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05/06/1989 | FRANCE | N°78301;78302

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 05 juin 1989, 78301 et 78302


Vu, 1) sous le n° 78 301, la requête enregistrée le 7 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 26 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1978 à 1981 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu, 2) sous le n° 78 302, la requête enregistrée le 7 mai 1986 a

u secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X..., demeuran...

Vu, 1) sous le n° 78 301, la requête enregistrée le 7 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 26 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1978 à 1981 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu, 2) sous le n° 78 302, la requête enregistrée le 7 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 26 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1978 au 31 janvier 1982 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de Mme X... présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne les années 1978 à 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : "Une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit avertir de la vérification le contribuable, en temps utile pour que celui-ci soit en mesure de faire appel, s'il le souhaite, au conseil de son choix ;
Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi du 29 décembre 1982 : " ... II. - Les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts sont complétées ainsi qu'il suit : En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents cmptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatation matérielle. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. Cette disposition a un caractère interprétatif." ;

Considérant qu'il est constant que les agents du service fiscal ont remis le 5 mai 1982 à Mme X..., qui exploitait un café-restaurant, un avis de vérification de sa comptabilité et ont immédiatement commencé des investigations ; qu'il résulte de l'instruction que les agents du service ont, dès le début de ces investigations et après avoir effectué l'inventaire du stock de marchandises, recherché si certaines de ces marchandises avaient été achetées sans factures en demandant à Mme X... les pièces justificatives de leur achat, lesquelles doivent être regardées comme des documents comptables ; que si le ministre fait valoir que cette demande, qui constitue l'un des éléments d'une vérification de comptabilité, a été formulée en l'espèce dans l'exercice de la mission de contrôle économique pour laquelle les mêmes agents étaient également commissionnés dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945 alors en vigueur, et que l'administration fiscale a pu légalement recevoir communication de ce dernier contrôle, une telle démarche révèle en l'espèce un détournement de procédure qui a permis aux agents d'effectuer une véritable vérification de comptabilité sans respecter le délai prévu par les dispositions précitées de l'article L.47 du livre des procédures fiscales ; que ces investigations irrégulières ont été à l'origine des compléments d'imposition en litige ;
Considérant, par suite, que Mme X... est fondée à soutenir que les compléments d'imposition mis à sa charge en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1978 à 1981 à la suite de cette vérification ont été établis sur une procédure irrégulière, et à en demander la décharge ;
En ce qui concerne l'année 1982 :

Considérant que pour s'opposer, en ce qui concerne la période du 1er au 31 janvier 1982, au moyen tiré de l'irrégularité de la même vérification de comptabilité, l'administration soutient que Mme X..., qui se trouvait placée au cours de cette période sous le régime du chiffre d'affaires réel simplifié, était en situation de voir son chiffre d'affaires de ladite période taxé d'office à défaut d'avoir satisfait aux obligations de déclaration qui lui incombaient ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 242 quater de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement du I de l'article 302 septies A du même code, les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition sont dispensées de souscrire la déclaration mensuelle prévue à l'article 287 du code ; qu'aux termes de l'article 242 sexies de l'annexe II : "Les entreprises placées sous le régime simplifié souscrivent avant le 1er avril de chaque année une déclaration ... faisant ressortir les taxes sur le chiffre d'affaires dues au titre de l'année précédente" ; que, si l'article 242 quater de l'annexe II dispose que ces entreprises doivent, toutefois, souscrire, dans le délai prévu à l'article 287-1 du code" ... une déclaration abrégée ... indiquant le montant des opérations qu'elles ont réalisées et déterminant le versement à effectuer en application de l'article 204 ter", il ressort des dispositions combinées des articles 204 ter et 383 ter de la même annexe que la déclaration mensuelle abrégée a pour objet de déterminer, notamment à l'aide d'un coefficient égal au rapport ayant existé, l'année précédente, entre la taxe exigible avant déduction de la taxe qui a grevé les investissements et le chiffre d'affaires total, un versement qui présente le caractère d'un acompte sur le montant de la taxe due, tel qu'il résultera de la déclaration annuelle prévue à l'article 242 sexies précité de l'annexe II ; que, dans ces conditions, seul, le défaut de souscription de cette dernière déclaration dans le délai fixé à l'article 242 sexies est de nature à entraîner, pour les contribuables placés sous le régime simplifié d'imposition, la taxation d'office prévue à l'artice 288 du code général des impôts ;

Considérant par suite que l'administration, qui n'invoque pas le défaut de souscription par Mme X... de sa déclaration annuelle afférente à l'année 1982, n'était pas en droit de taxer d'office à la taxe sur la valeur ajoutée son chiffre d'affaires afférent à la période du 1er au 31 janvier 1982 ni de pratiquer des redressements au titre d'une période pour laquelle le délai de déclaration n'était pas expiré ; que Mme X... était dès lors fondée à demander au tribunal administratif de Nantes la décharge de la taxe qui lui avait été assignée au titre de la période considérée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 26 février 1986 est annulé.
Article 2 : Mme X... est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, respectivement, au titre des années 1978 à 1981 et de la période du 1er janvier 1978 au 31 janvier 1982.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 78301;78302
Date de la décision : 05/06/1989
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE - NOTION -Existence - Contrôle inopiné ayant le caractère d'une vérification de comptabilité - Circonstance que les agents du service sont également commissionnés dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945 alors en vigueur sans influence.

19-01-03-01-02-02 Les agents du service fiscal ont remis le 5 mai 1982 au contribuable, qui exploitait un café-restaurant, un avis de vérification de sa comptabilité et ont immédiatement commencé des investigations. Les agents du service ont, dès le début de ces investigations et après avoir effectué l'inventaire du stock de marchandises, recherché si certaines de ces marchandises avaient été achetées sans factures en demandant au contribuables les pièces justificatives de leur achat, lesquelles doivent être regardées comme des documents comptables. Si le ministre fait valoir que cette demande, qui constitue l'un des éléments d'une vérification de comptabilité, a été formulée en l'espèce dans l'exercice de la mission de contrôle économique pour laquelle les mêmes agents étaient également commissionnés dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945 alors en vigueur, et que l'administration fiscale a pu légalement recevoir communication de ce dernier contrôle, une telle démarche révèle en l'espèce un détournement de procédure qui a permis aux agents d'effectuer une véritable vérification de comptabilité sans respecter le délai prévu par les dispositions précitées de l'article L.47 du livre des procédures fiscales. Ces investigations irrégulières ayant été à l'origine des compléments d'imposition en litige, le contribuable est fondé à soutenir que les compléments d'imposition mis à sa charge en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée à la suite de cette vérification ont été établis sur une procédure irrégulière, et à en demander la décharge.


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales LL47
. CGIAN2 242 quater, 242 sexies, 204 ter, 383 ter CGI 302 septies A, 287, 288
CGI L47
Loi 82-1126 du 29 décembre 1982 art. 74 par. II Finances pour 1983
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 1989, n° 78301;78302
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Turquet de Beauregard
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:78301.19890605
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