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01/02/1989 | FRANCE | N°64575;67007

France | France, Conseil d'État, 10/ 3 ssr, 01 février 1989, 64575 et 67007


Vu 1°), sous le n° 64 575, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 1984 et 13 avril 1985, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Christian Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision en date du 31 décembre 1981 par laquelle l'inspecteur du travail de l'Indre a refusé le licenciement du requérant, délégué du personnel et membre du comité d'établissement des Fonderies Montupet ains

i que la décision confirmative du ministre du travail du 11 mai 1982 ;
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Vu 1°), sous le n° 64 575, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 1984 et 13 avril 1985, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Christian Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision en date du 31 décembre 1981 par laquelle l'inspecteur du travail de l'Indre a refusé le licenciement du requérant, délégué du personnel et membre du comité d'établissement des Fonderies Montupet ainsi que la décision confirmative du ministre du travail du 11 mai 1982 ;
2°) rejette la demande présentée par la société des Fonderies Montupet au tribunal administratif de Limoges ;
Vu, 2°) sous le n° 67 007, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 et 27 mars 1985, présentés par M. Y... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 février 1985 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision en date du 23 novembre 1984 par laquelle l'inspecteur du travail de l'Indre a refusé à nouveau l'autorisation de licencier M. Y... ;
2°) prononce le sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gerville-Réache, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé avocat des Fonderies Montupet,
- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. Y... sont relatives au licenciement d'un même salarié ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la requête n° 64 575 :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail que le licenciement d'un délégué du personnel ou celui d'un membre du comité d'entreprise ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; qu'un tel licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, compte tenu notamment des exigences propres à l'exécution du mandat dont l'intéressé est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... a pris une part personnelle, le 27 novembre 1981, en fin de matinée, aux agissements d'un groupe de salariés de la société "Les Fonderies de Montupet" qui ont eu pour effet de retenir dans la salle de conférences de l'usine de la Martinerie à Châteauroux M. Z..., président-directeur général de cette société, M. X..., directeur de l'usine, ainsi que plusieurs cadres de l'entreprise ; que, s'il a laissé sortir ces derniers vers 13 heures, il a en revanche contribué à maintenir la situation en l'état, en ce qui concerne la séquestration de MM. Z... et X..., jusqu'à ce que ceux-ci acceptent une négociation ; qu'il n'a favorisé la libération de ces deux personnes qu'à 23 heures, après qu'une ordonnance du président du tribunal de Grande Instance de Châteauroux statuant en référé l'eut condamné à ce faire sous astreinte avec, en cas de besoin, l'autorisation de recourir à la force publique ; que, dans ces conditions, M. Y... ne saurait être regardé comme ayant joué un rôle modérateur dans les incidents survenus à l'usine de la Martinerie ; que la faute ainsi commise par lui a excédé l'exercice normal des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'établissement dont était investi M. Y... et qu'elle est d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ; que la circonstance que de nombreuses autres personnes ont participé aux incidents susrelatés ne saurait, par elle-même, atténuer la faute imputable au requérant ; qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée, en date du 31 décembre 1981, que, pour refuser son autorisation, l'inspecteur du travail ne s'est pas fondé sur des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 23 octobre 1984, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Limoges a annulé le refus d'autorisation de licenciement opposé le 31 décembre 1981 par l'inspecteur du travail ;
Sur la requête n° 67007 :
Considérant, d'une part, qu'en refusant à nouveau d'autoriser le licenciement de M. Y... par une seconde décision du 23 novembre 1984 au motif qu'aucun élément nouveau d'appréciation n'avait été porté à sa connaisance quant aux incidents survenus le 27 novembre 1981, l'inspecteur du travail a méconnu la chose jugée par le tribunal administratif dans son premier jugement du 23 octobre 1984 et confirmée par la présente décision ;
Considérant, d'autre part, qu'en motivant également sa décision par "l'intérêt général, tant pour préserver la paix sociale dans l'entreprise que pour le bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel", l'inspecteur du travail s'est livré à une appréciation de l'opportunité qui, compte tenu des faits de l'espèce, porte une atteinte excessive à l'intérêt de l'employeur de procéder au licenciement de M. Y... compte tenu des circonstances susrelatées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son second jugement en date du 19 février 1985, le tribunal administratif de Limoges a annulé également la seconde décision de refus de l'inspecteur du travail en date du 23 novembre 1984 ;
Article 1er : Les requêtes de M. Y... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Christian Y..., à la société anonyme des Fonderies de Montupet et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 10/ 3 ssr
Numéro d'arrêt : 64575;67007
Date de la décision : 01/02/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE -Faits liés à l'exercice du droit de grève - Salarié protégé ayant pris une part personnelle à la séquestration de dirigeants d'une entreprise.

66-07-01-04-02-01 Salarié protégé ayant pris une part personnelle aux agissements d'un groupe de salariés de la société "Les Fonderies Montupet" qui ont eu pour effet de retenir dans la salle de conférences d'une usine le président-directeur-général de la société, le directeur de l'usine et plusieurs cadres de l'entreprise. S'il a laissé sortir ces derniers vers 13 heures, il a en revanche contribué à maintenir la situation en l'état, en ce qui concerne la séquestration des deux principaux dirigeants jusqu'à ce que ceux-ci acceptent une négociation. Il n'a favorisé la libération de ces deux personnes qu'à 23 heures, après qu'une ordonnance du président du tribunal de grande instance statuant en référé l'eut condamné à ce faire sous astreinte avec, en cas de besoin, l'autorisation de recourir à la force publique. Dans ces conditions, le salarié protégé ne saurait être regardé comme ayant joué un rôle modérateur dans les incidents survenus dans cette usine. La faute ainsi commise par lui a excédé l'exercice normal des mandats dont il était investi et est d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.


Références :

Code du travail L425-1, L436-1
Décision du 31 décembre 1981 1984-11-23 Inspecteur du travail Indre décision attaquée annulation


Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 1989, n° 64575;67007
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Gerville-Réache
Rapporteur public ?: Mme Leroy
Avocat(s) : Me Delvolvé Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:64575.19890201
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