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09/10/1989 | FRANCE | N°70978

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 09 octobre 1989, 70978


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS, CHARGE DE LA MER enregistrés les 31 juillet 1985 et 25 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 28 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la société Service Maritime Carteret-Jersey du fait du blocus en août 1980 par les marins pêcheurs du port de Carteret,
2° rejette la demand

e présentée par la société Service Maritime Carteret-Jersey,
3° à t...

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS, CHARGE DE LA MER enregistrés les 31 juillet 1985 et 25 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 28 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la société Service Maritime Carteret-Jersey du fait du blocus en août 1980 par les marins pêcheurs du port de Carteret,
2° rejette la demande présentée par la société Service Maritime Carteret-Jersey,
3° à titre subsidiaire réforme le jugement attaqué en tant qu'il accorde réparation pour le préjudice subi du fait du blocus passée une durée de vingt-quatre heures, pour ramener cette durée à quarante-huit heures,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rossi, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de la société anonyme Service Maritime Carteret-Jersey,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, que l'impossibilité pour un bateau de ligne d'entrer dans un port français normalement ouvert au trafic ou d'en sortir en raison de barrages établis par des tiers pour appuyer des revendications professionnelles ne saurait être regardée comme un aléa normal du commerce maritime ;
Considérant, d'autre part, qu'eu égard à l'ampleur des manifestations déclenchées par les marins pêcheurs dans la plupart des ports français au mois d'août 1980, qui ont affecté les mouvements des navires utilisant ces ports et l'activité de très nombreuses entreprises dont le fonctionnement est lié directement ou indirectement à l'activité portuaire, l'abstention, de la part des autorités de l'Etat chargées de la police de ces ports, de recourir à la force pour disperser les barrages ne peut engager, en dehors de toute faute, la responsabilité de l'Etat qu'envers les usagers qui ont subi, du fait de cette abstention, un préjudice suffisamment grave et spécial ; que si cette condition peut être normalement appréciée, s'agissant des armateurs de navires, en fonction de la durée de la fermeture du port, en tenant compte, le cas échéant, des périodes pendant lesquelles le trafic a pu effectivement reprendre, il ressort de l'examen des pièces du dossier que les caractéristiques de l'exploitation de la société "Service Maritime Carteret-Jersey", qui assure avec deux navires un service de transport de passagers pour des excursions à Jersey à partir du port de Carteret, ne permettent pas de se fonder utilement, en cette période de mortes-eaux, sur la durée des périodes successives de fermeture et d'ouverture du port ;

Considérant qu'eu égard au caractère essentiellement saisonnier d'une telle activité, la fermeture du port de Carteret à la navigation entre le 18 et le 28 août 1980, est constitutive, malgré deux périodes de réouverture de 24 heures chacune, d'un préjudice anormal, susceptible d'être indemnisé sur la base du principe de l'égalité devant les charges publiques ; qu'il sera fait une correcte appréciation de la part de ce préjudice qui doit être mise à la charge de l'Etat en la fixant aux trois quarts du préjudice résultant pour la société de l'annulation des traversées qu'elle devait effectuer, entre les 20 et 28 août 1980, en vue d'excursions à Jersey à partir du port de Carteret ;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de modifier sur ces bases la mission confiée à l'expert désigné par le tribunal administratif de Caen ;
Article 1er : L'Etat est déclaré responsable des trois quarts du préjudice résultant pour la société "Service Maritime Carteret-Jersey" des traversées qu'elle devait effectuer vers Jersey à partir du port de Carteret entre le 20 et le 28 août 1980 en vue d'excursions à Jersey.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement attaqué sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le recours du secrétaire d'Etat chargé de la mer et le surplus des conclusions du recours incident de la société "Service Maritime Carteret-Jersey" sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société "Service Maritime Carteret-Jersey" et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


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