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26/04/1989 | FRANCE | N°51934

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 26 avril 1989, 51934


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juillet 1983 et 4 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 1er avril 1983 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné la Société "Autoroute Esterel Côte d'Azur" (ESCOTA) à lui verser une indemnité de 13 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation des dommages causés à sa propriété à l'occasion de la construction de l'autoroute A 8 ;
2°) condamne

ladite société ainsi que solidairement l'Etat, le département des Alpes-Mar...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juillet 1983 et 4 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 1er avril 1983 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné la Société "Autoroute Esterel Côte d'Azur" (ESCOTA) à lui verser une indemnité de 13 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation des dommages causés à sa propriété à l'occasion de la construction de l'autoroute A 8 ;
2°) condamne ladite société ainsi que solidairement l'Etat, le département des Alpes-Maritimes et la commune de Sainte-Agnès à faire procéder à leurs frais au rétablissement d'un chemin carrossable permettant d'accéder au terrain de l'intéressé, et subsidiairement condamne la société Escota à verser une indemnité de 250 000 F ;
3°) ordonne une expertise pour déterminer la nature et le coût des travaux nécessaires d'une part au rétablissement du chemin d'origine, d'autre part à l'aménagement du chemin desservant la propriété voisine ;
4°) condamne la société Escota à lui verser une indemnité de 100 000 F au titre des troubles de jouissance et de la dépréciation de sa propriété,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Guillenchmidt, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. X..., de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de la société "Autoroute Esterel Côte d'Azur" (Escota) et de Me Odent, avocat de la commune de Sainte-Agnès,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à ce que les intimés soient condamnés à effectuer des travaux de rétablissement d'un chemin :

Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'adresser des injonctions aux autorités administratives ou à leurs concessionnaires ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à ce que l'Etat, le département des Alpes-Maritimes, la commune de Sainte-Agnés et la société Escota, concessionnaire de l'autoroute A 8, soient condamnés à faire procéder, à leurs frais, au rétablissement d'un chemin carrossable permettant d'accéder à la propriété du requérant, ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation des préjudices résultant des difficultés d'accès à la propriété du requérant, de l'indisponibilité de celle-ci pendant les travaux et de diverses destructions causées par les travaux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant l'exécution des travaux réalisés par la société Escota pour l'élargissement du chemin communal n° 8, la propriété de M. X... n'était desservie que par un chemin d'un mtre de largeur non carrossable ; qu'en condamnant la société Escota à payer au requérant une indemnité de 5 000 F au cas où cette société ne rétablirait pas à ses frais ce chemin dans son état antérieur, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux exécutés par la société Escota aient provoqué la cessation d'une exploitation avicole sur le terrain de M. X... et qu'ils soient à l'origine de l'abandon d'un projet de construction d'une maison d'habitation sur ce terrain ; qu'en allouant au requérant une indemnité de 3 000 F en compensation de la destruction d'une trentaine d'arbres non taillés, de la destruction d'une source dont le débit et la qualité de l'eau ne sont pas précisés par le demandeur, du bouleversement d'une planche de terres qui n'était pas cultivée et de la destruction d'un stock de tuiles, dont la valeur n'est pas établie par le requérant, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces divers préjudices ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de la valeur vénale de la propriété :

Considérant que ces conclusions ont le caractère d'une demande nouvelle en appel et ne sont dès lors pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à ce que la falaise dominant la propriété de M. X... soit consolidée :
Considérant que, devant le tribunal administratif, M. X... a demandé la condamnation de la société Escota à exécuter les travaux de consolidation de la falaise dominant la propriété de M. X... et, subsidiairement, à ce que "tous responsables" soient condamnés à supporter le coût des travaux à dires d'expert ; que si, sur le premier point, les premiers juges ont, à bon droit, rejeté ces conclusions comme non recevables, au motif qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration, M. X... est fondé à soutenir qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces conclusions subsidiaires, le tribunal administratif a entaché sa décision d'une omission de statuer et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'évoquer et de statuer directement sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la falaise dont l'instabilité alléguée menace la propriété de M. X... était comprise dans un terrain dont il fût exproprié le 21 juin 1974 pour le compte de la commune de Sainte-Agnès ; que, par une convention du 19 septembre 1979 entre cette commune et le département des Alpes-Maritimes, ces terrains sont devenus depuis le 22 janvier 1979 propriété du département des Alpes-Maritimes ; que les désordres invoqués par le requérant seraient, d'après celui-ci, imputables aux travaux exécutés par la société Escota sur la route située en haut de cette falaise, pour améliorer les conditions d'accès au chantier de l'autoroute A 8 dont cette société est concessionnaire ; qu'ainsi les dommages résultant de l'instabilité de la falaise sont susceptibles d'engager à la fois la responsabilité de la société Escota, en sa qualité de maître d' euvre et celle du département des Alpes-Maritimes en sa double qualité de propriétaire du terrain et de la voie qui y est implantée ;

Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer les causes précises de la déstabilisation de la falaise, la nature des travaux nécessaires pour mettre fin au risque d'éboulement du terrain et le coût des travaux qui devraient être exécutés par M. X... sur son propre fonds au cas où la société Escota ou le département ne prendraient pas les mesures jugées nécessaire pour assurer la stabilité de la falaise ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise sur ces divers points ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er avril 1983 est annulé en tant qu'il a omis de statuer surles conclusions de M. X... tendant à l'indemnisation du préjudice que lui cause l'instabilité de la falaise dominant sa propriété.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur cette demande d'indemnisation, procédé par un expert désigné par le Président de lasection du Contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise en vue de déterminer les causes précises de la déstabilisation de la falaise dominant la propriété de M. X..., de préciser la nature des travaux nécessaires pour mettre fin au danger d'éboulement du terrainet le coût des travaux qui devraient être exécutés par M. X... sur son propre fonds au cas où la société Escota ou le département des Alpes-Maritimes ne prendraient pas les mesures jugées nécessairespour assurer la stabilité de la falaise.
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du Contentieux dans un délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X..., àla société Escota, au département des Alpes-Maritimes, à la commune de Sainte-Agnès et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - CONCLUSIONS - CONCLUSIONS IRRECEVABLES - DEMANDES D'INJONCTION - Injonction de faire.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - TRAVAUX PUBLICS DE VOIRIE - Difficultés d'accès - Préjudices divers - Personnes responsables - Responsabilités partagées des maître d'oeuvre et maître d'ouvrage.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 avr. 1989, n° 51934
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: de Guillenchmidt
Rapporteur public ?: Stirn

Origine de la décision
Formation : 5 ss
Date de la décision : 26/04/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 51934
Numéro NOR : CETATEXT000007747618 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-04-26;51934 ?
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