Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 septembre 1984 et 28 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Andréa X..., demeurant Prat des Mas à Canohes (66680), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 11 juillet 1984 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Montpellier a limité à 43 200 F le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice causé par le retard avec lequel a été prononcée son intégration dans un poste d'institutrice titulaire dans le département des Pyrénées-Orientales ;
2° condamne l'Etat à lui verser une somme de 361 111,48 F avec les intérêts de droit à compter du 24 novembre 1980 et la capitalisation des intérêts,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi du 30 décembre 1921 et le décret du 25 novembre 1923 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à réparer les pertes de revenus subies par Mme X... qui a demandé dès la rentrée de l'année scolaire 1976-1977 son intégration dans un poste d'institutrice titulaire du département des Pyrénées-Orientales et n'a obtenu satisfaction qu'à la rentrée scolaire 1982-1983, du fait des illégalités dont étaient entachées les décisions prises par l'administration pour l'application de la loi du 30 décembre 1921 ; que Mme X... conteste l'évaluation de ses pertes de revenus par le tribunal administratif ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, la demande de mise en disponibilité présentée par Mme X..., en poste dans la région parisienne, pour suivre son conjoint affecté dans le département des Pyrénées-Orientales, n'a pas eu pour effet de lui faire perdre ou de réduire son droit à indemnité ; qu'ainsi, la requérante est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle a droit à une indemnité correspondant à la rémunération qu'elle aurait perçue comme institutrice titulaire dans le département des Pyrénées-Orientales depuis la date de la rentrée scolaire à compter de laquelle elle aurait dû y être intégrée, en l'absence d'illégalité entachant l'examen des demandes par l'administration, jusqu'à la rentrée scolaire de 1982, non comprises les indemnités afférentes à l'exercice effectif des fonctions d'institutrice, notamment l'indemnité de logement, et déduction faite des rémunérations qu'elle a pu percevoir pour des services de suppléance effectués dans les Pyrénées-Orientales ainsi que de toutes autres rémunérations éventuellement perçues par elle au cours de la période indemnisable ;
Considérant, en revanche, que Mme X... ne conteste pas que l'application du décret du 25 novembre 1923 pris pour l'application de la loi du 30 décembre 1921 conduisait à son intégration dans le département des Pyrénées-Orientales seulement à la rentrée de l'année scolaire 1978-1979 ; que, par suite, quelles qu'aient pu être les modalités du calcul effectuées à la rentrée scolaire 1976-1977 par l'administration, qui n'a d'ailleurs alors pas notifié de décision reconnaissant à Mme X... un droit à être intégrée à la rentrée scolaire 1976-1977, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à la période allant de la rentrée 1978 à la rentrée 1982 le préjudice indemnisable ;
Sur la liquidation de l'indemnité :
Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité due à Mme X... ; qu'il y a lieu de la renvoyer devant le ministre de l'éducation nationale pour y être procédé à la liquidation de ladite indemnité sur les bases fixées ci-dessus ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a présenté au ministre de l'éducation nationale une demande d'indemnité qui a été reçue par l'inspecteur d'académie de sa résidence le 25 novembre 1980 ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à lui verser les intérêts au taux légal afférents à l'indemnité à compter d'une date postérieure ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 septembre 1984 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêt ; que, dès lors, par application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme X... une indemnité égale à la rémunération qu'elle aurait perçue comme institutrice titulaire depuis la date de la rentrée scolaire 1978-1979 jusqu'à son intégration effective, non comprises les indemnités afférentes à l'exercice effectif des fonctions et déduction faite des rémunérations qu'elle a pu percevoir durant cette période. Le montant de cette indemnité portera intérêt au taux légal à compter du 25 novembre 1980. Les intérêts échus le 27 septembre 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts. Mme X... est renvoyée devant le ministre de l'éducation nationale pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité surles bases fixées par la présente décision.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Montpellier en date du 11 juillet 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesseet des sports.