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23/10/1989 | FRANCE | N°70934

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 23 octobre 1989, 70934


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B.", dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 mai 1985 par lequel le tribunal administratif d' Amiens a premièrement, rejeté ses demandes en décharge d'une part, de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1977 et d'autre part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a

été assujettie au titre des années 1976 à 1979, et, deuxièmement, d'une part...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B.", dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 mai 1985 par lequel le tribunal administratif d' Amiens a premièrement, rejeté ses demandes en décharge d'une part, de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1977 et d'autre part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1979, et, deuxièmement, d'une part, a rejeté sa demande en décharge des impositions à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour les périodes pour lesquelles des déclarations auraient dû être souscrites avant le 1er janvier 1978, soit du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1977 et d'autre part, ordonné avant dire droit, en ce qui concerne la période ultérieure du 1er janvier 1978 au 30 septembre 1980, un supplément d'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 223-1 du code général des impôts que les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration de résultats, sont taxées d'office ; qu'il n'est pas contesté par la société requérante que, à l'exception de l'exercice 1975 pour lequel il n'existe plus de contestation, toutes ses déclarations de résultats ont été déposées tardivement ; que par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office ne lui était pas applicable ; que si, elle se prévaut des dispositions du I-1 de l'article 3 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, en vertu desquelles la procédure de taxation d'office prévue à l'article L.66-1° du Livre des procédures fiscales n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure, ces dispositions qui ne s'appliquent qu'à compter du 1er janvier 1978, ne visent pas l'imposition à l'impôt sur les sociétés ; que si la société requérante invoque également une instruction par laquelle l'administration aurait prescrit d'adresser une mise en demeure préalable avant toute taxation d'office à l'impôt sur les sociétés, ctte instruction qui est relative à la procédure d'imposition, n'entre pas dans le cadre des dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales et ne peut donc être utilement invoquée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges de l'entreprise doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes ;

Considérant qu'en se bornant à produire la lettre d'un directeur d'une maison d'arrêt datée du 2 juillet 1982 et précisant qu'à la date du 1er février 1972, les livres comptables de l'établissement retracent une recette d'un montant de 16 494,12 F réglée par la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B.", la société requérante ne peut être regardée comme rapportant la preuve du caractère déductible de cette somme de 16 644,91 F ;
Considérant que si la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." soutient que les achats de vins faits en 1972 pour un montant de 4 352,56 F étaient destinés à faire des cadeaux à diverses relations d'affaires de la société, elle n'apporte à l'appui de ses allégations aucune justification de nature à les faire considérer comme établies ; que les dispositions de l'article 45 de l'annexe IV qu'elle invoque, n'ont pas pour objet, ainsi qu'elle le soutient, d'admettre la déductibilité automatique de tous les frais dont les montants restent inférieurs à ceux qu'elles fixent, mais d'exiger pour les frais qui excèdent ces montants qu'ils figurent sur un relevé détaillé ; que le montant des achats de vins, qu'elle a effectués en 1972, excédait d'ailleurs la somme de 2 000 F prévue par l'article 45 de l'annexe IV du code précité ;
Considérant qu'en ce qui concerne les déficits des exercices 1973 et 1974, reportés sur l'exercice 1976, la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." qui était en situation d'être taxée d'office, soutient que la reconstitution faite par le service des recettes tirées d'une activité de menuiserie qu'elle a exercée pendant ces années, serait inexacte et excessive ; qu'elle ne justifie cette critique par aucun élément précis, et ne propose aucune méthode de reconstitution plus satisfaisante ; que si la société invoque la circonstance que en réalité, une partie de cette activité de menuiserie a été développée à son insu par certains de ses employés dans le cadre d'une société de fait, il résulte de l'instruction que c'est avec les moyens de l'entreprise que cette société de fait aurait exercé son activité ; que par suite, le service a pu à bon droit rattacher les résultats de cette activité à ceux de la société requérante ; que celle-ci n'établit pas que le service ait fait une évaluation exagérée des recettes tirées de cette dernière ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'exercice 1977, le vérificateur a constaté que deux chèques émis au nom de la société avaient été portés au crédit du compte courant du principal associé de la société ; que si la société soutient que ces chèques correspondaient, en fait, à des prêts consentis à la société et remboursés par la suite et si elle produit deux attestations de prêts, ces documents établis postérieurement aux opérations alléguées, ne peuvent être regardés comme en justifiant la réalité ; que par suite, elle n'apporte pas la preuve que c'est à tort que ces sommes ont été regardées comme des recettes imposables par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d' Amiens a rejeté ses requêtes relatives aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 1976 et 1977 ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 portant loi de finances pour 1980, ultérieurement codifié à l'article 1763 A du code général des impôts : "Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du code général des impôts, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité fiscale calculée en appliquant au montant des sommes versées ou distribuées le double du taux maximum de l'impôt sur le revenu ... Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 80 ter 1-2-3 et 62 du code général des impôts ainsi que les dirigeants de fait sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité, qui est établie et recouvrée comme en matière d'impôt sur le revenu. Sont abrogés les articles 9, 169 et 197-IV du code général des impôts" ;

Considérant que les dispositions précitées ont eu pour objet de substituer à l'impôt sur le revenu dont les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés pouvaient être redevables dans les conditions prévues aux articles 9, 117, 169 et 197 du code général des impôts une pénalité fiscale sanctionnant le refus par la personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus ; que ces dispositions, qui ne concernent pas l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, ne sont pas au nombre de celles qui, en vertu du II de l'article 1er de la loi du 18 janvier 1980 susmentionnée, s'appliquent, pour la première fois, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1979 et, en matière d'impôt sur les sociétés, aux bénéfices des exercices clos à compter du 31 décembre 1979 ; que, par suite, la pénalité fiscale qu'elles prévoient est applicable dès lors que son fait générateur intervient postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1980 ; que ce fait générateur est l'expiration du délai imparti à la société distributrice, en vertu de l'article 117, pour indiquer les bénéficiaires de la distribution ;
Considérant que la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." a été invitée à faire connaitre les bénéficiaires des distributions occultes établies par le service par une première notification de redressement du mois de décembre 1980 ; que cette demande a été renouvelée le 22 janvier 1981 ; que, par suite, le délai imparti à la société pour indiquer les bénéficiaires de la distribution expirait le 23 février 1981 ; qu'à cette date, les dispositions précitées de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 étaient en vigueur ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit d'assujettir la société, en raison du défaut de désignation des bénéficiaires, à une cotisation d'impôt sur le revenu ;

Considérant toutefois que le ministre demande qu'une compensation soit opérée entre l'imposition qui était légalement due et celle qui a été appliquée à tort ; qu'une telle demande n'entre pas dans les prévisions des articles 1955-1, 1955-2 et 1955-3 du code général des impôts dans leur rédaction alors en vigueur ; qu'elle doit donc être rejetée ; que toutefois, le ministre a, par une décision du 10 août 1988, accordé à la société requérante un dégrèvement de 1 607 F de l'impôt sur le revenu dû par elle ; qu'à concurrence de ce montant, la demande de la société est devenue sans objet ; que pour le reste, il y a lieu d'accorder la décharge sollicitée ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux amemdes fiscales appliquées aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que dans un mémoire en réplique en date du 27 février 1987, la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." a fait valoir que les amendes fiscales qui lui avaient été appliquées étaient prescrites faute d'avoir figuré dans la notification de redressements au 19 décembre 1980 ;
Considérant toutefois qu'en ce qui concerne l'exercice 1976, il résulte de l'instruction que les redressements effectués n'ont pas été assortis de pénalités mais seulement d'intérêts de retard au taux de 25 % ; que par suite, le moyen de la société manque en fait pour cet exercice ;
Considérant qu'en ce qui concerne les autres années pour lesquelles des redressements à l'impôt sur les sociétés ont été prononcés, à savoir les années 1977 et 1978, les pénalités appliquées ont été constatées pour la première fois dans des rôles mis en recouvrement le 30 juin 1981 ; qu'à cette date, le délai de prescription prévu à l'article L.176 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré ; que la demande de la société doit donc également être écartée sur ce point ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que par une décision en date du 28 avril 1989, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux de l'Oise a accordé à la société la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." relatives, d'une part, à l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1977, à concurrence d'une somme de 1 607 F qui a fait l'objet d'une décision de dégrèvement en date du 10 août 1988, d'autre part, à la taxe sur la valeur ajoutée dont le dégrèvement a été prononcé par une décision en date du 28 avril 1989.
Article 2 : La société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." est déchargée de la somme de 6 553 F restant à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu dû pour l'année 1977 après la décisionde dégrèvement du 10 août 1988.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d' Amiens en date du 21 mai 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée "ORGANISATION B.M.B." et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 70934
Date de la décision : 23/10/1989
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - COMPENSATION - Compensation impossible - Pénalité instituée par l'article 72 de la loi de finances pour 1980 et cotisation d'impôt sur le revenu due sous le régime antérieur.

19-01-03-05, 19-04-02-03-01-01-01 Les dispositions de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 portant loi de finances pour 1980, ultérieurement codifié à l'article 1763 A du C.G.I., ont eu pour objet de substituer à l'impôt sur le revenu, dont les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés pouvaient être redevables dans les conditions prévues aux articles 9, 117, 169 et 197 du C.G.I., une pénalité fiscale sanctionnant le refus par la personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Ces dispositions, qui ne concernent pas l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, ne sont pas au nombre de celles qui, en vertu du II de l'article 1er de la loi du 18 janvier 1980, s'appliquent, pour la première fois, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1979 et, en matière d'impôt sur les sociétés, aux bénéfices des exercices clos à compter du 31 décembre 1979. Par suite, la pénalité fiscale qu'elles prévoient est applicable dès lors que son fait générateur intervient postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1980. Ce fait générateur est l'expiration du délai imparti à la société distributrice, en vertu de l'article 117, pour indiquer les bénéficiaires de la distribution. La société a été invitée à faire connaître les bénéficiaires des distributions occultes établies par le service par une première notification de redressement du mois de décembre 1980. Cette demande a été renouvelée le 22 janvier 1981. Par suite, le délai imparti à la société pour indiquer les bénéficiaires de la distribution expirait le 23 février 1981. A cette date, les dispositions de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 étaient en vigueur. Par suite, l'administration n'était pas en droit d'assujettir la société, en raison du défaut de désignation des bénéficiaires, à une cotisation d'impôt sur le revenu. Toutefois, le ministre demande qu'une compensation soit opérée entre l'imposition qui était légalement due et celle qui a été appliquée à tort. Une telle demande n'entre pas dans les prévisions des articles 1955-1, 1955-2 et 1955-3 du C.G.I. dans leur rédaction alors en vigueur. Elle doit donc être rejetée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION DE LA PERSONNE MORALE DISTRIBUTRICE - Distributions occultes - Pénalité de l'article 1763 A - Fait générateur de la pénalité instituée par l'article 1763 A du C - G - I - Pas de compensation possible entre cette pénalité et la cotisation d'impôt sur le revenu due sous le régime antérieur.


Références :

. CGIAN4 45
CGI 223 1, 1763 A, 9, 117, 169, 197, 1955
CGI Livre des procédures fiscales L66-1, L80 A, L176
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3 I 1
Loi 80-30 du 18 janvier 1980 art. 1 II, art. 72 Finances pour 1980


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 1989, n° 70934
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Froment-Meurice
Rapporteur public ?: M. Chahid-Nouraï

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:70934.19891023
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