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19/04/1989 | FRANCE | N°46937

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 19 avril 1989, 46937


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 novembre 1982 et 24 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yves de X... de LESTAUBIERE, demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 16 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1968 dans les rôles de la commune de Villefranche-sur-Mer ;
2° lui acc

orde la décharge des impositions et des pénalités contestées ;

Vu les aut...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 novembre 1982 et 24 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yves de X... de LESTAUBIERE, demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 16 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1968 dans les rôles de la commune de Villefranche-sur-Mer ;
2° lui accorde la décharge des impositions et des pénalités contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Vu le III de l'article 81 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Honorat, Maître des requêtes,
- les observations de Me Célice, avocat de M. Yves de X... de LESTAUBIERE,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges et sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2 de l'article 1931 du code général des impôts, applicable à la date à laquelle M. de X... de LESTAUBIERE a présenté sa réclamation contentieuse devant le directeur des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes : "Les réclamations sont adressées au service des impôts dont dépend le lieu de l'imposition" et qu'aux termes du 1 de l'article 1938 du même code : "Le service des impôts statue sur les réclamations ... Lorsque l'assiette de l'imposition contestée a été assurée par un service spécialisé de l'administration fiscale, il est statué par ledit service" ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles R.198-10 et R.200-4 du livre des procédures fiscales que les mémoires au tribunal administratif sont transmis par le directeur compétent ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'imposition litigieuse mise à la charge de M. de X... de LESTAUBIERE au titre de l'année 1968 a eu pour assiette des sommes qu'un service spécialisé de vérification générale relevant de la direction régionale des impôts de Lille avait, après vérification de la comptabilité de la société anonyme Fréval Sibon, ayant alors son siège à Roubaix (Nord), réintégrées dans le bénéfice de ladite société et regardées comme un excédent de distribution appréhendé par le contribuable ; qu'étant ainsi compétent pour instruire l réclamation que lui avait transmise le directeur de services fiscaux du département des Alpes-Maritimes, où le contribuable avait son domicile, le directeur régional des impôts de Lille avait, au même titre que le directeur dont dépendait le lieu de l'imposition, qualité pour représenter l'administration fiscale devant le tribunal administratif dans l'instance introduite par M. de X... de LESTAUBIERE ;

Considérant, d'autre part, que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen relatif à la charge de la preuve soulevée par le requérant en relevant que celui-ci n'avait pas exprimé dans le délai son désaccord avec les propositions de redressements de l'administration ; que l'inexactitude matérielle prétendue d'un tel motif est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité du jugement ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1974 bis du code général des impôts, applicable à l'imposition contestée : "Lorsque la découverte d'agissements frauduleux entraîne le dépôt d'une plainte en vue de l'application de l'une des sanctions pénales prévues par le code général des impôts, le service peut ...opérer des contrôles et procéder à des rehaussements au titre des deux années précédant le délai de prescription ... Ces impositions deviennent caduques si l'information consécutive à la plainte est close par une ordonnance de non-lieu ou si les personnes poursuivies bénéficient d'une décision de relaxe" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la faculté qu'elles donnent à l'administration n'est subordonnée ni à la constatation ni à la répression d'agissements frauduleux commis pendant les deux années excédant le délai ordinaire de répétition ; qu'ainsi, l'administration, qui a déposé une plainte en 1974 contre M. de X... de LESTAUBIERE, alors directeur général adjoint de la société anonyme "Fréval Sibon", était en droit de se fonder sur les dispositions précitées pour contrôler et redresser, le cas échéant, le revenu imposable de ce dernier au titre de l'année 1968 ; que le requérant ne saurait utilement soutenir que ces impositions sont devenues caduques dès lors que l'information consécutive à la plainte, qui a été déposée en 1974, n'a pas été close par une décision de non-lieu et que le requérant n'a pas bénéficié d'une décision de relaxe ;

Considérant que le délai de répétition dont l'administration disposait pour contrôler et redresser les revenus de M. de X... de LESTAUBIERE qui expirait le 31 décembre 1974, ayant été prorogé jusqu'au 31 janvier 1975 en vertu de l'article 2 de la loi n° 74-1115 du 27 décembre 1974 et la notification de redressements délivrée au requérant le 28 janvier 1975 ayant été, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivée pour interrompre la prescription, celui-ci ne saurait utilement soutenir que l'imposition qui a été ainsi valablement établie en 1978 serait devenue caduque ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, que la notification de redressements du 28 janvier 1975 susmentionnée, faite à M. de X... de LESTAUBIERE, indiquant la nature et les montants des rehaussements du bénéfice taxable de la société anonyme "Fréval Sibon" qui étaient imposables entre les mains de l'intéressé comme excédent de distribution, répondait aux prescriptions du 2 de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la décision, en date du 21 décembre 1979, par laquelle le service a statué sur la réclamation contentieuse de M. de X... de LESTAUBIERE, que, bien que revêtue du timbre de la direction régionale des impôts de Lille, ladite décision a été signée par le directeur des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le directeur régional des impôts de Lille aurait incompétemment pris la décision manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :

Considérant que, par notification de redressements effectuée à la société anonyme "Fréval Sibon" le 28 janvier 1975, l'administration a rehaussé les bénéfices imposables des exercices clos en 1968 et 1969 de ladite société du montant de ristournes "confidentielles" sur les frêts confiés par la société dont s'agit à la société "Compagnie des messageries maritimes" qu'elle avait mentionnées sur ses factures et reçues de cette dernière société sans pour autant les enregistrer en comptabilité, de rémunérations et gratifications excessives versées à ses dirigeants et de dépenses somptuaires ; qu'en réponse à l'invitation faite par ladite notification, conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, de désigner les bénéficiaires de ces excédents de ditribution, la société a, dans sa lettre en date du 26 février 1975, désigné M. de X... de LESTAUBIERE, alors son président-directeur général, sous la propre signature de l'intéressé ; que l'administration justifie ainsi que les sommes litigieuses distribuées pendant l'année civile 1968 ont été appréhendées par M. de X... de LESTAUBIERE ;
Considérant qu'en se référant à l'ensemble des circonstances de l'affaire, et tout particulièrement, d'une part, à la condamnation pénale devenue définitive prononcée contre M. de X... de LESTAUBIERE pour avoir, en période non prescrite du point de vue pénal, frauduleusement soustrait à l'impôt sur les sociétés les sommes ci-dessus, dans des conditions assimilables, pour certaines d'entre elles, à un abus de biens sociaux, et omis les écritures y afférentes, et, d'autre part, à la vérification de la comptabilité de la société Fréval Sibon à laquelle il a été procédé le 26 décembre 1974 et dont il ressort que les pratiques ainsi sanctionnées remontaient à l'année 1968, l'administration doit être regardée comme établissant de manière suffisante le caractère d'excédents de distribution, visés au 1 1°) de l'article 109 du code, des sommes ainsi appréhendées pendant ladite année ; que si le requérant soutient que la société aurait été dans l'obligation de restituer à la "Compagnie des messageries maritimes" tout ou partie des ristournes "confidentielles" reçues de cette dernière, et que la perception desdites ristournes n'aurait eu de ce fait aucune influence sur l'actif net de la société en cause, il n'apporte aucune justification à l'appui de cete allégation, laquelle, dès lors, ne peut, en tout état de cause, être retenue ;
Sur les pénalités :

Considérant que les moyens présentés par le requérant devant le tribunal administratif se rapportaient à la régularité de la procédure d'imposition suivie à son encontre et au bien-fondé de l'imposition mise à sa charge ; qu'il n'a présenté de moyens relatifs aux pénalités que dans sa requête au Conseil d'Etat ; qu'en invoquant ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, le requérant a émis une prétention fondée sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les moyens exposés en première instance et qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que M. de X... de LESTAUBIERE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a, par le jugement susvisé, rejeté sa demande en décharge de l'imposition contestée ;
Article 1er : La requête de M. de X... de LESTAUBIERE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. de X... de LESTAUBIERE et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales R198-10, R200-4
CGI 1931, 1938 1974 bis, 1649 quinquies A, 117
Loi 74-1115 du 27 décembre 1974 art. 2


Publications
Proposition de citation: CE, 19 avr. 1989, n° 46937
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Honorat
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 19/04/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 46937
Numéro NOR : CETATEXT000007627055 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-04-19;46937 ?
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