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13/10/1989 | FRANCE | N°77305

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 13 octobre 1989, 77305


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération de son conseil municipal en date du 14 novembre 1984 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 13 septembre 1984 par laquelle le Préfet, commissaire de la République du département de la Haute-Garonne a souscrit un contr

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Vu la requête, enregistrée le 2 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération de son conseil municipal en date du 14 novembre 1984 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 13 septembre 1984 par laquelle le Préfet, commissaire de la République du département de la Haute-Garonne a souscrit un contrat d'association à l'école privée mixte Saint-Louis à Labarthe-sur-Lèze ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 28 mars 1882 ;
Vu la loi du 30 octobre 1886 ;
Vu le décret du 7 avril 1887 ;
Vu la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par les lois des 1er juin 1971 et 25 novembre 1977 ;
Vu le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 modifié par le décret du 8 mars 1978 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de la commune de LABARTHE-SUR-LEZE et de Me Brouchot, avocat de l'association de gestion de l'école privée mixte Saint-Louis,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de la prétendue absence de besoin scolaire :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959, modifiée par la loi du 1er juin 1971, "les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'Etat un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés à l'article 1er de la présente loi" ; que, selon les dispositions du 2ème alinéa de cet article 1er, "l'Etat proclame et respecte la liberté de l'enseignement et en garantit l'exercice aux établissements privés régulièrement ouverts" ;
Considérant que, pour apprécier si l'école privée mixte Saint-Louis répondait à un besoin scolaire, le préfet, commissaire de la République du département de la Haute-Garonne devait tenir compte de la totalité des élèves inscrits dans l'établissement et non des seuls élèves domiciliés à Labarthe-sur-Lèze ; qu'il résulte des pièces du dossier qu'à la rentrée de l'année scolaire 1983-1984, cinq classes étaient ouvertes à l'école privée mixte Saint-Louis, comprenant des effectifs correspondant aux normes des écoles publiques ; qu'eu égard tant à la part ainsi prise par cet établissement dans la scolarisation des enfants de Labarthe-sur-Lèze et se environs qu'à l'absence dans le même secteur d'une autre école privée sous contrat d'association, l'école privée mixte Saint-Louis répondait, alors même que des places disponibles auraient existé dans les écoles publiques de la commune, à un besoin scolaire au sens des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1959 ; que le moyen tiré par la commune de ce que, en l'absence de besoin scolaire le préfet ne pouvait légalement décider de signer le contrat doit, dès lors, être écarté ;
Sur les moyens relatifs à la prétendue illégalité de la mise à la charge de la commune des dépenses de fonctionnement de l'école privée mixte Saint-Louis :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 25 novembre 1977, "les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public" ; qu'en vertu de cette disposition et ainsi que le précise d'ailleurs l'article 7 du décret susvisé du 22 avril 1960, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret du 8 mars 1978, les dépenses de fonctionnement (matériel) des classes du premier degré sous contrat d'association étaient, comme dans l'enseignement public, à la charge des communes ; que si, depuis sa modification par la loi du 25 novembre 1977, l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 dispose que "les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association sont prises en charge sous la forme d'une contribution forfaitaire versée par élève et par an calculée selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public" et n'indique donc pas par quelle collectivité cette contribution est versée, il résulte des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur n'a pas entendu revenir sur la règle selon laquelle les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association sont à la charge de la collectivité qui supporte les dépenses de fonctionnement des classes correspondantes de l'enseignement public ;
Considérant, d'une part, que l'article L. 221-1 du code des communes dispose que "sont obligatoires pour les communes les dépenses mises à leur charge par la loi", et qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 2 mars 1982, "ne sont obligatoires pour les communes que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé" ; que l'ensemble de ces dispositions n'ont pas privé de leur caractère obligatoire les dépenses qui découlent directement, pour les communes, des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1959 ;

Considérant, d'autre part, que l'article 11 du contrat qui prévoit que la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE, prend en charge les dépenses de fonctionnement matériel des classes faisant l'objet du contrat "conformément aux dispositions de l'article 3 du décret n° 78-247 du 8 mars 1978" se borne à rappeler les conséquences financières qui découlent pour la commune, dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et notamment du décret du 8 mars 1978, de la signature du contrat ; que ledit article 11 n'a ni pour objet ni pour effet de mettre irrégulièrement à la charge de la commune des dépenses qu'elle n'aurait pas à supporter en application de la réglementation existante comme les dépenses de fonctionnement des classes maternelles autres que celles dont le contrat a reçu son accord, ou les dépenses de fonctionnement des classes primaires, pour ce qui est des enfants résidant hors de la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que l'article 11 du contrat mettrait intégralement à la charge de la commune les dépenses de fonctionnement des classes faisant l'objet du contrat d'association ne sauraient être accueillies ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe de non -rétroactivité des actes administratifs :
Sur la recevabilité :
Considérant qu'en contestant en appel le caractère rétroactif des conséquences découlant pour elle de la décision par laquelle le préfet, commissaire de la République du département de la Haute-Garonne lui a notifié la mise à sa charge, à compter de la rentrée scolaire 1983-1984, des dépenses de fonctionnement matériel des classes ayant fait l'objet du contrat d'association conclu entre l'Etat et l'école privée mixte Saint-Louis, la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE a soulevé un moyen fondé sur la même cause juridique que les moyens de légalité interne invoqués dans le délai du recours contentieux ; que, par suite, ce moyen est recevable ;
Sur le fond :

Considérant qu'aucune disposition de la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 25 novembre 1977, ni aucune autre disposition législative n'autorise à faire produire un effet rétroactif aux conséquences découlant pour une commune d'un contrat auquel elle n'est pas partie ; que, dès lors, la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée, en tant qu'elle a fixé à une date antérieure à celle de sa notification à la commune, soit le 18 septembre 1984, la date d'effet des dispositions de l'article 11 du contrat, qui mettent à sa charge les dépenses de fonctionnement matériel des classes faisant l'objet de ce contrat ; que le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé en tant qu'il n'a pas annulé dans cette mesure ladite décision ;

Article 1er : Le jugement du 21 janvier 1986 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE dirigées contre la décision du 13 septembre 1984 du préfet, commissaire de la République du département de la Haute-Garonne en tant qu'elle a fixé à une date antérieure à celle de sa notification à la commune, la date d'effet des dispositions de l'article 11 du contrat passé le 13 septembre 1984 entre l'école privée Saint-Louis à Labarthe-sur-Lèze et l'Etat. La décision du 13 septembre 1984 est annulée dans la mesure susindiquée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LABARTHE-SUR-LEZE, à l'association de gestion de l'école privée mixte Saint-Louis et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 77305
Date de la décision : 13/10/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RETROACTIVITE - RETROACTIVITE ILLEGALE - Dépenses de fonctionnement matériel des classes sous contrat d'association - Décision fixant à une date antérieure à la notification à la commune la date d'effet des stipulations contractuelles mettant à la charge de la commune lesdites dépenses.

01-08-02-02, 16-04-01-015-01, 30-02-07-02-03 Aucune disposition de la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 25 novembre 1977, ni aucune autre disposition législative n'autorise à faire produire un effet rétroactif aux conséquences découlant pour une commune d'un contrat auquel elle n'est pas partie. Dès lors, illégalité de la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a notifié la mise à la charge de la commune, à compter de la rentrée scolaire 1983-1984, des dépenses de fonctionnement matériel de classes ayant fait l'objet d'un contrat d'association conclu entre l'Etat et une école privée.

COMMUNE - FINANCES - BIENS - CONTRATS ET MARCHES - FINANCES COMMUNALES - DEPENSES - SUBVENTIONS - Subventions aux établissements d'enseignement privé - Dépenses de fonctionnement matériel des classes sous contrat d'association - Décision fixant à une date antérieure à la notification à la commune la date d'effet des stipulations contractuelles mettant à la charge de la commune lesdites dépenses - Rétroactivité illégale.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVES - RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES PUBLIQUES ET LES ETABLISSEMENTS PRIVES - CONTRIBUTIONS DES COMMUNES AUX DEPENSES DE FONCTIONNEMENT DES ETABLISSEMENTS PRIVES SOUS CONTRAT D'ASSOCIATION - Décision fixant à une date antérieure à la notification par le préfet à la commune la date d'effet des stipulations contractuelles mettant à la charge de la commune les dépenses de fonctionnement matériel des classes sous contrat d'association - Rétroactivité illégale.


Références :

Code des communes 221-1
Décret 60-389 du 22 avril 1960 art. 7
Décret 78-247 du 08 mars 1978 art. 3
Loi 59-1557 du 31 décembre 1959 art. 4
Loi 71-400 du 01 juin 1971
Loi 77-1285 du 25 novembre 1977
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 1989, n° 77305
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Pochard
Rapporteur public ?: M. de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:77305.19891013
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