La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/1989 | FRANCE | N°52156

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 21 juillet 1989, 52156


Vu le recours enregistré le 7 juillet 1983 et les mémoires complémentaires enregistrés les 7 novembre 1983 et 30 décembre 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Limoges a déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1974, par avis de mi

se en recouvrement du 30 mars 1978 ;
2°) remette à la charge de M. X....

Vu le recours enregistré le 7 juillet 1983 et les mémoires complémentaires enregistrés les 7 novembre 1983 et 30 décembre 1983, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Limoges a déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1974, par avis de mise en recouvrement du 30 mars 1978 ;
2°) remette à la charge de M. X... l'intégralité de ces droits et pénalités,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Challan-Belval, Maître des requêtes,
- les observations de Me Célice, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., qui réside au Rouret (Alpes-Maritimes) et a, jusqu'en 1975, exploité, à Limoges, un rayon de boucherie dans un grand magasin et un commerce de détail d'épicerie et exercé, en outre, les professions de lotisseur et d'exploitant agricole, a fait l'objet en 1977, pour ces diverses activtés, d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle il a été assujetti à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1975 ;
Considérant que, par le jugement dont le ministre fait appel, le tribunal administratif de Limoges a déchargé M. X... de cette imposition au motif que la vérification des documents comptables ayant eu lieu dans les locaux de l'administration où ils avaient été transportés, M. X... a été ainsi privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification, que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire ; qu'il doit, en ce cas, remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ; qu'en outre, cette pratique ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des dispositions des articles 1649 septies et 1649 septies F du code général des impôts, maintenant reprises aux articles L.47 et L.52 du livredes procédures fiscales, et qui ont, notamment, pour objet de lui assurer, sur place, des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a reçu à son bureau, le 3 mars 1977, sur leur demande, M. X... et son conseil, qui lui ont remis, ce même jour, des pièces comptables ; que ces pièces ont été conservées par le vérificateur jusqu'au 3 novembre 1977 ; que, bien que M. X... ait apporté, de sa propre initiative, les documents dont s'agit au bureau du vérificateur, ce dernier les a conservés sans demande écrite préalable de l'intéressé et sans lui délivrer un reçu des pièces détenues et s'est abstenu de les restituer au terme de la période de vérification ; que, si le ministre soutient que M. X... ne disposait plus à Limoges, en 1977, d'un local pouvant être mis à la disposition du vérificateur, il n'établit pas que le vérificateur s'est trouvé, de ce fait, dans l'impossibilité de respecter les règles rappelées ci-dessus ; que, dans ces conditions, la vérification est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la nullité des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. X... ;
Considérant, toutefois, que le ministre, qui peut soulever à tout moment un moyen de nature à justifier l'imposition, fait valoir que les déclarations de chiffre d'affaires de M. X... ont été tardivement souscrites et que l'intéressé se trouvait, dès lors, en situation d'être taxé d'office ; qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que les déclarations mensuelles de chiffres d'affaires auxquelles était tenu M. X..., ont été déposées hors délai pour les mois de janvier, février, mars, mai, août, octobre, novembre et décembre 1973, janvier, février, mars, avril, juin et juillet 1974, août, octobre et novembre 1975 ;

Considérant que, pour les mois d'avril, juin, juillet et septembre 1973, mai 1974, août à décembre 1974, janvier à juillet 1975, septembre et décembre 1975, M. X... ne se trouvait pas en situation d'être taxé d'office ; que les redressements opérés au titre de ces mois, trouvant leur origine dans une vérification irrégulière de la comptabilité de l'entreprise de M.
X...
, ne peuvent être maintenus ; que le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a déchargé M. X... de la fraction correspondante du supplément de taxe sur la valeur ajoutée contesté ;
Considérant que, pour les mois de janvier, février, mars, mai, août, octobre, novembre et décembre 1973, janvier, février, mars, avril, juin et juillet 1974, août, octobre et novembre 1975, M. X... se trouvait en situation d'être taxé d'office ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la vérification de sa comptabilité, est inopérant ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que, s'agissant de la fraction du supplément de taxe correspondant aux recettes des mois ci-dessus mentionnés, le tribunal administratif a retenu à tort ce moyen pour en prononcer la décharge ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi, par l'effet dévolutif de l'appel, du litige concernant la fraction d'imposition dont s'agit, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ainsi que les moyens en défense qu'il présente devant le Conseil d'Etat ;
Sur la prescription alléguée de la fraction d'imposition afférente aux recettes de l'année 1973 :

Considérant qu'il résulte des termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 1975 du code général des impôts, que la prescription est interrompue par la notification d'un redressement, et quels que soient les motifs qui justifient ce dernier ; que la notification adressée à M. X... le 26 octobre 1977 a eu pour effet d'interrompre la prescription de l'imposition susmentionnée, à concurrence du montant des redressements dont elle fait état ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que cette imposition était prescrite lors de la mise en recouvrement le 30 mars 1978 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que l'entreprise de M.
X...
avait, pendant la période d'imposition concernée, son siège dans le ressort de la direction régionale des impôts de Limoges ; que bien qu'à l'époque de la vérification, M. X... résidât dans les Alpes-Maritimes, les agents de la direction régionale de Limoges étaient compétents, en vertu de l'arrêté ministériel du 2 février 1971, pour procéder à cette vérification et pour notifier à M. X... les redressements opérés ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 181-A du code général des impôts, applicables à des impositions qui ont été mises en recouvrement en 1978, "les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office, sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ; que la notification adressée à M. X... le 26 octobre 1977 satisfait à ces exigences ; que le fait qu'elle a été remise de la main à la main à M. X... est sans influence sur sa validité ; que si M. X... soutient que l'administration aurait obtenu dans des conditions irrégulières son accord aux redresements en litige, il ne l'établit pas ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il appartient à M. X..., qui se trouvait en situation d'être taxé d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant que la comptabilité présentée au vérificateur retraçait globalement les données afférentes aux diverses activités exercées par M. X... et ne permettait pas d'identifier les achats et les ventes propre à chacune d'elles et, notamment, à l'activité d'épicerie ; qu'ainsi M. X... ne peut se prévaloir des énonciations de sa comptabilité pour apporter la preuve qui lui incombe ;
Considérant que le vérificateur a reconstitué les recettes de l'épicerie en appliquant au montant évalué des achats un coefficient de 1,12 ; que, si pour contester le redressement ainsi opéré, M. X... soutient que les recettes de l'épicerie auraient été affectées par des "transferts" de recettes entre ce secteur et celui de la boucherie, lequel n'a d'ailleurs donné lieu à aucun redressement, il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation ; que, s'il fait état de la perte constatée, en 1971, à la suite d'un vol, il n'apporte aucune indication quant à la réalité et aux circonstances de celui-ci ; que la perte alléguée en 1977 ne concerne pas le secteur de l'épicerie ; qu'il résulte enfin de l'instruction que c'est à bon droit que le vérificateur a réintégré une recette de 27 214,03 F portée directement au crédit d'un compte personnel de M. X... ;
Sur les pénalités :

Considérant que l'administration établit qu'au cours de la période d'imposition, M. X... a minoré systématiquement les recettes déclarées et qu'ainsi sa bonne foi ne peut être admise ; que M. X... n'est pas donc fondé à soutenir que c'est à tort que les pénalités prévues par les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1731 du code général des impôts, lui ont été appliquées ;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de déterminer le montant des droits et pénalités afférents aux recettes des mois d'avril, juin, juillet, septembre 1973, mai 1974, août à décembre 1974, janvier à juillet 1975, septembre et décembre 1975, dont le tribunal administratif a, à bon droit, prononcé la décharge et celui des droits et pénalités afférents aux recettes des autres mois de la période d'imposition qui doivent être remis à la charge de M. X... ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de permettre au ministre, chargé du budget, de procéder, contradictoirement avec M. X..., à la détermination des éléments de cette répartition ;
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions du recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET, il sera procédé, par les soins de ce ministre, contradictoirement avec M. X..., à un supplémentd'instruction en vue de déterminer, conformément aux motifs de la présente décision, les éléments de la répartition à opérer entre les droits et pénalités afférents aux recettes des mois d'avril, juin, juillet et septembre 1973, mai 1974, août à décembre 1974, janvier à juillet 1975, septembre et décembre 1975, d'une part, les droits et pénalités afférents aux recettes des autres mois de la période d'imposition, d'autre part.
Article 2 : Il est accordé au ministre un délai de quatre mois àdater de la notification de la présente décision pour faire parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les renseignements définis à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 52156
Date de la décision : 21/07/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L47, L52
Arrêté ministériel du 02 février 1971
CGI 1649 septies, 1649 septies F, 181 A, 1731


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 1989, n° 52156
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Challan-Belval
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:52156.19890721
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award