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05/06/1989 | FRANCE | N°38281

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 05 juin 1989, 38281


Vu, sous le n° 38 281, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 novembre 1981 et 22 mars 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fernand X..., demeurant ..., et représenté par M. Jean Martin- Martinière avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 septembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Versailles, ayant accordé au requérant une réduction de 13 113 F et 13 019 F des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au ti

tre des années 1954 et 1955, n'a fait que partiellement droit à sa dem...

Vu, sous le n° 38 281, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 novembre 1981 et 22 mars 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fernand X..., demeurant ..., et représenté par M. Jean Martin- Martinière avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 septembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Versailles, ayant accordé au requérant une réduction de 13 113 F et 13 019 F des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1954 et 1955, n'a fait que partiellement droit à sa demande en décharge, en rejetant ses conclusions tendant à ce que les déficits de liquidation de l'entreprise tels qu'apparus au cours de la période 1954-1964 s'imputent sur les revenus des cinq années suivant l'exercice de liquidation, et a ordonné une expertise aux fins de constater les déficits apparus au cours des années 1954 à 1964 inclusivement dans les résultats de l'entreprise exploitée par le requérant ;
2°) lui accorde les décharges demandées,
Vu, sous le n° 84 465, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier 1987 et 18 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant ..., et représenté par M. Jean Martin- Martinière avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Versailles 1°) n'a que partiellement fait droit à sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1954 à 1966, 2°) a mis à sa charge les frais d'expertise à concurrence de la somme de 7 350 F ;
2°) lui accorde les décharges demandées,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... a saisi le tribunal administratif de Versailles de demandes tendant à la décharge d'une part de la taxe proportionnelle et de la surtaxe progressive auxquelles il a été assujetti au titre des années 1953 à 1958 et d'autre part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques auquel il a été assujetti au titre des années 1959, 1961 à 1964 et 1966 à 1969 ; que, par un premier jugement en date du 3 septembre 1981, le tribunal administratif de Versailles a réduit les impositions établies au titre des années 1954 et 1955 et, avant dire droit sur le surplus des conclusions de M. X..., ordonné une expertise à l'effet de déterminer le montant des déficits annuels résultant, pour chacune des années 1954 à 1964, des opérations de liquidation de l'entreprise individuelle de travaux publics du requérant, dont la faillite avait été déclarée par jugement du tribunal de commerce de la Seine du 19 février 1954 ; que, par un second jugement, en date du 14 novembre 1986, rendu après expertise, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de l'impôt sur le revenu des personnes physiques établi au titre de l'année 1964 ainsi que la réduction de celui établi au titre des années 1959 et 1966 et a rejeté le surplus des conclusions de M. X... ; qu'il y a lieu de joindre les requêtes de M. X... dirigées contre ces deux jugements pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il est constant que M. X... n'a pas, comme il était tenu de le faire par application de l'article 170 du code général des impôts, souscrit la déclaration de ses différents revenus imposables au titre des années 1953 à 1959 et 1961 à 1963 ; que le jugement de faillite susmentionné n'a pas eu légalement pour effet de le dispenser de cette obligation ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la procédure de taxation d'office dont, sur le fondement de l'article 179 dudit code, il a fait l'objet pour ces années a été irrégulière ;
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
Sur les impositions établies au titre des années 1953 à 1958 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 81 du code général des impôts : "Sont affranchis de l'impôt : 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet ..." ; que si M. X... allègue qu'une partie des sommes qui lui ont été versées pendant les années 1953 à 1956 par la société anonyme "Maison de santé de Vieille église", dont il était salarié, devrait être exclue de ses bases d'imposition par application des dispositions précitées, il n'apporte aucune justification de la réalité et de l'importance des frais professionnels inhérents à l'emploi qu'il occupait dans cette société et que les sommes en cause auraient eu pour objet de couvrir ; que, dès lors, ses prétentions sur ce point ne sauraient être accueillies ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 : "La surtaxe progressive est établie d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu net est déterminé ... sous déduction des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus soumis à la taxe proportionnelle : ... 6° En cas de cession ou de cessation d'entreprise, les déficits affectant l'exercice de liquidation, compte tenu s'il y a lieu, des pertes des cinq années précédentes qui n'auraient pu être imputées sur le revenu de la catégorie correspondante ..." ;
Considérant qu'en édictant ces dispositions le législateur a entendu autoriser les contribuables à déduire de leur revenu le déficit définitif restant à leur charge à la suite de la cession ou de la cessation d'une entreprise ; que, dès lors, si la liquidation dure plus d'une année, toute la période de liquidation doit, pour l'application des dispositions précitées, être regardée comme constituant l'exercice de la liquidation ; que, par suite, peut seul être déduit du revenu global le déficit que fait apparaître le bilan définitif de liquidation, augmenté s'il y a lieu des pertes des cinq années qui ont précédé la liquidation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que M. X... a cessé d'exploiter son entreprise individuelle de travaux publics en 1953 et que la liquidation de cette entreprise, commencée en 1953, n'était pas achevée le 31 décembre 1958 ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 septembre 1981, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de compensation entre ses autres revenus catégoriels imposables au titre des années 1953 à 1958 et des pertes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux qu'il aurait subies pendant ces mêmes années du chef de cette entreprise ;
Sur l'imposition établie au titre de l'année 1966 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la déclaration de revenu global souscrite dans le délai légal par M. X... au titre de l'année 1966 fait état, d'une part, de revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires pour un montant de 152 205 F et, d'autre part, du report, à concurrence de 1 083 289 F du déficit dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux qui résultait, selon lui, en 1964, de la clôture, pendant cette année, des opérations de liquidation de son entreprise de travaux publics ; qu'il ressort des termes mêmes de la notification de redressement du 3 août 1970 que l'administration n'a pas motivé son refus de prise en compte du déficit reporté ; qu'ainsi cette notification de redressements ne répondait pas aux prescriptions de l'article 1649 quinquies A1 du code général des impôts ; que, dès lors, elle n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription et que, par suite, le délai de reprise prévu à l'article 1966-1 du code général des impôts était expiré lors de la mise en recouvrement du rôle correspondant le 29 décembre 1971 ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a, par le jugement du 3 septembre 1981, écarté ses prétentions sur ce point et, par le jugement du 14 novembre 1986, prononcé une décharge seulement partielle de l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1966 ;
Sur les impositions établies au titre des années 1959, 1961 à 1963 et 1967 à 1969 :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1959 : "L'impôt sur le revenu des personnes physiques est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu net est déterminé ... sous déduction : Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le déficit catégoriel déductible du revenu global et, le cas échéant, reportable dans les limites ci-dessus définies, est celui qui a été constaté pour l'année au titre de laquelle l'impôt est dû ; que, dès lors, l'ancien exploitant d'une entreprise individuelle en liquidation ne saurait prétendre au bénéfice des dispositions précitées pour la période postérieure à la cessation de son exploitation que dans la mesure où la détermination, année par année, selon les règles fixées aux articles 38 et suivants du code général des impôts, des résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées, par lui ou pour son compte pour les besoins de la liquidation de son entreprise, fait ressortir un déficit ;
Considérant, en premier lieu, que les documents relatifs aux comptes de liquidation de son entreprise individuelle de travaux publics de 1953 à 1964, produits par M. X... en première instance, ne permettaient pas de déterminer année par année les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par le syndic chargé de cette liquidation ni, dès lors, d'apprécier, pour chaque année à compter de 1959, si et dans quelle mesure un déficit dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux devaient être imputé, ou le cas échéant reporté, sur le revenu global imposable de M. X... ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 septembre 1981, le tribunal administratif de Versailles a ordonné une expertise sur ce point ;

Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à faire état d'une "perte sur réalisation d'actif" à hauteur de l'écart entre l'évaluation des immobilisations et valeurs réalisables au dernier bilan de l'entreprise dressé le 10 mars 1953 et le produit cumulé des opérations de réalisation de l'actif de l'entreprise conduites jusqu'en 1964 mentionné dans le rapport d'expertise, M. X... ne conteste pas utilement les résultats annuels des opérations de liquidation de son entreprise qui, pour les motifs ci-dessus indiqués, sont seuls, à compter de l'année 1959, susceptibles de donner lieu à un déficit catégoriel imputable sur le revenu global et le cas échéant reportable, et que l'expert commis par les premiers juges a reconstitués à partir des seuls éléments dont il disposait tirés du relevé journalier des opérations accomplies par le syndic entre 1953 et 1964 ; que le requérant n'établit donc pas que le tribunal administratif de Versailles, en se fondant sur les investigations de l'expert, ait fait une appréciation insuffisante des décharges qui devaient lui être accordées ;
Considérant, en troisième lieu que, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du I de l'article 156 du code général des impôts en refusant le report sur l'année 1959 du résultat négatif des opérations de liquidation pour l'année 1953 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles ne l'a que partiellement déchargé de l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l'année 1966 et à demander, par voie de conséquence, que la part des frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges ne soit laissée à sa charge qu'à concurrence de 7 000 F ; qu'en revanche, le surplus de ses conclusions ne saurait être accueilli ;
Article 1er : M. X... est déchargé de l'impôt sur le revenu des personnes physiques auquel il a été assujetti au titre de l'année 1966.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles sont mis à la charge de M. X... à concurrence de 7 000 F et à la charge de l'Etat à concurrence de 1 675 F.
Article 3 : Les jugements du tribunal administratif de Versailles en date des 3 septembre 1981 et 14 novembre 1986 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. Y... rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 38281
Date de la décision : 05/06/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 170, 179, 81, 156, 1649 quinquies A par. 1
Loi 59-1472 du 28 décembre 1959 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 1989, n° 38281
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Zémor
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:38281.19890605
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