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02/06/1989 | FRANCE | N°68320

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 02 juin 1989, 68320


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 mai 1985 et 2 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE", dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite résultant de son silence gardé pendant plus de quatre mois par laquelle le ministre des affaires

sociales et de la solidarité nationale a rejeté son recours hiérarchiqu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 mai 1985 et 2 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE", dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite résultant de son silence gardé pendant plus de quatre mois par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre les décisions en date du 31 août 1983 par lesquelles l'inspecteur du travail de Montpellier-2ème section a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de MM. X..., Y..., Z..., A... et B..., salariés protégés ;
2°) annule pour excès de pouvoir lesdites décisions,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE",
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article L.425-1 du code du travail, le licenciement d'un délégué du personnel titulaire ou suppléant ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il en est de même, en vertu des articles L.412-18 et L.436-1 du même code, en ce qui concerne le licenciement d'un délégué syndical, d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'établissement et d'un représentant syndical audit comité ; qu'il résulte de ces dispositions que les salariés légalement investis de tels mandats bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'atorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., membre suppléant du comité d'établissement et délégué du personnel, M. Y..., représentant syndical audit comité et délégué syndical, M. Z..., délégué du personnel suppléant, M. A..., représentant syndical audit comité, délégué du personnel et délégué syndical et M. B..., membre titulaire dudit comité et délégué du personnel suppléant, tous salariés de la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE" (COFAZ), étaient au nombre des dix sept salariés qui ont, du 9 août 1983 à 14 h 30 au 10 août 1983 à 20 heures, occupé le bureau du directeur de l'usine Les Eaux Blanches de Sète appartenant à la société précitée et l'ont contraint à rester dans son bureau durant toute cette période ; que les cinq salariés protégés précités ont personnellement et activement participé à cette opération qui portait une grave atteinte à la liberté du directeur ; qu'ainsi est erroné le premier motif, tiré de ce que les faits reprochés aux intéressés n'étaient pas établis, sur lequel s'est fondé l'inspecteur du travail de Montpellier pour refuser, par ses décisions du 31 août 1983, d'autoriser le licenciement de ces cinq salariés ; que les faits susmentionnés, qui ne sauraient être regardés comme se rattachant à l'exercice normal des fonctions représentatives de MM. X..., Y..., Z..., A... et B..., étaient constitutifs de fautes suffisamment graves pour justifier leur licenciement ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'inspecteur du travail s'est également fondé sur un motif d'intérêt général tiré de ce que les cinq licenciements demandés conduiraient à amputer des deux tiers l'effectif du comité d'établissement et compromettraient le fonctionnement de ce comité, avec lequel l'employeur était engagé dans une phase de concertation pour une période de six mois avant la fermeture définitive de l'usine ; qu'il ressort, toutefois des pièces du dossier que, si les licenciements litigieux auraient conduit au départ d'un membre titulaire sur trois du comité d'établissement ainsi que d'un membre suppléant sur deux, et auraient eu en outre pour effet d'obliger les organisations syndicales concernées à remplacer les deux représentants syndicaux auprès dudit comité, l'autorité administrative n'invoque l'existence d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce que les deux membres du comité précité et les deux représentants syndicaux puissent être remplacés normalement par application des dispositions des articles L.433-12 et L.412-16 du code du travail, ni, par voie de conséquence, à compromettre le bon fonctionnement du comité et la défense des intérêts des salariés ; que, dès lors, la société Norsk Hydro Azote, venant aux droits de la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE", est fondée à soutenir que le motif d'intérêt général retenu par l'inspecteur du travail reposait sur des faits matériellement inexacts, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis le bien fondé dudit motif ;

Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne M. A..., l'inspecteur du travail s'est, pour refuser d'autoriser son licenciement, fondé, à titre subsidiaire, sur un troisième motif tiré de ce que, l'intéressé ayant été préalablement mis à pied, l'employeur n'avait pas respecté la procédure mentionnée à l'article L.412-18, 2ème alinéa du code précité, selon lequel la décision de prononcer avant licenciement la mise à pied d'un délégué syndical en cas de faute grave, doit, à peine de nullité, être motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante huit heures à compter de sa prise d'effet ; que la violation de la procédure susmentionnée n'entraîne que la nullité de la décision de mise à pied et non l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement ; que, dès lors, la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE" est fondée à soutenir que le troisième motif retenu par l'inspecteur du travail dans la décision précitée était entaché d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Norsk Hydro Azote est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre les décisions en date du 31 août 1983 par lesquelles l'inspecteur du travail de Montpellier, 2ème section, a refusé d'autoriser le licenciement des cinq salariés précités et contre la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a rejeté son recours hiérarchique contre lesdites décisions ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 janvier 1985, les décisions en date du 31 août 1983 par lesquelles l'inspecteur du travail de Montpellier, 2èmesection, a refusé à la société "COMPAGNIE FRANCAISE DE L'AZOTE" l'autorisation de licencier MM. X..., Y..., Z..., A... et B..., et la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a rejeté le recours hiérarchique de la société requérante contre lesdites décisions sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Norsk Hydro Azote, à MM. X..., Y..., Z..., A... et B... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 68320
Date de la décision : 02/06/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-04 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - REFUS D'AUTORISATION FONDE SUR UN MOTIF D'INTERET GENERAL -Absence d'un motif d'intérêt général suffisant - Motif d'intérêt général tiré de ce que les licenciements envisagés porteraient atteinte au fonctionnement du comité d'entreprise alors que les membres de ce comité faisant l'objet du licenciement peuvent être normalement remplacés - Motif entaché d'erreur de fait.

66-07-01-04-04 Pour refuser l'autorisation de licencier cinq salariés protégés, l'inspecteur du travail s'est fondé sur un motif d'intérêt général tiré de ce que les cinq licenciements demandés conduiraient à amputer des deux tiers l'effectif du comité d'établissement et compromettraient le fonctionnement de ce comité, avec lequel l'employeur était engagé dans une phase de concertation pour une période de six mois avant la fermeture définitive de l'usine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si les licenciements litigieux auraient conduit au départ d'un membre titulaire sur trois du comité d'établissement ainsi que d'un membre suppléant sur deux, et auraient eu, en outre, pour effet d'obliger les organisations syndicales concernées à remplacer les deux représentants syndicaux auprès dudit comité, l'autorité administrative n'invoque l'existence d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce que les deux membres du comité précité et les deux représentants syndicaux puissent être remplacés normalement par application des dispositions des articles L.433-12 et L.412-16 du code du travail, ni par voie de conséquence, à compromettre le bon fonctionnement du comité et la défense des intérêts des salariés.


Références :

Code du travail L425-1, L412-18 al. 2, L436-1, L433-12, L412-16


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 1989, n° 68320
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Faure
Rapporteur public ?: M. Tuot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:68320.19890602
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