Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 29 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et le recours à fins de sursis enregistré le 10 août 1987, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 9 juin 1987, par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté ministériel d'expulsion pris à l'encontre de M. Y... le 25 novembre 1986,
2°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lemaître-Monod, avocat de M. Jamalle Y...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de dix ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales au total à un an, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité l'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiées au Journal officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, quelle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que les condamnations pénales retenues à l'encontre de M. Y... étaient antérieures à l'intervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR du 25 novembre 1986 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'arrêté du 25 novembre 1986 a été signé par M. X..., directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, qui, par arrêté du 7 mai 1986, avait reçu délégation de signature pour signer tous actes, arrêtés et décisions concernant la mise en oeuvre de la police administrative et le contentieux général ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ne saurait être accueilli ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. Y... qui avait fait l'objet le 17 septembre 1980 d'un arrêté d'expulsion abrogé le 19 juin 1981 a été condamné par le tribunal de grande instance de Lyon le 13 mai 1983 pour recel de vol à trois mois de prison avec sursis, sursis qui a été révoqué par arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 23 janvier 1986 ; qu'il a fait l'objet en 1982 et 1983 de plusieurs procédures pour défaut de carte grise et d'assurance de véhicule, et qu'il a été condamné par l'arrêt précité à un an de prison sans sursis pour tentative de vol avec effraction et pour vol ; qu'ainsi il pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, et notamment du passé délictueux de l'intéressé, que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, la commission spéciale instituée par l'article 24 de l'ordonnance précitée et le MINISTRE DE L'INTERIEUR aient commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin que l'arrêté attaqué, qui rappelle les infractions ayant donné lieu à la condamnation prononcée par la Cour d'Appel de Lyon, et qui mentionne que la présence de l'intéressé constitue de ce fait une menace pour l'ordre public, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 1987 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au MINISTRE DE L'INTERIEUR.