Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 février 1986 et 25 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE DIEPPE, domicilié au Palais de Justice de Dieppe (76200) et L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BERNAY, domicilié au Palais de Justice de Bernay (27300), et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret n° 85-1387 du 27 décembre 1985,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-353 du 30 avril 1983 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 ;
Vu la convention européenne des Droits de l'Homme ;
Vu la 4ème directive de la Communauté Economique Européenne ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE DIEPPE et de L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BERNAY,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret du 27 décembre 1985, pris pour l'application des articles 2 et 7 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, n'avait pas à être contresigné par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, le ministre des finances ou le ministre de l'industrie et du commerce, dès lors que l'application dudit décret n'implique nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que ces ministres seraient compétents pour signer ou contresigner ;
Considérant que la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ne sont applicables qu'aux décisions de caractère individuel ; que les requérants ne sauraient donc utilement s'en prévaloir à l'encontre du décret attaqué, qui présente un caractère réglementaire ;
Considérant que, si l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, qui prévoit que certaines personnes physiques ou morales bénéficient de la procédure simplifiée prévue par le titre II de ladite loi, ne renvoie à un décret en Conseil d'Etat que le soin de fixer le chiffre d'affaires au-dessous duquel une telle procédure est applicable, il n'en résulte pas que le pouvoir réglementaire, dès lors qu'il n'a pas empiété sur le domaine de la loi, était incompétent pour prendre, comme il l'a fait par le décret attaqué, des dispositions autres que l'établissement de ce seuil telles que les conditions de prise en considération du chiffre daffaires et des dates auxquelles il doit être apprécié ;
Considérant qu'en se référant, pour la définition du chiffre d'affaires, aux dispositions du troisième alinéa de l'article 17 du décret du 29 novembre 1983 pris pour l'application de la loi du 30 avril 1983 relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçants et de certaines sociétés avec la IVème directive de la Communauté Economique Européenne du 25 juillet 1978, le décret attaqué n'a pas dénaturé la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ses auteurs ont pu légalement fixer à 20 millions le montant du chiffre d'affaires au-dessous duquel les entreprises entrent dans le champ d'application de la procédure simplifiée ; qu'ils n'étaient pas tenus de retenir un chiffre tel que toutes les entreprises employant cinquante salariés au plus, qui peuvent seules, selon l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985, se voir appliquer la procédure simplifiée si leur chiffre d'affaires ne dépasse pas le seuil fixé par décret, bénéficient de cette procédure ;
Considérant que le décret attaqué a pu légalement étendre la compétence des tribunaux de grande instance de Rouen et d'Evreux aux procédures normales de redressement judiciaire applicables aux commerçants et artisans installés dans le ressort des tribunaux de grande instance de Dieppe et de Bernay, dès lors que l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 habilite le gouvernement à déterminer non seulement le ou les tribunaux appelés, dans chaque département, à connaître de ces procédures, mais également "le ressort dans lequel ces tribunaux exercent les attributions qui leur sont dévolues" ; que le choix ainsi exercé par le gouvernement, qui ne méconnaît pas l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, n'est entaché ni d'une erreur d'appréciation, ni d'un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE DIEPPE et l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BERNAY ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 27 décembre 1985 ;
Article 1er : La requête de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAUDE DIEPPE et de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BERNAY est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE DIEPPE, à l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BERNAY, au Premier ministre et au Garde des sceaux, ministre de la justice.