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01/02/1989 | FRANCE | N°68348;68625

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 01 février 1989, 68348 et 68625


Vu 1°, sous le n° 68 348, la requête enregistrée le 3 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Jacques Y..., demeurant B.P. 9, Le Bugue (24260), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 mars 1985 en tant que par ce jugement le tribunal a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti dans les rôles de la commune du Bugue au titre des années 1977 et 1978 tout en ordonnant une expertise sur le mo

ntant des impositions,
2° lui accorde la décharge des impositions e...

Vu 1°, sous le n° 68 348, la requête enregistrée le 3 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Jacques Y..., demeurant B.P. 9, Le Bugue (24260), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 mars 1985 en tant que par ce jugement le tribunal a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti dans les rôles de la commune du Bugue au titre des années 1977 et 1978 tout en ordonnant une expertise sur le montant des impositions,
2° lui accorde la décharge des impositions et pénalités contestées,
Vu 2°, sous le n° 68 625, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 mai et 16 septembre 1985, présentés pour M. Jean-Jacques Y..., vétérinaire, demeurant à Moulin Haut, Journiac, Le Bugue (Dordogne) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule les articles 3 à 9 du jugement en date du 14 mars 1985 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti dans les rôles de la commune du Bugue au titre des années 1977 et 1978, tout en ordonnant une expertise sur le montant des impositions ;
2° lui accorde la décharge ou, subsidiairement, la réduction des impositions et pénalités contestées,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Renauld, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Célice, avocat de M. Jean-Jacques Y...,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de M. Y..., enregistrées sous les nos 68 348 et 68 625, sont dirigées contre le même jugement et ont trait aux mêmes impositions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que MM. X... et Y..., vétérinaires, ont constitué, le 1er janvier 1977, une société de fait pour l'exercice de leurs activités professionnelles ; que cette société a pris fin, d'un commun accord entre les associés, le 15 octobre 1978 ; que MM. X... et Y... ont ensuite repris, à titre individuel, l'exercice de leur profession ; qu'à l'issue de vérifications ayant successivement porté, en 1980, sur la comptabilité de la société de fait pour la période du 1er janvier 1977 au 15 octobre 1978 puis, en 1981, sur celle de M. Y... pour la période du 16 octobre 1978 au 31 décembre 1979, des suppléments à l'impôt sur le revenu ont été assignés à M. Y... au titre des années 1977, 1978 et 1979 ; que, par le jugement du 14 mars 985, dont M. Y... fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a, tout d'abord, déchargé l'intéressé des suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre de l'année 1979 ; que le tribunal a ensuite, en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 1977 et 1978, jugé que la fraction revenant à M. Y... des bénéfices imposables réalisés sur la société de fait avait été à bon droit rangée par l'administration fiscale dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non dans celle des bénéfices non commerciaux, que la procédure d'imposition avait été régulière et, avant de statuer sur le bien-fondé des impositions, ordonné une expertise afin de permettre à M. Y... d'apporter la preuve de l'exagération des bases retenues ; que les requêtes de M. Y... tendent à l'annulation du jugement ainsi rendu en tant qu'il a prescrit une mesure d'instruction au lieu de prononcer immédiatement la décharge des impositions établies au titre des années 1977 et 1978 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R.109 du code des tribunaux administratifs : "Les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance sans déplacement au bureau central du greffe des pièces de l'affaire. Toutefois, le président du tribunal peut autoriser le déplacement des pièces ... sur la demande des parties ..." ;
Considérant que la liste des collaborateurs de la société de fait Barre-Bracelet qui était jointe au mémoire du directeur des services fiscaux enregistré au greffe du tribunal le 4 octobre 1984 constituait une pièce dont le tribunal pouvait donner connaissance à M. Y... dans les conditions prévues par les dispositions précitées ; qu'il est constant que M. Y... a été informé du dépôt de cette pièce par la communication qui lui a été donnée du mémoire du directeur des services fiscaux, lequel en faisait expressément mention ; que l'intéressé, qui a d'ailleurs répondu à ce mémoire, a été ainsi mis en mesure de prendre connaissance de la pièce qui y était annexée ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, a été rendu selon une procédure irrégulière, faute par le tribunal de lui avoir communiqué la pièce dont il s'agit ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que, si les documents comptables tenus tant par la société de fait Barre-Bracelet que par M. Y... personnellement ont été saisis en 1979, lors d'une perquisition opérée par la police judiciaire, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale en ait pris connaissance avant les dates des 28 avril 1980 et 5 août 1981, respectivement mentionnées dans les avis adressés le 16 avril 1980 à la société de fait et le 30 juillet 1981 à M. Y..., en application des dispositions de l'article 1649 septies du code général des impôts, comme étant celle du début de la vérification de la comptabilité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la vérification aurait commencé avant que le contribuable ait pu se faire assister par un conseil de son choix ne peut être retenu ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 60 du code général des impôts : " ... la procédure de vérification des déclarations" des sociétés de personnes, au nombre desquelles figurent les sociétés de fait, "est suivie directement entre l'administration et lesdites sociétés" ; que c'est par une exacte application de ces dispositions que l'avis de vérification du 16 avril 1980 n'a été adressé qu'à la société de fait Barre-Bracelet ; que, dès lors, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que, du fait que l'avis de vérification ne lui a pas été personnellement adressé, la procédure de vérification de la société de fait a été irrégulière ;
Considérant, enfin, que, si M. Y... soutient que la saisie judiciaire de documents comptables de la société de fait l'a empêché de faire valoir ses observations au cours de la vérification de cette société, il est constant qu'il a participé au moins deux fois, sur convocation de l'inspecteur, à des réunions avec celui-ci au greffe du tribunal de Grande Instance de Périgueux, auprès duquel les pièces saisies avaient été déposées, et que les pièces en question ont pu, au cours de ces réunions, faire l'objet d'un examen contradictoire ; qu'ainsi, le moyen susanalysé manque en fait ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'inclusion, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de la part revenant à M. Y... des bénéfices réalisés par la société de fait Barre-Bracelet du 1er janvier 1977 au 15 octobre 1978 :

Considérant, d'une part, que l'administration n'établit pas que, comme elle le soutient, les ventes de produits vétérinaires effectués par la société de fait Barre-Bracelet au cours de la période ci-dessus indiquée n'auraient pas donné lieu à l'établissement d'ordonnances régulièrement signées par l'un ou l'autre des deux vétérinaires associés ;
Considérant, d'autre part, que si, pour assurer, pendant la même période, la surveillance et la prophylaxie d'élevages industriels dans plusieurs départements, la société a fait appel à des techniciens salariés par elle ou, le plus souvent, recrutés parmi des éleveurs ou des employés de fabricants d'aliments pour le bétail, il ne ressort pas des éléments d'appréciation fournis par l'administration que, comme le soutient celle-ci, les deux vétérinaires associés auraient constitué un "réseau de commercialisation" de médicaments vétérinaires comportant stockage et vente de produits en dehors de leur contrôle avec démarchage et publicité commerciale auprès de la clientèle et ainsi exercé leur art dans des conditions de nature à faire perdre à leur activité le caractère d'une profession dont celui qui l'exerce met en euvre personnellement des connaissances intellectuelles ; qu'il suit de là que l'administration n'était pas en droit, en l'espèce, de dénier aux ventes de médicaments vétérinaires effectuées par la société de fait Barre-Bracelet le caractère d'opérations accessoires nécessairement liées à l'exercice de la profession libérale de M. Y... et de son associé ; que, dès lors, M. Y... fait, valoir à bon droit que la fraction lui revenant des bénéfices imposables réalisés par la société de fait au cours de la période ci-dessus mentionnée ne devait pas être imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et est fondé à soutenir, pour ce motif, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, assortis de pénalités, auxquels il a été assujetti, de ce chef, au titre des années 1977 et 1978 ;
En ce qui concerne l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, des bénéfices tirés par M. Y... de l'exercice individuel de sa profession au cours de la période du 16 octobre au 31 décembre 1978 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... n'a pas produit, en ce qui concerne les bénéfices perçus au titre de cette période, la déclaration prévue par les dispositions des articles 97 ou 101 au code général des impôts ; que, dès lors, l'administration était en droit, par application des dispositions de l'article 104 du même code, d'évaluer d'office les bénéfices non commerciaux de M. Y... ; qu'il s'ensuit que ce dernier ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a ordonné une expertise aux fins de recueillir l'avis d'un homme de l'art sur les documents qu'il produit pour apporter cette preuve ;
Sur les pénalités dont les droits restant en litige ont été assortis :
Considérant que M. Y... n'est pas recevable à contester directement devant le Conseil d'Etat les pénalités dont les droits qui demeurent en litige, après le prononcé de la présente décision, ont été assortis, dès lors que le tribunal administratif a réservé cette question pour y être statué en fin d'instance ;
Article 1er : M. Y... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1977 et 1978, par suite de l'inclusion dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux de la part lui revenant des bénéfices imposables de la société de fait Barre-Bracelet, ainsi que des pénalités dont ces droits ont été majorés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation évocation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - PERSONNES ET ACTIVITES IMPOSABLES - ENUMERATION DES PERSONNES ET ACTIVITES - Vétérinaire exerçant son art dans des conditions de nature à donner à son activité un caractère industriel et commercial (non en l'espèce).

19-04-02-01-01-01, 19-04-02-05-01 Le contribuable, vétérinaire, a constitué avec un confrère une société de fait pour l'exercice de son activité professionnelle. D'une part, l'administration n'établit pas que, comme elle le soutient, les ventes de produits vétérinaires effectuées par la société de fait n'auraient pas donné lieu à l'établissement d'ordonnances régulièrement signées par l'un ou l'autre des deux vétérinaires. D'autre part, si, pour assurer, pendant la même période, la surveillance et la prophylaxie d'élevages industriels dans plusieurs départements, la société a fait appel à des techniciens salariés par elle ou, le plus souvent, recrutés parmi des éleveurs ou des employés de fabricants d'aliments pour le bétail, il ne ressort pas des éléments d'appréciation fournis par l'administration, que, comme le soutient celle-ci, les deux vétérinaires associés auraient constitué un "réseau de commercialisation" de médicaments vétérinaires comportant stockage et vente de produits en dehors de leur contrôle avec démarchage et publicité commerciale auprès de la clientèle et ainsi exercé leur art dans des conditions de nature à faire perdre à leur activité le caractère d'une profession dont celui qui l'exerce met en oeuvre personnellement des connaissances intellectuelles. Il suit de là que l'administration n'était pas en droit, en l'espèce, de dénier aux ventes de médicaments vétérinaires effectuées par la société de fait le caractère d'opérations accessoires nécessairement liées à l'exercice de la profession libérale du contribuable et de son associé. Dès lors, le contribuable fait valoir à bon droit que la fraction lui revenant des bénéfices imposables réalisés par la société de fait au cours de la période litigieuse ne devait pas être imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - PERSONNES - PROFITS - ACTIVITES IMPOSABLES - Distinction avec les bénéfices industriels et commerciaux - Vétérinaire exerçant son art dans des conditions de nature à donner à son activité un caractère industriel et commercial - Absence en l'espèce.


Références :

. Code des tribunaux administratifs R109
CGI 1649 septies, 60, 97, 101


Publications
Proposition de citation: CE, 01 fév. 1989, n° 68348;68625
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Renault
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 01/02/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 68348;68625
Numéro NOR : CETATEXT000007626466 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-02-01;68348 ?
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