Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1984 et 4 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Juliette X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 26 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat (ministre de la Défense) à verser à Mme X... une indemnité de 28 574,53 F qu'elle estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables ayant résulté pour elle : 1° - d'une mesure de déclassement qui lui a été illégalement infligée à compter du 1er juin 1972, 2° du refus non justifié opposé par l'administration à sa demande de réintégration présentée dès le 24 mai 1976, 3° des modalités illégales de sa réintégration à compter du 1er août 1977, 4° du refus enfin opposé à sa demande de reconstitution de carrière,
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 155 650 F,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision n° 43-537 du 6 avril 1971 relative à l'unification des conditions d'avancement en échelon et en groupe, des ouvriers de la défense nationale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de Mme Juliette X...,
- les conclusions de M. Lévis, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne le préjudice causé à Mme X... par la décision de déclassement du 9 juin 1972 :
Considérant que Mme X..., ouvrier d'Etat du groupe IV, ayant subi avec succès un essai pour l'accès à la profession de mécanographe perforeur, a été classée, à compter du 1er décembre 1971, dans le groupe V, au 6ème échelon de ce groupe ; que, par décision du 9 juin 1972, elle a été déclassée et ramenée au groupe IV, 4ème échelon à compter du 1er juin 1972 ; que, saisi par Mme X..., le tribunal administratif de Pau a, par jugement avant-dire-droit du 4 octobre 1983, estimé que la décision du 9 juin 1972 était intervenue dans des conditions illégales de nature à ouvrir à Mme X... droit à indemnité et, par le jugement attaqué, en date du 26 juin 1984, condamné l'Etat à verser de ce chef 6 154,53 F à Mme X... ; que celle-ci fait appel en soutenant qu'elle aurait dû être classée à compter du 1er décembre 1971 non au 6ème échelon, mais au 8ème échelon du groupe V et que c'est sur cette base qu'aurait dû être calculé le préjudice que lui a causé, entre le 1er juin 1972 et le 1er décembre 1974, date à laquelle elle a été mise sur sa demande en position de congé sans solde, la décision du 9 juin 1972 ;
Considérant qu'aux termes du II, A), 5° de la décision n° 43 537 en date du 6 avril 1971 du ministre d'Etat chargé de la défense nationale relative à l'unification des conditions d'avancement en échelon et en groupe, des ouvriers de la défense nationale : "Le classement dans le groupe supérieur se fait, après l'essai professionnel, à l'échelon déterminé en prenant en considération : - Les services antérieurement accomplis en qualité d'ouvrier réglementé, saisonnier ou en régie directe et les services militaires légaux et de mobilisation, en appliquant à ces services le rythme de l'avancement d'échelon à l'ancienneté - la note d'affûtage à l'essai ..." ; qu'il résulte des dispositions de la même décision relatives aux notes résultant de l'essai que peuvent subir les ouvriers pour bénéficier d'un avancement, qu'aux notes d'affûtage obtenues à l'essai comprises entre 18 et 20 points, correspond le 4ème échelon ; qu'en application de ces dispositions, Mme X..., qui avait obtenu la note de 18,62 points à l'essai professionnel auquel elle s'était présentée, devait être reclassée à l'échelon du groupe supérieur qui résultait de l'addition, d'une part, des échelons correspondant à son ancienneté de 6 ans, 1 mois, 20 jours, soit 2 échelons et, d'autre part, des 4 échelons correspondant à la note 18,62 ; qu'elle devait donc être reclassée, lors de son accession au groupe V, au 6ème échelon de ce groupe ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû être classée au 8ème échelon de ce groupe et qu'en lui allouant une indemnité de 6 154,53 F, calculée en fonction de la rémunération afférente au 6ème échelon du groupe V, le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation du préjudice que lui a causé la mesure de déclassement du 9 juin 1972 ;
Sur le préjudice né du retard apporté à prononcer la réintégration de Mme X... à l'issue de son congé sans solde :
Considérant que Mme X... a demandé, le 24 mai 1976, à être réintégrée à compter du 1er octobre 1976 ; que le ministre de la défense n'a pas, à la suite du supplément d'instruction auquel a procédé le tribunal administratif, apporté d'éléments de nature à établir que, contrairement à ce que soutenait Mme X..., il n'y avait pas, le 1er octobre 1976, d'emploi vacant permettant de prononcer cette réintégration ; que Mme X... est donc en droit d'obtenir réparation du préjudice que lui a causé son absence de réintégration entre le 1er octobre 1976 et le 1er août 1977, date à laquelle elle a été réintégrée ; que si, en l'absence de service fait, elle ne saurait prétendre au rappel des traitements afférents à cette période, le préjudice qu'elle a subi est, en l'espèce, et alors qu'il n'est pas allégué qu'elle aurait perçu d'autre rémunération pendant cette période, égal au montant de ces traitements, soit 27 442,80 F ; qu'il y a lieu de porter à ce chiffre l'indemnité de 10 000 F que le jugement attaqué lui a alloué de ce chef ;
Sur le préjudice né des modalités de réintégration :
Considérant que Mme X... qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne pouvait prétendre être classée au 8ème échelon du groupe V, n'est pas fondée à soutenir qu'en lui allouant une somme de 12 420 F au titre du préjudice résultant de ce que sa réintégration avait été prononcée au 5ème échelon du groupe IV, le jugement attaqué aurait fait une inexacte appréciation de ce préjudice ;
Sur les autres chefs de préjudice :
Considérant, d'une part, que Mme X..., si elle était en droit d'être indemnisée des préjudices que lui avaient causés les décisions illégales de déclassement et de refus de réintégration prises à son égard, n'était pas en droit de prétendre à une reconstitution de carrière, dès lors qu'elle avait laissé ces décisions devenir définitives et ne saurait prétendre que la carence de l'administration à reconstituer sa carrière lui ouvrirait droit à indemnité ; que, d'autre part, elle n'assortit pas de précisions suffisantes ses conclusions relatives au préjudice qui serait résulté de l'incidence de ces décisions sur ses droits à retraite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à demander la réformation du jugement attaqué et à ce que la somme que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée de 28 574,53 F à 46 017,33 F ;
Article 1er : La somme que le jugement du 26 juin 1984 du tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à Mme X... est portée de 28 574,53 F à 46 017,33 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 3 : Le jugement, en date du 26 juin 1984, du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre de la défense.