Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 février 1989 et 26 avril 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jesus X... OSA AROCENA, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret du 20 janvier 1989 accordant son extradition aux autorités espagnoles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret du 2 mai 1953 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lemaitre, Monod, avocat de M. Jesus X... OSA AROCENA,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret du 20 janvier 1989 accordant aux autorités espagnoles l'extradition de M. Jesus X... OSA AROCENA énumère les différentes infractions pour lesquelles il est recherché par la justice espagnole et précise d'une part que ces infractions sont punissables en droit français et non prescrites, n'ont pas un caractère politique et, d'autre part, que l'extradition est accordée conformément aux articles 2 et 3 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; que l'omission de la mention des articles du code pénal définissant et réprimant lesdites infractions ne saurait entaché d'irrégularité le décret attaqué, qui satisfait ainsi aux exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que l'allégation selon laquelle la procédure ayant précédé le décret attaqué n'aurait pas été conforme aux prescriptions du titre II de la loi du 10 mars 1927 n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité interne du décret :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte d'une décision de la commission des recours des réfugiés du 17 septembre 1985, confirmée par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 29 avril 1988 que la qualité de réfugié n'a pas été reconnue au requérant ; que celui-ci n'invoque aucun fait nouveau survenu depuis les décisions précitées et de nature à lui donner droit à la reconnaissance de ladite qualité ; que le moyen tiré de la méconnaissance, par le décret attaqué, de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 manque, dès lors, en fait ;
Considérant, en second lieu, que l'extradition a été accordée pour des infractions consistant en appartenance à des bandes armées, dépôt d'armes de guerre, détention d'explosifs, "ravages et tentatives d'assassinats ; que la circonstance que ces crimes, qui ne sont pas politiques par leur nature, auraient été commis dans le cadre d'une lutte pour l'indépendance du pays basque et au sein d'une organisation armée ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire regarder comme ayant un caractère politique ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte clairement des termes de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 qu'elle ne permet pas au Gouvernement français de subordonner l'extradition à des conditions autres que celles qui sont prévues par la convention ; que, si l'article 1er de la loi du 10 mars 1927 dispose que cette loi s'applique aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités, cette disposition ne saurait prévaloir sur celles de la convention précitée, qui sont plus récentes et qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, ont une autorité supérieure à celle de la loi ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 5-2 de la loi du 10 mars 1927 pour soutenir que le Gouvernement français ne pouvait légalement accorder son extradition aux autorités espagnoles ;
Considérant, enfin, que contrairement aux allégations du requérant, le système judiciaire espagnol, dont fait partie la juridiction dite "Audencia Nacional", respecte les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine, ainsi que l'exigent les principes généraux du droit de l'extradition ; que l'affirmation selon laquelle la procédure suivie devant cette juridiction ainsi que les peines prononçées par elle seraient contraires aux stipulations de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Jesus X... OSA AROCENA n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de M. Jesus X... OSA AROCENA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jesus X... OSA AROCENA et au Garde des sceaux, ministre de la justice.