Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 août 1983 et 22 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Doria X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement, en date du 8 juin 1983, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant a) à l'annulation de la décision implicite du préfet du Var lui refusant le maintien intégral du droit de doublement des constructions existantes et des droits résiduels à construire tels que définis à l'acte de vente du 18 mai 1971 ; b) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 500 000 F en réparation du préjudice résultant du refus de lui garantir l'exécution de ces engagements, c) à l'annulation de la décision implicite du préfet du Var refusant de motiver ses décisions de rejet ;
2° lui accorde le bénéfice de ses conclusions de première instance et la capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Groshens, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de Mlle Doria X...,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives aux prétendues décisions implicites rejetant les demandes adressées au préfet du Var les 19 décembre 1980 et 16 juin 1981 :
Considérant que, par une lettre en date du 19 décembre 1980, Mlle Doria X... a demandé au préfet du Var l'assurance que les engagements souscrits par l'Etat dans le contrat qu'elle avait passé avec lui pour la vente de la plus grande partie de sa propriété de l'Ile de Porquerolles seraient respectés en ce qui concerne ses droits à construire sur la partie non vendue ; que de tels droits ne peuvent être reconnus que dans le cadre d'une demande de certificat d'urbanisme ou de permis de construire, dans les formes et conditions fixées par les articles L.410 et L.421 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, le silence gardé par le préfet sur une demande qui ne pouvait avoir aucune suite juridique n'a pas fait naître de décision faisant grief ; qu'il suit de là que Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses demandes dirigées contre les prétendues décisions implicites résultant du silence gardé par le préfet sur sa lettre précitée, ainsi que du silence gardé dans les mêmes conditions sur sa lettre du 16 juin 1981 demandant les motifs de la position négative du préfet ;
Sur la demande d'indemnité :
Considérant d'une part que, par un contrat en la forme adinistrative en date du 18 mai 1971, Mlle X... a cédé à l'Etat, d'une part, la propriété de diverses parcelles d'une superficie de 170 ha, d'autre part, une partie des droits de construire attachés aux parcelles conservées par elle en toute propriété, pour une superficie de 62 hectares environ ; que le contrat précisait que cette cession partielle des droits de construction n'avait pas pour objet de permettre à l'Etat de construire effectivement sur lesdites parcelles, mais de définir les possibilités maximales de construction conservées par la venderesse ;
Considérant que ni cette dernière clause, ni aucune autre disposition dudit contrat ne présentait un caractère exorbitant du droit commun ; que le contrat n'avait pas pour effet de confier à Mlle X... l'exécution d'un service public ; que, dès lors, les tribunaux judiciaires étaient seuls compétents pour connaître de la demande de l'intéressée en tant qu'elle était fondée sur la méconnaissance par l'Etat des obligations qui seraient nées pour lui dudit contrat ; qu'il en va de même, en raison de la nature du rôle du préfet lorsqu'il reçoit un tel contrat en la forme administrative, des conclusions de la requérante fondées sur un prétendu manquement à l'obligation de conseil qui se serait imposée au préfet lors de la passation de l'acte ; qu'enfin la réparation des préjudices résultant des mesures de protection des sites prises en vertu de la loi du 2 mai 1930 relève, en application de ladite loi, des tribunaux judiciaires ; qu'il y a lieu d'annuler sur ces points le jugement attaqué, et de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Nice par Mlle X... comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant qu'elle est fondée sur ces trois causes juridiques ;
Considérant, d'autre part, que si Mlle X... se prévaut du droit à indemnité qui résulterait pour elle, en application de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, de l'entrée en vigueur d'un plan d'occupation des sols restreignant les droits à construire que l'intéressée conservait après l'acte de vente susmentionné, les stipulations de ce contrat de droit privé, par lequel elle renonçait à une partie desdits droits, ne sauraient constituer des droits acquis au sens de cette disposition législative ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 1983 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par Mlle X... et fondées sur la méconnaissance du contrat passé par elle avec l'Etat le 18 mai 1971, sur le manquement au devoir de conseil incombant au préfet du Var qui a reçu ce contrat, et sur les mesures de protection du site de l'île de Porquerolles intervenues postérieurement à ce contrat. Ces conclusions sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle X..., et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.