La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/1989 | FRANCE | N°71088

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 31 mars 1989, 71088


Vu la requête, enregistrée le 2 août 1985 présentée pour M. et Mme Y... Charles demeurant ..., et tendant : 1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 mai 1985 rejetant leur requête tendant à obtenir des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi du fait du refus de concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion de locataires et 2°) à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une indemnité de 137 167,94 F avec intérêts du 19 mars 1984 et à ce que les intérêts échus soient capitalisés

;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administr...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 1985 présentée pour M. et Mme Y... Charles demeurant ..., et tendant : 1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 mai 1985 rejetant leur requête tendant à obtenir des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi du fait du refus de concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion de locataires et 2°) à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une indemnité de 137 167,94 F avec intérêts du 19 mars 1984 et à ce que les intérêts échus soient capitalisés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Plagnol, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Riché, Blondel, Thomas-Raquin, avocat des Epoux Y...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si la demande présentée au tribunal administratif de Rouen le 22 avril 1982 par les époux Y... et tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice par eux subi du fait du refus du concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement du 11 décembre 1979 rendu par le tribunal d'instance de Rouen et ordonnant l'expulsion de Mme Paulette X... locataire de leur maison, était irrecevable en l'absence de décision préalable de l'administration refusant de les indemniser, les époux Y... ont adressé, en cours d'instance, une demande d'indemnité au préfet de la Seine-Maritime ; qu'ils ont saisi, le 16 novembre 1983 le tribunal administratif de conclusions chiffrées, dirigées contre le rejet implicite de leur demande ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande comme non recevable ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les époux Y... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant que le jugement du tribunal d'instance de Rouen ordonnant l'expulsion de Mme Marais en date du 11 décembre 1979 a été signifié le 8 janvier 1980 ; qu'une sommation de déguerpir a été délivrée à l'occupant le 6 février 1981 et qu'un procès-verbal de tentative d'expulsion a été dressé le 23 février 1981 ; que la demande d'assistance de la force publique a été faite par l'huissier à la requête des époux Y... le 16 mars 1981 et que le préfet a refusé de prêter main-forte en raison des troubles graves pour l'ordre public que cette expulsion risquait d'entraîner ;

Considérant que si eu égard aux motifs ainsi retenus, dont l'exactitude n'est pas contestée, cette décision n'est pas entachée d'excès de pouvoir, le préjudice résultant, pour les époux Y... du refus d'agir de l'autorité de police ne peut être regardé comme une charge leur incombant, à l'expiration du délai dont l'administration doit normalement disposer, compte tenu des circonstances, pour exercer son action ; que ce délai étant au cas d'espèce de deux mois, les époux Y... ont droit à être indemnisés des pertes de loyers qu'ils ont dû supporter depuis le 16 mai 1981 jusqu'au 6 septembre 1983 date à laquelle l'expulsion a pu être réalisée ; que, sur la base du loyer mensuel auquel avait été fixé le taux d'indemnité d'occupation mise à la charge des consorts X..., l'indemnité à laquelle les époux Y... peuvent prétendre doit être fixée comme le propose d'ailleurs le ministre de l'intérieur, à la somme de 86 126,72 F ; que les requérants ne sont pas fondés à demander qu'à cette somme s'ajoutent les frais de procédure et de tentative d'exécution du jugement ni les frais de déménagement, de procès-verbal d'expulsion, de procès-verbal de recollement et de signification de vente qui n'avaient pour objet que de parvenir à l'exécution du jugement du 11 décembre 1979 et qui, de toute façon, auraient dû être exposés par les époux Y... et n'ont donc pas de lien direct avec le refus de concours de la force publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à payer aux époux Y... la somme de 86 126,72 F ; qu'ainsi que le demande le ministre de l'intérieur, le paiement de cette indemnité doit être subordonné à la condition que les requérants subrogent l'Etat dans les droits que ceux-ci pourraient faire valoir contre les consorts X... pour obtenir paiement des indemnités d'occupation de leurs locaux ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant qu'il y a lieu, comme le demandent les époux Y..., de faire courir du 19 mars 1984, les intérêts, au taux légal, de la somme ci-dessus mentionnée ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 2 août 1985, 21 mars 1986, 10 août 1988 et 24 février 1989 ; qu'à la première et à la troisième de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces deux demandes et de rejeter les demandes de capitalisation des intérêts présentées les 21 mars 1986 et 24 février 1989 ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 mai 1985 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme Y... la somme de 86 126,72 F dont le versement sera subordonné à la subrogation de l'Etat par les époux Y... dans leurs droits à l'encontre de Mme Marais et des occupants de son chef. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mars 1984 et les intérêts échus les 2 août 1985 et 10 août 1988 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par les époux Y... devant le tribunal administratif de Rouen, ensemble le surplus des conclusions de la requête, sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 71088
Date de la décision : 31/03/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-03-01-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE -Refus du concours de la force publique - Expulsion du locataire d'une maison - Indemnisation des pertes de loyers.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 1989, n° 71088
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Plagnol
Rapporteur public ?: Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:71088.19890331
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award