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26/04/1989 | FRANCE | N°58218

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 26 avril 1989, 58218


Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 5 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à la société française d'hôtellerie Frantel dégrèvement de l'imposition à la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie à raison de 25 364 F pour 1976, 53 072 F pour 1978, 175 945 F pour 1979 et 197 970 F pour 1980,
2°) remette intégralement les impositions contestées à

la charge de la société française d'hôtellerie Frantel,
Vu les autres pièc...

Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 5 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à la société française d'hôtellerie Frantel dégrèvement de l'imposition à la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie à raison de 25 364 F pour 1976, 53 072 F pour 1978, 175 945 F pour 1979 et 197 970 F pour 1980,
2°) remette intégralement les impositions contestées à la charge de la société française d'hôtellerie Frantel,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le décret du 6 mars 1961 portant délégation de signature, modifié par le décret du 7 août 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 mars 1961 dans sa rédaction résultant du décret du 7 août 1981 : "Le directeur général des impôts a, en toutes matières entrant dans ses attributions, la délégation permanente de la signature du ministre intéressé pour la présentation des ... recours formés par l'administration devant le Conseil d'Etat. Il peut déléguer cette signature à un ou plusieurs fonctionnaires de ses services ayant au moins le grade d'administrateur civil de 2ème classe ou un grade équivalent" ; qu'il est constant qu'à la date du 5 avril 1984 à laquelle a été enregistré le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget, son signataire, M. X..., qui avait reçu régulièrement délégation à cet effet, avait un grade au moins équivalent à celui d'administrateur civil de 2ème classe ; que, dès lors, le recours est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen tant de la réclamation qu'elle avait adressée au directeur des services fiscaux que de la demande dont elle a saisi le tribunal administratif, que la société Frantel s'est bornée à solliciter la décharge des cotisations supplémentaires à la taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1976 et 1978 et la réduction de ses cotisations primitives à la même taxe au titre de 1979 et 1980, et n'a pas entendu contester, en outre, la taxe régionale de 5 853 F, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1979, la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie de 18 787 F et de 21 287 F, à laquelle elle a été assujettie autitre, respectivement, des années 1979 à 1980, et la cotisation nationale de 11 510 F et de 13 638 F, à laquelle elle a été assujettie au titre, respectivement, de ces deux mêmes années ; qu'ainsi le ministre de l'économie, des finances et du budget est fondé à soutenir qu'en incluant ces sommes dans le dégrèvement qu'il a accordé à la société Frantel, le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ; que son jugement doit être, dans cette mesure, annulé ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 1473 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les communautés urbaines et les collectivités locales sont habilitées à exonérer de la patente dont elles auraient été normalement redevables, en totalité ou en partie et pour une durée ne pouvant excèder cinq ans, les entreprises qui procèdent ... à des ... créations d'installations .... commerciales ..., avec le bénéfice d'un agrément du ministre de l'économie et des finances ..." ; que ces dispositions, ultérieurement reprises à l'article 1465 du code, ont été rendues applicables à la taxe professionnelle par la loi du 29 juillet 1975 ; qu'aux termes de l'article 1649 nonies du code : "I. Nonobstant toutes dispositions contraires, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux sont délivrés par le ministre de l'économie et des finances ... II Des arrêtés du ministre de l'économie et des finances, pris après avis du conseil de direction du fonds de développement économique et social, peuvent définir, compte tenu de l'importance, de la nature et du lieu d'exercice des activités considérées, les conditions des agréments auxquels des exonérations fiscales sont attachées en vertu des dispositions législatives et réglementaires" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Frantel, qui envisageait la création d'un établissement hôtelier à Bordeaux, a obtenu, par décision ministérielle du 1er juillet 1974, l'agrément nécessaire au bénéfice de l'exonération instituée, en vertu des dispositions précitées de l'article 1473 bis du code, en faveur des entreprises visées par ce texte, par des délibérations du conseil municipal de la ville de Bordeaux, du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux et du conseil général de la Gironde ; que la décision d'agrément n'a porté que sur certains des éléments de l'opération projetée par la société ; qu'en conséquence l'administration fiscale a assujetti la société Frantel à la taxe professionnelle, au titre des années 1976, 1978, 1979 et 1980, à raison des éléments qui n'avaient pas été inclus dans la décision d'agrément ;

Considérant qu'il est constant que cette décision, qui n'a pas été attaquée dans le délai du recours contentieux, ne pouvait plus être annulée ; que, toutefois et contrairement à ce que soutient le ministre, la société restait recevable à en invoquer l'illégalité à l'appui de sa contestation des impositions qui lui ont été réclamées dans les conditions rappelées ci-dessus ;
Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées du code général des impôts réservaient à la communauté urbaine ou à la collectivité locale intéressée le pouvoir de décider, par une mesure de portée générale, d'exonérer totalement ou partiellement de la patente, puis de la taxe professionnelle, les entreprises projetant certaines opérations d'investissement sur son territoire, ces mêmes dispositions conféraient expressément au ministre de l'économie et des finances un pouvoir d'appréciation quant à la détermination des éléments de ces opérations qui, compte tenu de l'importance, de la nature et du lieu d'exercice des activités envisagées, pouvaient bénéficier de l'agrément à l'octroi duquel l'application de ce cette exonération était subordonnée ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 2ème alinéa du 2 de l'article 5 de l'arrêté du 28 mai 1970, relatif aux conditions d'octroi, sur agrément, des allègements fiscaux prévus en faveur du développement régional et de l'amélioration des structures des entreprises, en application duquel a été prise la décision précitée du 1er juillet 1974, l'exonération " ... peut être également limitée à une partie des installations lorsque, compte tenu de leur importance, les investissements ne permettent la création que d'un nombre d'emplois peu élevé" ; que, contrairement à ce que soutient la société Frantel, ces dispositions, qui se bornent à faire application du II de l'article 1649 nonies précité du code général des impôts et ne sont pas contraires à l'article 1473 bis du même code, ne concernent pas les seules opérations consécutives à un transfert d'établissement visées par l'alinéa 1er du 2 du même article 5 de l'arrêté, mais s'étendent à toutes les opérations de nature à ouvrir droit à l'exonération ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que pour faire droit aux conclusions de la société Frantel, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le ministre n'avait pas le pouvoir de restreindre le bénéfice de l'exonération à laquelle la société prétendait aux seuls éléments qu'il avait fixés dans sa décision d'agrément ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Frantel devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant que la décision du 1er juillet 1974 précise : "Agrément accordé au titre de l'article 1473 bis du code général des impôts à concurrence des éléments d'impositions correspondant : 1) aux emplois nouveaux qui doivent être créés par la société Frantel à Bordeaux avant le 31 décembre 1975 ; 2) aux trois-quarts (3/4) de la valeur locative des constructions visées au paragraphe II A de la demande, qui doivent y être édifiées avant cette date et des équipements et aménagements ultérieurs ..." ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de cette décision qu'en précisant les éléments d'imposition à raison desquels la société Frantel pourrait bénéficier de l'exonération qu'elle avait sollicitée, le ministre a entendu, contrairement à ce que soutient cette société, exclure de la base d'exonération, tant la valeur locative des biens loués et des biens acquis après le 31 décembre 1975 que les salaires versés aux titulaires d'emplois créés après cette même date ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a calculé la taxe professionnelle due par la société en incluant dans ses bases d'imposition de 1976 et 1978, les biens loués et, dans ses bases d'imposition de 1978, 1979 et 1980, les biens acquis et les salaires correspondant aux emplois créés, après le 31 décembre 1975 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société Frantel, désormais dénommée "Pullman International Hôtels" des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de 1976 et 1978 et a réduit les cotisations primitives à la même taxe auxquelles elle a été assujettie au titre de 1979 et 1980 ;
Article 1er : Le jugement du 2 février 1984 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La taxe professionnelle à laquelle la société Frantel, désormais dénommée "Pullman International Hôtels", a été assujettie au titre des années 1976, 1978, 1979 et 1980 dans les rôles de la commune de Bordeaux est remise intégralement à sa charge. Sont également remises à la charge de la société la taxe régionale due au titre de 1979 ainsi que la taxe pour frais de chambe de commerce et d'industrie et la cotisation nationale dues au titre de 1979 et 1980.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société "Pullman International Hôtels" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 58218
Date de la décision : 26/04/1989
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - EXONERATIONS - Exonérations temporaires décidées par les collectivités locales (article 1465 du C - G - I - ) - Exonération soumise à agrément ministériel - Pouvoir conféré au ministre de restreindre le bénéfice de l'exonération à certains éléments seulement d'une opération.

19-03-04-03 Aux termes du I de l'article 1473 bis du CGI, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les communautés urbaines et les collectivités locales sont habilitées à exonérer de la patente dont elles auraient été normalement redevables, en totalité ou en partie et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, les entreprises qui procèdent ... à des ... créations d'installations ... commerciales ..., avec le bénéfice d'un agrément du ministre de l'économie et des finances ...". Ces dispositions, ultérieurement reprises à l'article 1465 du code, ont été rendues applicables à la taxe professionnelle par la loi du 29 juillet 1975. Aux termes de l'article 1649 nonies du code : "I. Nonobstant toutes dispositions contraires, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux sont délivrés par le ministre de l'économie et des finances ... II. Des arrêtés du ministre de l'économie et des finances, pris après avis du conseil de direction du fonds de développement économique et social, peuvent définir, compte tenu de l'importance, de la nature et du lieu d'exercice des activités considérées, les conditions des agréments auxquels des exonérations fiscales sont attachées en vertu des dispositions législatives et réglementaires". La société, qui envisageait la création d'un établissement hôtelier à Bordeaux, a obtenu, par décision ministérielle du 1er juillet 1974, l'agrément nécessaire au bénéfice de l'exonération instituée, en vertu des dispositions de l'article 1473 bis du code, en faveur des entreprises visées par ce texte, par des délibérations du conseil municipal de la ville de Bordeaux, du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux et du conseil général de la Gironde. La décision d'agrément n'a porté que sur certains des éléments de l'opération projetée par la société. En conséquence l'administration fiscale a assujetti la société Frantel à la taxe professionnelle à raison des éléments qui n'avaient pas été inclus dans la décision d'agrément. Cette décision, qui n'a pas été attaquée dans le délai du recours contentieux, ne pouvait plus être annulée ; toutefois, la société restait recevable à en invoquer l'illégalité à l'appui de sa contestation des impositions qui lui ont été réclamées. Si les dispositions précitées du CGI réservaient à la communauté urbaine ou à la collectivité locale intéressée le pouvoir de décider, par une mesure de portée générale, d'exonérer totalement ou partiellement de la patente, puis de la taxe professionnelle, les entreprises projetant certaines opérations d'investissement sur son territoire, ces mêmes dispositions conféraient expressément au ministre de l'économie et des finances un pouvoir d'appréciation quant à la détermination des éléments de ces opérations qui, compte tenu de l'importance, de la nature et du lieu d'exercice des activités envisagées, pouvaient bénéficier de l'agrément à l'octroi duquel l'application de cette exonération était subordonnée.

19-03-04-03 Aux termes du 2ème alinéa du 2 de l'article 5 de l'arrêté du 28 mai 1970, relatif aux conditions d'octroi, sur agrément, des allègements fiscaux prévus en faveur du développement régional et de l'amélioration des structures des entreprises, en application duquel a été prise la décision précitée du 1er juillet 1974, l'exonération "... peut être également limitée à une partie des installations lorsque, compte tenu de leur importance, les investissements ne permettent la création que d'un nombre d'emplois peu élevé". Ces dispositions, qui se bornent à faire application du II de l'article 1649 nonies précité du CGI et ne sont pas contraires à l'article 1473 bis du même code, ne concernent pas les seules opérations consécutives à un transfert d'établissement visées par l'alinéa 1er du 2 du même article 5 de l'arrêté, mais s'étendent à toutes les opérations de nature à ouvrir droit à l'exonération. Il résulte de ce qui précède que le ministre avait le pouvoir de restreindre le bénéfice de l'exonération à laquelle la société prétendait aux seuls éléments qu'il avait fixés dans sa décision d'agrément.


Références :

. Décret du 07 août 1981
Arrêté du 28 mai 1970 art. 5
CGI 1473 bis I, 1465, 1649 nonies II
Décret du 06 mars 1961
Loi 75-678 du 29 juillet 1975


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 1989, n° 58218
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:58218.19890426
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