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03/02/1989 | FRANCE | N°63463

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 03 février 1989, 63463


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 octobre 1984 et 15 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 août 1984 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à voir déclarer le département de l'Eure responsable des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 30 janvier 1976 en traversant la passerelle érigée sur la rivière Iton à Evreux ;
2°) déclare le

département de l'Eure responsable des conséquences dommageables dudit accide...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 octobre 1984 et 15 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 août 1984 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à voir déclarer le département de l'Eure responsable des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 30 janvier 1976 en traversant la passerelle érigée sur la rivière Iton à Evreux ;
2°) déclare le département de l'Eure responsable des conséquences dommageables dudit accident et le condamne à verser une indemnité provisionnelle de 60 000 F ;
3°) désigne un expert aux fins de décrire et d'évaluer le montant du préjudice subi par lui ;
4°) et à titre subsidiaire condamne le département de l'Eure à lui verser l'indemnité de 500 000 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts en réparation dudit préjudice,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-935 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. X... et de Me Odent, avocat du département de l'Eure,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... a été victime d'une fracture du col du fémur le 30 janvier 1976 vers 18 heures alors qu'il empruntait la rampe d'accès en forte déclivité d'une passerelle métallique située entre le palais de justice d' Evreux et le tribunal de commerce de cette même ville ; qu'à la suite de cet accident il a dû subir plusieurs opérations chirurgicales et reste atteint de diverses séquelles ;
Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont a été victime M. X... a eu pour cause la forte déclivité de la rampe d'accès de la passerelle permettant de franchir la rivière Iton ; que cette rampe, si elle est très légèrement striée n'est pas recouverte d'un revêtement suffisamment rugueux pour éviter, notamment par temps humide ou précipitations de neige, les risques de chute, lesquels ne faisaient l'objet d'aucune signalisation ; que cette forte déclivité doit dès lors être regardée comme un vice de conception de l'ouvrage public de nature à engager la responsabilité du département de l'Eure, propriétaire de l'ouvrage ;
Considérant, toutefois, que M. X... était amené à emprunter très fréquemment la passerelle sur laquelle il a glissé ; que dès lors il ne pouvait ignorer les risques qu'il encourait en s'engageant sur celle-ci, alors qu'il commençait à neiger, au lieu d'emprunter un autre itinéraire pour se rendre au greffe du tribunal de commerce vers lequel il se dirigeait ; que la faute d'imprudence qu'il a ainsi commise est de nature à atténuer la responsabilité du département de l'Eure ; qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en laissant les deux tiers des conséquences dommageables de l'accident à la charge de M. X... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté toute responsabilité du département de l'Eure et à demander que le département de l'Eure soit condamné à réparer le tiers des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime ;
Sur l'indemnisation du préjudice :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de l'Eure :
Considérant que dans son mémoire introductif d'instance présenté devant le tribunal administratif de Rouen, M. X... a conclu en ce qui concerne son préjudice à l'attribution d'une indemnité provisionnelle de 50 000 F en se réservant de chiffrer définitivement le montant de ce préjudice au vu des conclusions de l'expertise qu'il demandait au tribunal administratif d'ordonner ; que le tribunal administratif, qui a jugé que la responsabilité de la puissance publique n'était pas engagée, a statué sans ordonner d'expertise et sans avoir au préalable invité M. X... à chiffrer le montant de ses prétentions ; que, M. X... n'ayant ainsi pas été mis à même de chiffrer ses prétentions, le département de l'Eure n'est pas fondé à soutenir qu'il ne serait pas recevable à demander devant le Conseil d'Etat l'allocation d'une somme supérieure à la somme de 50 000 F qu'il avait demandée en première instance à titre de provision ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par M. X... du fait de l'accident dont il a été victime ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur la demande d'indemnité, d'ordonner une expertise en vue de décrire et d'évaluer les préjudices corporels et les troubles de toute nature subis par M. X... ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu d'octroyer à M. X... la provision sollicitée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 10 août 1984 est annulé.
Article 2 : Le département de l'Eure est déclaré responsable du tiers des conséquences dommageables de l'accident dont M. X... a été victime le 30 janvier 1976.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. X..., procédé par un expert désigné par le Président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de décrire et d'évaluer les préjudices corporels et les troubles de toute nature subis par M. X... du fait de son accident.
Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit devant le secrétaire du Contentieux du Conseil d'Etat ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du Contentieux dans le délai de 3 mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au département de l'Eure, à la caisse mutuelle provinciale des professions libérales et au ministre de l'intérieur.


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