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28/12/1988 | FRANCE | N°65917

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 28 décembre 1988, 65917


Vu le recours et le mémoire du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistrés le 7 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 4 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a accordé à l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" la décharge des droits et pénalités en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette association au titre de la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1977, ainsi que la restitution des cot

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Vu le recours et le mémoire du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistrés le 7 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 4 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a accordé à l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" la décharge des droits et pénalités en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette association au titre de la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1977, ainsi que la restitution des cotisations qu'elle a acquittées en matière de taxe sur la valeur ajoutée à raison des affaires réalisées durant la période du 1er mars 1978 au 30 septembre 1980 ;
2° remette à la charge de cette association une somme de 669 217 F au titre des droits, majorée de 178 495 F de pénalités ;
3° ordonne le reversement de la somme de 3 391 041,59 F ainsi que des intérêts moratoires s'élevant à 1 287 700,95 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" a été fondée, en 1974, en vue d'améliorer les conditions de vie, morale et matérielle, des "fiancés, époux, pères et mères de famille, notamment par la création et la gestion de services privés d'intérêt familial" ; qu'à cette fin, l'association, dans un immeuble sis à Puyricard (Bouches-du-Rhône), donné à bail depuis 1974 par "l'institution des maternités catholiques", constituée sous la forme d'un syndicat professionnel, exploite une clinique comprenant, notamment, un service de périnatalité spécialisé dans la surveillance des grossesses à haut risque ; que le ministre de l'économie, des finances et du budget fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille, estimant que les opérations effectuées par l'association étaient exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions du 7 de l'article 261 du code général des impôts, a accueilli les conclusions de l'association tendant, d'une part, à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1977 et, d'autre part, à la restitution de la taxe, d'un montant de 3 391 041,59 F, qu'elle avait acquittée au titre de la période du 1er mars 1978 au 30 septembre 1980 ;
Sur l'application des exonérations prévues par le 7 de l'article 261 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1976, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : " ... 7-1° ... b) : les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ... -d) Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : - L'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. - L'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. - L'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit. - Les membres de l'organisme et leurs ayants-droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports" ; qu'aux termes du 2° du 7 du même article, sont également exonérées : "Les affaires effectuées par les institutions ou les établissements fondés par des associations sous le régime de la loi de 1901 ... en ce qui concerne exclusivement leurs établissements hospitaliers et les services assurés par leurs établissements de soins et de diagnostic n'assurant pas l'hébergement ... dès l'instant que ces institutions ou établissements se bornent à une exploitation ou à des opérations de caractère non lucratif et sous la condition que les prix pratiqués aient été homologués par l'autorité publique ..." ; que, sous l'un et l'autre des régimes découlant des textes précités, ainsi que des dispositions, en vigueur avant le 1er janvier 1976, du 1° b) du 7 de l'article 261, l'une des conditions des exonérations prévues a trait au caractère non lucratif de la gestion de l'établissement concerné ;

Considérant, en premier lieu, que, s'il est constant que la clinique "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" concourt à l'équipement sanitaire de la région et apporte, notamment, une contribution utile à la mise en oeuvre de la politique périnatale menée par les autorités publiques, il ne résulte pas de l'instruction que son développement, qui a porté uniquement sur les services de maternité et de chirurgie, se soit effectué dans les secteurs de la santé qui seraient moins bien couverts par les autres établissements sanitaires du département des Bouches-du-Rhône ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si l'association employait pour partie, dans son personnel médical et paramédical, des membres d'une communauté religieuse féminine qui ne percevaient que des émoluments inférieurs à la rémunération normale de leur emploi, il ne ressort pas de l'instruction que, même en tenant compte du mode de calcul différent des éléments des tarifs applicables, les mêmes actes et les mêmes prestations y étaient effectués à des prix inférieurs à ceux des cliniques à caractère lucratif ; que, si l'association soutient, en particulier, que les tarifs qu'elle pratique, d'ailleurs homologués par les autorités compétentes, seraient plus favorables que ceux d'un hôpital privé sis à Marseille et ayant des activités semblables, elle n'apporte pas la preuve de la modicité des tarifs qu'elle consent en se bornant à soutenir que les éléments de comparaison rendent celle-ci impossible ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, bien que l'association ait passé avec les organismes compétents des conventions en vue de donner, dans la limite des places disponibles, des soins aux bénéficiaires de l'aide sociale, elle n'a accueilli, en fait, en application de ces conventions, au cours des années d'imposition, qu'un nombre très minime de malades appartenant à cette catégorie ;
Considérant, enfin, que, notamment par l'importance du loyer versé par l'association à l'"Institution des maternités catholiques", soit 1 400 000 F en 1974, cette association doit être regardée comme ayant participé à l'activité lucrative de ladite "Institution des maternités catholiques" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conditions d'exploitation par l'ASSOCIATION "L'ETOILE MATERNITE CATHOLIQUE DE PROVENCE" de la clinique dont s'agit ne présentent pas le caractère non lucratif exigé par les dispositions précitées du code général des impôts ; que l'association ne peut donc bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par ses dispositions ;
Sur l'application de l'exonération prévue par les dispositions 4-1° de l'article 261 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : "ont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : ... -4 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales" ... ; que si, dans sa défense au pourvoi, l'association soutient que les droits litigieux, s'agissant des prestations postérieures au 1er janvier 1979, méconnaissent les dispositions précitées, elle ne fournit pas de précisions sur les recettes qu'elle aurait perçues et qui correspondraient à des soins ainsi définis ; que, par suite, et en tout état de cause, ses prétentions ne peuvent être accueillies ;
Considérant, il est vrai, que l'association requérante se prévaut des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle s'est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. - Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuive aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;
Considérant, d'une part, que la note administrative du 25 mars 1981, comme l'instruction du 14 décembre 1981 et la lettre du chef du service de la législation fiscale au délégué général de l'Union hospitalière privée du 14 janvier 1985, invoquées par la requérante, sont postérieures à l'expiration de la période au titre de laquelle les droits contestés ont été acquittés ; que, par suite, et en tout état de cause, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir, pour justifier sa demande, de l'interprétation de la loi fiscale que ces documents contiendraient ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que l'association a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée dont elle a demandé la restitution sans faire application de l'interprétation de la loi fiscale qui serait contenue, selon elle, dans la réponse du ministre des finances, du 18 novembre 1979, à la question écrite de M. X..., député ; que, par suite, et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à soutenir que ladite interprétation justifiait sa demande de restitution ; ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre appelant est fondé à demander, d'une part, que les droits et pénalités auxquels l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1977 soient remis intégralement à sa charge, d'autre part, à ce qu'elle soit condamnée à reverser les taxes d'un montant de 3 391 041,59 F qu'elle avait acquitté au titre de la période du 1er mars 1978 au 30 septembre 1980 et dont le tribunal administratif de Marseille a ordonné à tort la restitution, ainsi que les intérêts moratoires, s'élevant à la somme, non contestée, de 1 287 700,95 F dont ce remboursement a été assorti ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 1984 est annulé.
Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 669 217 F et les pénalités d'un montant de 178 495 F, auxquelles l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1977, sont remises intégralement à sa charge.
Article 3 : L'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence" reversera la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 3 391 041,59 F qu'elle avait acquittée au titre de la période du 1er mars 1978 au 30 septembre 1980 et dont le tribunal administratif de Nice avait ordonné la restitution, ainsi que les intérêts moratoires, s'élevant à 1 287 700,95 F, dont ce remboursement a été assorti.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget et à l'association "l'Etoile Maternité Catholique de Provence".


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 65917
Date de la décision : 28/12/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80 A
CGI 261, 1649 quinquies E


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 1988, n° 65917
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bechtel
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:65917.19881228
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