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28/07/1989 | FRANCE | N°107472

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 28 juillet 1989, 107472


Vu la requête, enregistrée le 29 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Joseph HOARAU, demeurant 50, boulevard Hubert Delisle à Saint-Pierre-de-la-Réunion (97410) ainsi que pour M. Julien RAMIE, M. Christian DAMBREVILLE, Louis Gilbert RIGOT, M. Camille Marie Joseph GERARD, M. Charles Marie Luis HOARAU, M. André Jean Marie HOARAU, M. Freddy Aldo MIQUEL, M. Joseph LAW YEE, M. Michel LI CHAN YOU, M. Jean-Louis Harold CAZAL, M. Daniel Bernard WU TIU YEN P, M. Richeville MARVILLIERS, M. Marcel PHILIPPE, M. Félix Henri CADET, Mme Colette GONTHIER épouse

LAURET, M. Amode ISMALE DAOUDJEE, M. Abraham KICHENAPNAI...

Vu la requête, enregistrée le 29 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Joseph HOARAU, demeurant 50, boulevard Hubert Delisle à Saint-Pierre-de-la-Réunion (97410) ainsi que pour M. Julien RAMIE, M. Christian DAMBREVILLE, Louis Gilbert RIGOT, M. Camille Marie Joseph GERARD, M. Charles Marie Luis HOARAU, M. André Jean Marie HOARAU, M. Freddy Aldo MIQUEL, M. Joseph LAW YEE, M. Michel LI CHAN YOU, M. Jean-Louis Harold CAZAL, M. Daniel Bernard WU TIU YEN P, M. Richeville MARVILLIERS, M. Marcel PHILIPPE, M. Félix Henri CADET, Mme Colette GONTHIER épouse LAURET, M. Amode ISMALE DAOUDJEE, M. Abraham KICHENAPNAIDOU, M. Hervé Daniel GUEZELOT, M. Emilien Luc MINATCHY, M. André SOUPRAMAHIEU, M. Jean-Marc CLAIN, M. Gérard RIANI, M. Amode Ousman PATEL, M. Firmin VIRY, M. Georges Emile VOLIA, M. Joseph Yvon MARIAYE, Mme Marie-Henriette LAROQUE, M. Alain Paul HOARAU, Mme Havan Bibi PATEL épouse REMAI, M. Jean-Emile ABLANCOURT, Mme Marie Suzie BARRET, M. Harry Baptiste LAMY, M. Joseph MARAICHIA, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 29 mars 1989 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en tant que ce jugement a d'abord annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 12 mars 1989 dans la commune de Saint-Pierre de la Réunion en vue de l'élection du conseil municipal, puis prononcé la suspension du mandat de l'ensemble des conseillers municipaux proclamés élus à l'issue dudit scrutin, ensuite déclaré que la présidence des bureaux de vote et celle du bureau centralisateur sera assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance de Saint-Pierre lors de l'élection partielle organisée à la suite de l'annulation susmentionnée, et enfin décidé qu'il y aura lieu de communiquer le dossier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Pierre lorque le jugement susvisé sera devenu définitif,
2°- déclare qu'il sera sursis à l'exécution dudit jugement en tant qu'il suspend le mandat de l'ensemble des conseillers municipaux proclamés élus,
3°- rejette le déféré présenté par le préfet de la Réunion et les protestations de MM. Pihouée, Denuzière, Passinay et d'Export,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Chatelier, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de M. Elie HOARAU et autres et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Pihouée,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. HOARAUet autres, qui n'ont présenté devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, dans les conditions prévues par l'article R.164 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, aucune demande de récusation à l'encontre de l'un des membres du tribunal administratif faisant partie de la formation de jugement, ne sauraient utilement soutenir devant le juge d'appel que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité du fait de la participation à la formation de jugement de l'un des conseillers du tribunal administratif ;
Sur les conclusions de la requête relatives aux résultats du scrutin :
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'avant de proclamer les résultats du premier tour, le bureau centralisateur, qui était présidé par M. Dambreville, lequel figurait en troisième position sur la liste du maire sortant, M. HOARAU, a, méconnaissant délibérément les dispositions de l'article R.69 du code électoral aux termes duquel : "les résultats arrêtés par chaque bureau et les pièces annexes ne peuvent en aucun cas être modifiés", annulé l'ensemble des suffrages qui s'étaient portés, d'une part, sur la liste conduite par M. Denuzière, d'autre part, sur celle que conduisait M. Passinay ; que ces modifications, en ramenant le nombre des suffrages exprimés de 24 537 à 23 123, ont permis à la liste "Rassemblement pour Saint-Pierre capitale du Sud", conduite par M. HOARAU, de disposer de la majorité absolue des suffrages exprimés avec 11 578 voix et de l'emporter en conséquence dès le premier tour avec 34 élus, les 11 autres sièges étant attribués à la liste de "Rassemblement des libéraux de Saint-Pierre", conduite par M. Pihouée, qui avait obtenu 11 545 voix ;

Considérant que M. HOARAU et autres soutiennent, pour justifier cette rectification irrégulière, que l'annulation des suffrages en cause s'imposait dès lors que les intitulés figurant sur les bulletins de vote des listes conduites respectivement par M. Denuzière et M. Passinay ne correspondaient pas aux intitulés de ces deux listes tels qu'ils apparaissaient dans les déclarations de candidature enregistrées à la préfecture, les noms des deux premiers candidats de la liste ayant été ajoutés après le titre de la première et le nom du candidat tête de liste figurant après le titre de la seconde ; que, toutefois, si l'article L.269 du code électoral dispose qu'"est nul tout bulletin établi au nom d'une liste dont la déclaration de candidature n'a pas été enregistrée", aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce qu'il soit adjoint au titre de la liste inscrit sur les bulletins de vote le nom d'un ou de plusieurs candidats figurant sur celle-ci ; que, d'autre part, les intitulés des bulletins des listes de MM. Denuzière et Passinay n'étaient pas de nature à faire obstacle à ce que les électeurs de Saint-Pierre, en déposant dans l'urne ces bulletins, manifestent clairement, et sans équivoque, leur intention de voter soit pour la liste conduite par M. Denuzière, soit pour la liste conduite par M. Passinay ; qu'au surplus, le bureau centralisateur a modifié les résultats à huis-clos sans qu'aucun représentant des autres listes n'ait pu faire valoir son point de vue et sans qu'aucun membre de la commission de contrôle n'ait été consulté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les irrégularités commises lors du recensement général des votes ont été de nature à altérer les résultats du scrutin ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a prononcé l'annulation des opérations électorales ;

Sur les conclusions de la requête de M. HOARAU et autres tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement qui a ordonné la suspension du mandat des candidats proclamés élus :

Considérant qu'aux termes de l'article L.250-1 du code électoral : "Le tribunal administratif peut, en cas d'annulation d'une élection pour man euvres dans l'établissement de la liste électorale ou irrégularité dans le déroulement du scrutin, décider, nonobstant appel, la suspension du mandat de celui ou de ceux dont l'élection est annulée. - En ce cas, le Conseil d'Etat rend sa décision dans les trois mois de l'enregistrement du recours. A défaut de décision définitive dans ce délai, il est mis fin à la suspension.- Dans les cas non visés aux alinéas précédents, le Conseil d'Etat rend sa décision dans les six mois qui suivent l'enregistrement du recours" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur a entendu permettre aux tribunaux administratifs de prononcer la suspension dans tous les cas où des irrégularités dans les opérations électorales ont été de nature à affecter les résultats du scrutin ; qu'eu égard tant à la nature et à la gravité des irrégularités relevées qu'à leur caractère délibéré, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a suspendu les mandats des candidats proclamés élus ;
Sur les conclusions de la requête de M. HOARAU et autres tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement qui fait application des dispositions de l'article L.118-1 du code électoral :
Considérant que, dans les circonstances où elles se sont produites, les irrégularités ci-dessus exposées ont constitué des fraudes ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, a décidé, en application des dispositions de l'article L.118-1 du code électoral, que la présidence des bureaux de vote et du bureau centralisateur serait assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance de Saint-Pierre lors de l'élection consécutive à l'annulation que le tribunal a prononcée ;
Sur les conclusions de la requête de M. HOARAU et autres tendant à l'annulation de l'article 5 du jugement qui fait application des dispositions de l'article L.117-1 du code électoral :

Considérant que les circonstances relatées ci-dessus révèlent à la juridiction administrative, en l'état de l'instruction menée par elle, l'existence de faits de fraude électorale ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, dont, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement est aussi suffisamment motivé sur ce point, a, en application de l'article L.117-1 dudit code, décidé qu'il y avait lieu de communiquer le dossier au procureur de la République de Saint-Pierre ;
Article 1er : La requête de M. HOARAU et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph HOARAU, M. Julien RAMIE, M. Christian DAMBREVILLE, Louis Gilbert RIGOT, M. Camille Marie Joseph GERARD, M. Charles Marie Luis HOARAU, M. André Jean Marie HOARAU, M. Freddy Aldo MIQUEL, M. Joseph LAW YEE M. Michel LI CHAN YOU, M. Jean-Louis Harold CAZAL, M. Daniel Bernard WU TIU YEN P, M. Richeville MARVILLIERS, M. Marcel PHILIPPE, M. FélixHenri CADET, Mme Colette GONTHIER épouse LAURET, M. Amode ISMALE DAOUDJEE, M. Abraham KICHENAPNAIDOU, M. Hervé Daniel GUEZELOT, M. Emilien Luc MINATCHY, M. André SOUPRAMAHIEU, M. Jean-Marc CLAIN, M. Gérard RIANI, M. Amode Ousman PATEL, M. Firmin VIRY, M. Georges EmileVOLIA, M. Joseph Yvon MARIAYE, Mme Marie-Henriette LAROQUE, M. Alain Paul HOARAU, Mme Havan Bibi PATEL épouse REMAI, M. Jean-Emile ABLANCOURT, Mme Marie Suzie BARRET, M. Harry Baptiste LAMY, M. JosephMARAICHIA, à MM. Pihouée, Passinay, Denuzière et d'Export et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 107472
Date de la décision : 28/07/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - DEPOUILLEMENT - BUREAU CENTRALISATEUR - Recensement général des votes - Modification par le bureau centralisateur des résultats inscrits au procès-verbal d'un bureau de vote - Annulation des élections compte tenu des circonstances dans lesquelles a été faite cette modification.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - ANNULATION D'UNE ELECTION - ETENDUE DE L'ANNULATION.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - ANNULATION D'UNE ELECTION - POUVOIRS SPECIAUX DU JUGE ELECTORAL - (1) Suspension par le tribunal administratif du mandat de conseillers municipaux dont l'élection est annulée - Article L - 250-1 du code électoral - Cas dans lesquels elle peut être ordonnée - (2) Décision de faire assurer la présidence des bureaux de vote par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance après annulation d'une élection pour fraude - (3) Communication du dossier au procureur de la République dans le cas où sont révélés des faits de fraude électorale.

PROCEDURE - INCIDENTS - RECUSATION - Récusation de conseillers d'un tribunal administratif - Récusations non exercées devant le tribunal administratif - Irrecevabilité.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS NOUVELLES - Récusation de conseillers d'un tribunal administratif - Récusations non exercées devant le tribunal administratif - Irrecevabilité.


Références :

. Code électoral R69, L269, L250-1, L118-1, L117-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R164

1. Rapp., ELections municipales de Sarcelles, 1983-09-02, n° 51182.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1989, n° 107472
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Le Chatelier
Rapporteur public ?: de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:107472.19890728
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