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28/12/1988 | FRANCE | N°57390

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 28 décembre 1988, 57390


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ernest Z... et par Mme Marthe Z..., son épouse, demeurant "Meublés Ho-Ty", ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 4 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles M. Z... a été assujetti respectivement au titre des années 1975, 1976 et 1977 et au titre de l'année 1975 ;
2°) ac

corde à M. Z... la décharge des impositions contestées ainsi que des inté...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ernest Z... et par Mme Marthe Z..., son épouse, demeurant "Meublés Ho-Ty", ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 4 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles M. Z... a été assujetti respectivement au titre des années 1975, 1976 et 1977 et au titre de l'année 1975 ;
2°) accorde à M. Z... la décharge des impositions contestées ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne une "indemnité de loyer" de 130 000 F :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière de bénéfices industriels et commerciaux : "1 ... le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2 - Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés" ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : "1 - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1°) Les frais généraux de toute nature, ... le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire ..." ;
Considérant que, d'une part, dans l'hypothèse où les bénéfices imposables d'un exercice ont été déterminés en application des dispositions précitées de l'article 38 et où leur montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition ouvert à l'administration par l'article 1966 du code général des impôts, applicable en l'espèce, la valeur de l'actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice, telle qu'elle a été retenue pour l'assiette de l'impôt, doit elle-même être regardée comme définitive et, par suite, si ce bilan comporte des erreurs qui ont entraîné une sous-estimaion ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise, ces erreurs ne peuvent plus être réparées dans ce bilan ; que, d'autre part, la valeur de l'actif net à l'ouverture d'un exercice n'est autre que la valeur de l'actif net à la clôture de l'exercice précédent, de sorte que, si l'entreprise entend établir un bilan d'ouverture qui diffère du bilan de clôture de l'exercice précédent, elle ne peut le faire que par des opérations ou écritures qui doivent être réputées faites au titre du nouvel exercice ; qu'ainsi, dans l'hypothèse susmentionnée et durant toute la période qui suit la clôture du dernier exercice prescrit, les erreurs qui entachent un bilan et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification de comptabilité, être corrigées dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a estimé que l' "indemnité de loyer" de 130 000 F que M. Y..., père de Mme Z... et précédent exploitant de l'entreprise individuelle de négoce en meubles exploitée par cette dernière avec son mari depuis 1971, avait versée au propriétaire à l'occasion de la conclusion, en 1965, du bail commercial portant sur le local sis ..., siège de ladite entreprise, avait été le prix d'acquisition d'un élément incorporel de propriété commerciale ; qu'elle a, en conséquence, rétabli cet élément à l'actif du bilan de l'exercice clos le 31 janvier 1975 pour sa valeur d'origine, soit 130 000 F, et a réintégré cette somme dans les résultats de l'exercice ;
Considérant, en premier lieu, que les époux Z... ne sauraient utilement soutenir que l' "indemnité de loyer" ci-dessus aurait eu le caractère d'un supplément de loyer déductible et non celui d'une dépense ayant pour contrepartie un accroissement de l'actif alors que tant M. Y... jusqu'en 1971, date à laquelle ce dernier a cédé le fonds à sa fille, que Mme Z... depuis cette date ont inscrit la somme de 130 000 F à un compte d'immobilisation sur lequel ils ont pratiqué un amortissement en neuf ans qui laissait une valeur résiduelle au bilan d'ouverture de l'exercice 1975 et qu'ils ne se prévalent pas, sur ces points, d'une erreur comptable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à sa nature, l'immobilisation incorporelle constituée par l' "indemnité de loyer" ne pouvait, ainsi que les requérants ne le contestent d'ailleurs pas, donner lieu à un amortissement ; que, par suite, l'administration était en droit , sans que la prescription y mît obstacle, de rétablir ladite immobilisation pour sa valeur d'origine, telle qu'elle ressortait des écritures tracées par le contribuable pendant des exercices prescrits, soit 130 000 F, parmi les valeurs figurant à l'actif du bilan ;

Considérant, en troisième lieu, que le rétablissement, à l'initiative de l'administration, de l'immobilisation dont s'agit pour sa valeur d'origine de 130 000 F, ayant pour effet de réparer une sous-estimation de l'actif net dans les bilans de clôture des exercices vérifiés, le supplément d'actif devant en résulter ne pouvait être imposé qu'au titre de l'exercice clos le 31 janvier 1975, premier exercice non couvert par la prescription ; que, dès lors, en établissant sur cette base ledit supplément d'imposition au titre de l'année 1975, l'administration fiscale n'a pas fait une inexacte application des règles relatives à la prescription, contrairement à ce que soutiennent les requérants qui ne sont pas fondés à demander la correction symétrique du bilan d'ouverture de ce premier exercice non prescrit ;
Considérant, enfin, que, si les époux Z... invoquent, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, une réponse du ministre des finances au président de la fédération nationale du bâtiment, en date du 30 novembre 1982, cette réponse est postérieure au 29 février 1980, date de la mise en recouvrement des impositions litigieuses, et, par suite, est, en tout état de cause, sans portée en l'espèce ;
En ce qui concerne une quote-part de loyer de 5 000 F :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'appartement, sis ..., bien que situé à la même adresse que le magasin de Mme Z..., ne constituait pas une dépendance du local commercial et était loué à usage d'habitation par un propriétaire d'ailleurs distinct de celui du local commercial ; qu'en se bornant à soutenir qu'ils n'habitaient pas cet appartement et que celui-ci était utilisé "pour entreposer des meubles", les requérants ne justifient pas de l'exactitude, dans son principe, de l'écriture qu'a tracée Mme Z... en passant en charge de son entreprise une quote-part, s'élevant à 5 000 F, du loyer de cet appartement ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le vérificateur a rapporté cette somme aux résultats imposables ;
En ce qui concerne un dédit de 20 000 F :

Considérant que les requérants ont passé en charge de l'entreprise, au titre de l'exercice clos le 31 janvier 1975, un dédit de 20 000 F versé à M. X..., propriétaire d'installations immobilières à Brest, en raison de la résiliation d'une option prise sur ces installations et dont celui-ci leur avait donné quittance le 17 avril 1974 ; qu'ils font valoir, en assortissant leurs affirmations d'éléments de justification concordants, que l'option ci-dessus avait été prise par eux en vue de développer leur commerce et qu'ils avaient été amenés à renoncer à leur projet en raison du coût de l'opération envisagée ; qu'ils justifient ainsi dans son principe de l'écriture passée par eux, bien que, à la suite d'une erreur, la quittance susmentionnée n'a pas été libellée au nom de leur entreprise individuelle mais d'une société qu'ils envisageaient de créer ; qu'il suit de là que la somme de 20 000 F ci-dessus était déductible pour le calcul des bénéfices de l'exercice clos en 1975 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux Z... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande que dans la mesure où l'imposition découle de la prise en compte de la somme de 20 000 F ci-dessus ;
Article 1er : Pour l'assiette de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle, au titre de l'année 1975, le bénéfice imposable des époux Z... sera réduit de 20 000 F.
Article 2 : Il est accordé à M. Z... la décharge de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1975 et le montant qui résulte de ce qui est dit à l'article 1er ci-dessus, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des époux Z... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Z... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 57390
Date de la décision : 28/12/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80 A
CGI 38, 39, 1966, 1649 quinquies E


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 1988, n° 57390
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Teissier du Cros
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:57390.19881228
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