La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/1989 | FRANCE | N°64365

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 22 février 1989, 64365


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 décembre 1984 et 8 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry Y..., demeurant 8, rue J.F. Chalgrin, Résidence Neptune à la Rochelle (17000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 octobre 1984, par lequel le tribunal administratif de Poitiers saisi par le conseil de prud'hommes de la Rochelle en application de l'article L.511-1 du code du travail, a déclaré que la décision de l'inspecteur du travail du 11 juin 1981 autorisant le licenc

iement pour motif économique de M. Y... était légale ;
2°) décla...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 décembre 1984 et 8 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry Y..., demeurant 8, rue J.F. Chalgrin, Résidence Neptune à la Rochelle (17000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 octobre 1984, par lequel le tribunal administratif de Poitiers saisi par le conseil de prud'hommes de la Rochelle en application de l'article L.511-1 du code du travail, a déclaré que la décision de l'inspecteur du travail du 11 juin 1981 autorisant le licenciement pour motif économique de M. Y... était légale ;
2°) déclare que cette décision est illégale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Y... et de Me Vuitton, avocat de la société des transports Verdier,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de l'auteur de la décision attaquée :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R.321-4 et R.321-6 du code du travail applicables à la date de la décision attaquée que les autorisations de licenciement pour motif économique sont délivrées par le directeur départemental du travail et de la main d' euvre ou, dans les branches échappant à sa compétence, par les fonctionnaires chargés du contrôle de l'emploi dans lesdites branches et que ces autorités peuvent pour l'exercice de cette attribution déléguer leur signature aux fonctionnaires placés sous leur contrôle ;
Considérant que la décision du 11 juin 1981 autorisant la société des transports Verdier à licencier M. Y... pour motif économique a été signée par le directeur adjoint du travail pour les transports dans la subdivision de Bordeaux, M. X..., par délégation du directeur du travail relevant du même ministère ; qu'ainsi M. Y... n'est pas fondé à soutenir que M. X... était incompétent pour prendre cette décision du seul fait qu'il n'avait pas la qualité de directeur du travail ; que si le requérant soutient, en outre, que M. X..., qui exerçait alors par intérim les fonctions d'inspecteur du travail dans le département de la Charente-Maritime, aurait assuré cet intérim dans des conditions irrégulières, cette affirmation n'est pas assortie des précisions suffisantes pour permettre au Conseil d'Etat d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article L.412-15 en vigueur à la date de la décision attaquée : "le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'apès avis conforme de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu" ; qu'aux termes de l'article L.420-22 de ce code applicable à la même date : "tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, envisagé par la direction, doit être obligatoirement soumis à l'assentiment du comité d'entreprise. En cas de désaccord, le licenciement ne peut intervenir que sur décision de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ..." ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que si en vertu du deuxième alinéa de l'article L.434-4 du code du travail applicable à la date de la décision attaquée, l'ordre du jour arrêté par le chef d'entreprise est communiqué aux membres du comité d'entreprise trois jours au moins avant la séance, il ressort des pièces du dossier que la méconnaissance, en l'espèce, de cette disposition n'a pas empêché le comité d'entreprise de la société des transports Verdier, qui s'est réuni le 26 mai 1981, de donner son avis sur le projet de licenciement pour motif économique de M. Y... en connaissance de cause et notamment en étant averti de la protection exceptionnelle dont bénéficiait l'intéressé du fait de ses mandats de délégué syndical et de représentant du personnel ; que si deux des six membres du comité d'entreprise ayant siégé le 26 mai 1981 ont ultérieurement critiqué les conditions dans lesquelles s'était déroulée la séance en alléguant que la consultation n'aurait été "ni loyale, ni authentique", et en contestant l'avis favorable mentionné au procès-verbal, cette affirmation n'est pas suffisante dans les circonstances de l'espèce pour établir que la consultation du comité d'entreprise aurait été irrégulière ; qu'en outre, le fait que le procès-verbal de la réunion du 26 mai 1981 ait été signé des seuls président et secrétaire du comité d'entreprise n'est pas de nature a entaché la consultation d'irrégularité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des difficultés financières dues à la fois à des grèves de marins-pêcheurs, à la concurrence dans l'activité des transports des produits de pêches et à l'accroissement de ses coûts de fonctionnement, la société des transports Verdier a décidé de supprimer la ligne "Bretagne-Pyrénées" ; qu'ainsi le licenciement de M. Y..., qui occupait un emploi de conducteur sur cette ligne, reposait sur un motif économique, alors même que la société, quelques mois plus tard, a embauché des ouvriers saisonniers pour faire face à un surcroit d'activités temporaires ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la taille et à la situation de l'entreprise, que le reclassement de M. Y... aurait été possible sans l'éviction d'un autre salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a déclaré que la décision du 11 juin 1981 par laquelle le directeur adjoint du travail pour les transports a autorisé la société des transports Verdier à le licencier pour motif économique était légale ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la société des transports Verdier et au ministre des transports et de lamer.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award