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22/02/1989 | FRANCE | N°66598;66648

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 22 février 1989, 66598 et 66648


Vu 1°) sous le n° 66 598, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars et 26 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société ALIMENTS PIETO, dont le siège est "Les Noès", Saint-Aaron, B.P. 121, Lamballe Cedex (22403), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Z..., la décision en date du 2 mai 1984 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a autorisé la sociét

é dont il s'agit à licencier M. Z...,
2°) rejette la demande présentée...

Vu 1°) sous le n° 66 598, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars et 26 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société ALIMENTS PIETO, dont le siège est "Les Noès", Saint-Aaron, B.P. 121, Lamballe Cedex (22403), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Z..., la décision en date du 2 mai 1984 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a autorisé la société dont il s'agit à licencier M. Z...,
2°) rejette la demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu 2°) le recours enregistré le 6 mars 1985 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 66 648 présenté par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. Z... sa décision en date du 2 mai 1984 autorisant la société ALIMENTS PIETO à licencier ce salarié,
2°) rejette la demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de la société ALIMENTS PIETO et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, avocat de M. Z...,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société ALIMENTS PIETO et le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.436-1 du code du travail, les membres du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, cmpte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les faits sur lesquels s'est fondé le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale pour annuler, le 2 mai 1984, la décision de l'inspecteur du travail de Saint-Brieuc du 17 novembre 1983 refusant à la société ALIMENTS PIETO l'autorisation de licencier M. Z..., consistent en l'utilisation, le 19 octobre 1983, pour se rendre à la chasse, d'une journée prise sur le temps nécessaire à l'exercice des fonctions de membre élu du comité d'entreprise qui étaient les siennes ; que ces faits ne sont pas contestés par M. Z... ; qu'ils présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement de ce salarié bien qu'il ne soit pas allégué qu'il aurait précédemment manqué à ses obligations ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'insuffisante gravité de la faute commise par M. Z... pour annuler la décision susmentionnée du 2 mai 1984 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Z... devant le tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que, par arrêté en date du 13 avril 1984, publié au Journal Officiel de la République française du 14 avril 1984, M. Pierre Y... a régulièrement, en application du décret du 23 janvier 1947 modifié autorisant les ministres à déléguer par arrêté leur signature, du décret du 1er avril 1983 relatif à ses attributions, et du décret du 13 avril 1984 nommant Mme Martine X... directeur des relations de travail, donné délégation permanente à cette dernière à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et en son nom, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le directeur des relations du travail ne pouvait signer l'autorisation litigieuse et celui tiré de ce que Mme Martine X... n'avait pas reçu délégation régulière pour signer ledit acte ne sauraient être accueillis ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.436-6 du code du travail : "Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours qu'a formé la société ALIMENTS PIETO contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 novembre 1983 a été reçu par le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale le 10 janvier 1984 ; que contrairement à ce que soutient M. Z..., aucune décision implicite n'était venue à la date du 2 mai 1984, qui est celle de la décision ministérielle, rejeter le recours de la société ; que le moyen tiré de ce que les dispositions ci-dessus rappelées auraient été violées doit, dès lors, être rejeté ;

Considérant que si l'article L.434-1 du code du travail dispose que le temps nécessaire à l'exercice des fonctions des membres titulaires du comité d'entreprise : " ... est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. En cas de contestation par l'employeur de l'usage fait du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente", ces dispositions n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de rendre inapplicables aux demandes d'autorisation de licenciement de travailleurs bénéficiant d'une protection exceptionnelle, qui sont fondées sur des fautes commises par ces salariés durant l'exercice allégué de leurs heures de délégation, les dispositions susrappelées de l'article L.436-1 du code du travail, ni, contrairement à ce que soutient M. Z..., de limiter l'action de l'employeur à la seule saisine du conseil de prud'hommes ; que le moyen tiré de ce que les dispositions susreproduites auraient été méconnues doit, par suite, être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ALIMENTS PIETO et le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision en date du 2 mai 1984 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ;
Article 1er : Le jugement en date du 3 janvier 1985 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société ALIMENTS PIETO, au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et à M. Z....


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 66598;66648
Date de la décision : 22/02/1989
Sens de l'arrêt : Annulation évocation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE -Autres faits - Utilisation d'heures de délégation pour aller à la chasse.

66-07-01-04-02-01 Les faits sur lesquels s'est fondé le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale pour annuler, le 2 mai 1984, la décision de l'inspecteur du travail de Saint-Brieuc du 17 novembre 1983 refusant à la société Aliments Pieto l'autorisation de licencier M. S., consistent en l'utilisation, le 19 octobre 1983, pour se rendre à la chasse, d'une journée prise sur le temps nécessaire à l'exercice des fonctions de membre élu du comité d'entreprise qui étaient les siennes. Ces faits ne sont pas contestés par M. S.. Ils présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement de ce salarié bien qu'il ne soit pas allégué qu'il aurait précédemment manqué à ses obligations.


Références :

Code du travail L436-1, R436-4, L434-1


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 1989, n° 66598;66648
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. de Bellescize
Rapporteur public ?: Mme de Clausade

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:66598.19890222
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