la collectivité auprès de laquelle ils sont affectés à la date d'entrée en jouissance de leur pension ; qu'ainsi, l'article L.86-1 ajouté au code des pensions civiles et militaires de retraite par l'article 3 de l'ordonnance du 30 mars 1982 n'a eu ni pour objet, ni pour effet, soit de soustraire les agents tributaires de ce code à l'application de l'article 1er de cette ordonnance, soit de subordonner le service de leur pension à des conditions supplémentaires qui ne seraient pas imposées aux personnes relevant des autres régimes de retraite visés à l'article 1er ;

Considérant que la circonstance que, par un arrêté du ministre de l'agriculture en date du 23 décembre 1985, M. X... ait été "réintégré, pour ordre, dans son corps d'origine, à compter du 1er janvier 1986" avant d'être "admis, sur sa demande, à cette même date, à faire valoir ses droits à la retraite", ne saurait faire obstacle à ce que l'Association nationale des centres régionaux de la propriété forestière, auprès de laquelle l'intéressé était détaché depuis le 16 janvier 1981, soit regardée comme le dernier employeur de M. X..., pour l'application des dispositions précitées ; que l'intéressé n'a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cessé que le 31 août 1986 son activité auprès de ladite association ; qu'il résulte de ce qui précède que, quels qu'aient été au demeurant les motifs de la poursuite au delà du 1er janvier 1986 de son activité professionnelle auprès de l'association précitée, M. X..., qui n'a satisfait que le 31 août 1986 à la condition de rupture définitive avec son employeur, ne pouvait prétendre au bénéfice de sa pension qu'à compter de cette même date ;
Considérant que M. X... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision du 26 janvier 1987 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation suspendant le paiement des arrérages de sa pension entre le 1er janvier et le 31 août 1986 ;
Sur la demande de M. X... dirigée contre la décision du 4 décembre 1986 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation :

Considérant que, par sa décision en date du 26 janvier 1987 ci-dessus analysée, notifiée à M. X... postérieurement à l'introduction de son pourvoi dirigé contre la décision du 4 décembre 1986 susvisée, le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a rapporté cette décision ; qu'ainsi, la présente décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux rejetant les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du 26 janvier 1987, la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision du 4 décembre 1986 est devenue sans objet ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 novembre 1987 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Limoges et tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 1987 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Limoges et tendant à l'annulation de la décision du 4 décembre 1986 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, à M. X... et au ministre de l'agriculture et de la forêt.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 93122
Date de la décision : 23/12/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - LITIGES RELATIFS A LA SITUATION INDIVIDUELLE DES FONCTIONNAIRES NOMMES PAR DECRET DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE - Ingenieurs du génie rural - des eaux et forêts.

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - CUMULS - Ordonnance du 30 mars 1982 - Modalités d'application aux fonctionnaires.

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - PENSIONS CIVILES - LIQUIDATION DE LA PENSION - Conditions pour bénéficier du service de la pension - Fonctionnaire bénéficiant de revenus d'activité autre - Rupture des liens avec l'employeur qui l'emploie à la date de l'entrée en jouissance de sa pension.


Références :

Code de la sécurité sociale L3, L711-1 Code des pensions civiles et militaires de retraite L86-1, L84
Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2 2 Décret 1969-01-28
Loi 83-430 du 31 mai 1983 art. 8
Ordonnance 58-1136 du 28 novembre 1958 art. 1, art. 2 Ordonnance 82-290 1982-03-30 art. 1, art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 1988, n° 93122
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Ménéménis
Rapporteur public ?: Mme Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:93122.19881223
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