Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 janvier 1981 et 25 mai 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. R. X..., demeurant ... au Cannet (06110), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 10 décembre 1980 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté, d'une part, la tierce opposition présentée pour le département de la Réunion contre le jugement du même tribunal en date du 25 juillet 1975 annulant la décision du préfet du 30 juillet 1971 suspendant sa participation au service de l'aide médicale et, d'autre part, sa demande d'indemnité présentée contre le département à raison du préjudice professionnel qu'il a subi du fait de cette sanction ;
2°) condamne le département de la Réunion à lui payer la somme de 33 700 000 F C.F.A. avec les intérêts de droit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X... et de la S.C.P. Fortunet, Mattei-Dawance, avocat du Département de la Réunion,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à la tierce opposition formée par le département de la Réunion :
Considérant que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la tierce opposition formée par le département de la Réunion contre le jugement du même tribunal en date du 25 juillet 1975 accueillant la demande de M. X... ; que le requérant, qui a obtenu satisfaction sur ce point est sans intérêt à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif a statué sur la tierce opposition formée par le département ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation du département de la Réunion :
Sur la responsabilité :
Considérant que par son jugement en date du 25 juillet 1975, devenu définitif, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la décision en date du 30 juillet 1971 par laquelle le préfet a suspendu pour 6 mois la participation du laboratoire d'analyses médicales du requérant au service départemental d'aide médicale aux motifs qu'il n'avait pu établir sa défense qu'à partir d'un dossier restreint et que la commission départementale de contrôle n'avait disposé pour apprécier le grief d'anomalies répétées et persistantes dans la présentation des notes d'honoraires que d'un nombre limité de factures sélectionnées par l'administration ; qu'ainsi, en prenant irrégulièrement cette sanction, l'aministration a commis une faute ; que si le département soutient que les anomalies relevées dans les notes d'honoraires présentées au remboursement par M. X... au cours des années 1970 et 1971 étaient de nature à justifier l'interdiction de servir des prestations aux bénéficiaires de l'aide médicale, cette affirmation est contestée ; que devant le Conseil d'Etat le département n'a pas répondu à la demande tendant à la communication de l'ensemble des pièces au vu desquelles la décision annulée avait été prise ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Saint-Denis de la Rénuion par le jugement attaqué, M. X... est fondé à soutenir que la faute de l'administration est de nature à engager la responsabilité du département ;
Sur le préjudice :
Considérant que pour apprécier le préjudice subi par M. X... du fait de la mesure de suspension du service de l'aide médicale il n'y a lieu de retenir que les prestations servies au titre de sa participation audit service, à l'exclusion des notes d'honoraires réglées par les patients eux-mêmes, l'organisation de la sécurité sociale et les établissements d'hospitalisation sur lesquelles la décision illégale du département n'a pas eu d'incidence ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses du laboratoire ont pu être réduites de façon significative pendant la période de suspension ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le département, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... y compris l'atteinte à sa réputation, en condamnant le département de la Réunion à lui verser une somme de 120 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 120 000 F à compter de la réception par le département de sa demande d'indemnité présentée le 20 juin 1977 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 28 mai 1986 et 15 juillet 1987 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 10 décembre 1980 est annulé en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande présentée par M. X....
Article 2 : Le département de la Réunion est condamné à payer à M. X... la somme de 120 000 F. Cette somme portera intérêts à compter de la réception de la demande d'indemnité en date du 20 juin 1977.
Article 3 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 120 000 F mise à la charge du département de la Réunion seront capitalisés au 28 mai 1986 et au 15 juillet 1987 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au département de la Réunion, au ministre des départements et territoires d'outre-mer et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.